Author: | Émile Faguet | ISBN: | 1230000227724 |
Publisher: | Émile Faguet | Publication: | March 24, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Émile Faguet |
ISBN: | 1230000227724 |
Publisher: | Émile Faguet |
Publication: | March 24, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
EXTRAIT:
Il est convenu que le Dictionnaire de Bayle est la Bible du XVIIIe siècle, que Pierre Bayle est le capitaine d'avant-garde des philosophes, et cela, encore que généralement admis, n'est pas trop faux; cela est même vrai; seulement il faut savoir que jamais éclaireur n'a moins ressemblé à ceux de son armée, et que, s'il les eût connus, il n'est personne au monde, non pas même les jésuites et les dragons de Villars, qu'il eût, j'en suis sûr, plus cordialement détesté que ses successeurs.
Au premier regard il paraît bien l'un d'eux, très exactement. On feuillette, et voici les principaux traits distinctifs du XVIIIe siècle, tant littéraire que philosophique et «religieux», qui apparaissent. Bayle est «moderne», admire froidement Homère, le trouve souvent un peu «bas», et, du reste, est aussi fermé à la grande poésie, et même à toute poésie, qu'il soit possible. Voltaire aura le goût plus large et plus élevé que lui.- Bayle a l'esprit d'examen minutieux, étroit et négateur; il ne croit qu'au petit fait et aux grandes conséquences du petit fait, comme Voltaire; il a comme Voltaire, une sorte de positivisme historique, et là où nous trouvons, sans nul doute, ce nous semble, l'explosion d'un grand sentiment et le déploiement soudain de grandes forces d'âme, il ne voit qu'une intrigue habile et une supercherie bien conduite. Savez-vous où est, à peu près, le sommaire de la Pucelle de Voltaire ? Dans un passage de Haillan, amoureusement transcrit et encadré par Bayle dans son dictionnaire.- Bayle a l'esprit de raillerie bouffonne et irrévérencieuse, et cette méthode du burlesque appliqué à la métaphysique et aux religions, qui est celle du XVIIIe siècle tout entier, depuis Fontenelle jusqu'à Béranger. Les plaisanteries sur le système de Spinoza (Dieu modifié en Gros-Jean est un imbécile, et Dieu, modifié en Leibniz est un grand génie; Dieu modifié en trente mille Autrichiens a assommé Dieu modifié en dix mille Prussiens), ces plaisanteries de Voltaire ne sont pas de Voltaire; elles sont de Bayle, ou plutôt elles ont commencé par être de Bayle.
EXTRAIT:
Il est convenu que le Dictionnaire de Bayle est la Bible du XVIIIe siècle, que Pierre Bayle est le capitaine d'avant-garde des philosophes, et cela, encore que généralement admis, n'est pas trop faux; cela est même vrai; seulement il faut savoir que jamais éclaireur n'a moins ressemblé à ceux de son armée, et que, s'il les eût connus, il n'est personne au monde, non pas même les jésuites et les dragons de Villars, qu'il eût, j'en suis sûr, plus cordialement détesté que ses successeurs.
Au premier regard il paraît bien l'un d'eux, très exactement. On feuillette, et voici les principaux traits distinctifs du XVIIIe siècle, tant littéraire que philosophique et «religieux», qui apparaissent. Bayle est «moderne», admire froidement Homère, le trouve souvent un peu «bas», et, du reste, est aussi fermé à la grande poésie, et même à toute poésie, qu'il soit possible. Voltaire aura le goût plus large et plus élevé que lui.- Bayle a l'esprit d'examen minutieux, étroit et négateur; il ne croit qu'au petit fait et aux grandes conséquences du petit fait, comme Voltaire; il a comme Voltaire, une sorte de positivisme historique, et là où nous trouvons, sans nul doute, ce nous semble, l'explosion d'un grand sentiment et le déploiement soudain de grandes forces d'âme, il ne voit qu'une intrigue habile et une supercherie bien conduite. Savez-vous où est, à peu près, le sommaire de la Pucelle de Voltaire ? Dans un passage de Haillan, amoureusement transcrit et encadré par Bayle dans son dictionnaire.- Bayle a l'esprit de raillerie bouffonne et irrévérencieuse, et cette méthode du burlesque appliqué à la métaphysique et aux religions, qui est celle du XVIIIe siècle tout entier, depuis Fontenelle jusqu'à Béranger. Les plaisanteries sur le système de Spinoza (Dieu modifié en Gros-Jean est un imbécile, et Dieu, modifié en Leibniz est un grand génie; Dieu modifié en trente mille Autrichiens a assommé Dieu modifié en dix mille Prussiens), ces plaisanteries de Voltaire ne sont pas de Voltaire; elles sont de Bayle, ou plutôt elles ont commencé par être de Bayle.