Author: | Pierre de Coubertin | ISBN: | 1230002581217 |
Publisher: | Édition de l’Association des Hellènes Libéraux de Lausanne, Lausanne, 1918 | Publication: | September 27, 2018 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Pierre de Coubertin |
ISBN: | 1230002581217 |
Publisher: | Édition de l’Association des Hellènes Libéraux de Lausanne, Lausanne, 1918 |
Publication: | September 27, 2018 |
Imprint: | |
Language: | French |
L’histoire grecque est à proprement parler l’histoire de l’Hellénisme.
L’Hellénisme n’est pas un ensemble de faits : c’est une atmosphère, un état d’âme, une formule de civilisation. Au moment où il pénétra — ou il sembla pénétrer plutôt — dans le cadre de l’histoire, il s’affirma par deux chefs d’œuvre d’une si surprenante venue que la critique moderne, acerbe et jalouse, a usé ses forces pour tâcher d’en prouver le caractère apocryphe. Elle y a complètement échoué. C’est que l’Iliade et l’Odyssée ne sont une aurore que littérairement pour nous autres qui ne possédons rien d’antérieur : mais la société dont les mœurs y sont dépeintes était parvenue au soir de sa carrière ; elle avait derrière elle un long développement. La certitude s’en impose à nous, moins par les raffinements matériels à la description desquels le poète s’attarde parfois que par la notion partout répandue d’une politique et d’une morale avancées. Compréhension élevée du patriotisme, pratique intelligente des instructions, dignité et tenue des assemblées gouvernementales, force de la famille, respect de la femme, sens de la pitié et de la solidarité, ce sont là des qualités auxquelles un peuple ne parvient que par la triple coopération du temps, du bien-être et de la culture mentale. La Grèce homérique y avait atteint ; elle allait en déchoir.
Vers le XIme siècle avant Jésus Christ, les Doriens descendus des vallées thessaliennes où ils avaient âprement vécu, commencèrent d’envahir le Péloponèse. Ce fut une conquête de barbares. Les plus énergiques, les meilleurs des Hellènes, ne pouvant résister, durent s’expatrier. Le long des côtes de l’Asie Mineure et dans les îles, de nombreuses colonies furent fondées par eux. Sur les autres — ceux qui restèrent — s’appesantit le joug pesant d’un État déjà cristallisé dans sa médiocrité. Trompés par les beautés architecturales et littéraires de l’ordre et du mode dits Doriens, certains auteurs ont exalté Sparte. Leur enthousiasme a égaré l’opinion. Sparte fut plutôt une épine au flanc de la Grèce. On peut dire qu’elle ne produisit rien de bon, car la virilité même qu’on y cultivait fut sujette à d’étranges éclipses, à de lamentables effondrements. L’idéal spartiate consista obstinément en une exploitation systématique du faible par le fort. Ce fut un régime négatif et durable ; de l’un de ces caractères découla l’autre, les exploiteurs s’entendant généralement pour maintenir l’état de choses favorable à leur industrie. Au VIIIe et au VIIe siècles avant Jésus Christ cette tyrannie qui s’étendait sans s’adoucir, détermina de nouvelles migrations d’Hellènes ; cette fois les fugitifs se dirigèrent principalement vers l’Italie et la Sicile ; d’autres remontèrent vers la Macédoine et s’établirent sur les rives du Pont Euxin. Les vides furent comblés par des esclaves achetés et importés, les anciens habitants précédemment réduits en esclavage par la conquête ne suffisant plus aux besoins des vainqueurs. Sparte porte la responsabilité lourde d’avoir ainsi, sinon introduit, du moins singulièrement développé l’esclavage en Grèce.
L’histoire grecque est à proprement parler l’histoire de l’Hellénisme.
L’Hellénisme n’est pas un ensemble de faits : c’est une atmosphère, un état d’âme, une formule de civilisation. Au moment où il pénétra — ou il sembla pénétrer plutôt — dans le cadre de l’histoire, il s’affirma par deux chefs d’œuvre d’une si surprenante venue que la critique moderne, acerbe et jalouse, a usé ses forces pour tâcher d’en prouver le caractère apocryphe. Elle y a complètement échoué. C’est que l’Iliade et l’Odyssée ne sont une aurore que littérairement pour nous autres qui ne possédons rien d’antérieur : mais la société dont les mœurs y sont dépeintes était parvenue au soir de sa carrière ; elle avait derrière elle un long développement. La certitude s’en impose à nous, moins par les raffinements matériels à la description desquels le poète s’attarde parfois que par la notion partout répandue d’une politique et d’une morale avancées. Compréhension élevée du patriotisme, pratique intelligente des instructions, dignité et tenue des assemblées gouvernementales, force de la famille, respect de la femme, sens de la pitié et de la solidarité, ce sont là des qualités auxquelles un peuple ne parvient que par la triple coopération du temps, du bien-être et de la culture mentale. La Grèce homérique y avait atteint ; elle allait en déchoir.
Vers le XIme siècle avant Jésus Christ, les Doriens descendus des vallées thessaliennes où ils avaient âprement vécu, commencèrent d’envahir le Péloponèse. Ce fut une conquête de barbares. Les plus énergiques, les meilleurs des Hellènes, ne pouvant résister, durent s’expatrier. Le long des côtes de l’Asie Mineure et dans les îles, de nombreuses colonies furent fondées par eux. Sur les autres — ceux qui restèrent — s’appesantit le joug pesant d’un État déjà cristallisé dans sa médiocrité. Trompés par les beautés architecturales et littéraires de l’ordre et du mode dits Doriens, certains auteurs ont exalté Sparte. Leur enthousiasme a égaré l’opinion. Sparte fut plutôt une épine au flanc de la Grèce. On peut dire qu’elle ne produisit rien de bon, car la virilité même qu’on y cultivait fut sujette à d’étranges éclipses, à de lamentables effondrements. L’idéal spartiate consista obstinément en une exploitation systématique du faible par le fort. Ce fut un régime négatif et durable ; de l’un de ces caractères découla l’autre, les exploiteurs s’entendant généralement pour maintenir l’état de choses favorable à leur industrie. Au VIIIe et au VIIe siècles avant Jésus Christ cette tyrannie qui s’étendait sans s’adoucir, détermina de nouvelles migrations d’Hellènes ; cette fois les fugitifs se dirigèrent principalement vers l’Italie et la Sicile ; d’autres remontèrent vers la Macédoine et s’établirent sur les rives du Pont Euxin. Les vides furent comblés par des esclaves achetés et importés, les anciens habitants précédemment réduits en esclavage par la conquête ne suffisant plus aux besoins des vainqueurs. Sparte porte la responsabilité lourde d’avoir ainsi, sinon introduit, du moins singulièrement développé l’esclavage en Grèce.