ANTHOLOGIE DES POÈTES FRANÇAIS CONTEMPORAINS

Biography & Memoir, Fiction & Literature
Cover of the book ANTHOLOGIE DES POÈTES FRANÇAIS CONTEMPORAINS by Gérard Walch, EDMOND ROSTAND, GO
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Author: Gérard Walch, EDMOND ROSTAND ISBN: 1230000230553
Publisher: GO Publication: April 3, 2014
Imprint: Language: French
Author: Gérard Walch, EDMOND ROSTAND
ISBN: 1230000230553
Publisher: GO
Publication: April 3, 2014
Imprint:
Language: French

Les œuvres de M. Edmond Rostand su trouvent chez Charpentier-Fasquelle.

M. Edmond Rostand a collaboré à divers journaux et périodiques.

M. Edmond Rostand, né le 1er avril 1868, à Marseille, rue Montaux, commença ses études au lycée de cette ville, où il les poursuivit jusqu’à la seconde, et vint les achever à Paris, au collège Stanislas. Puis il entra à l’Ecole de droit et passa sa licence. En 1890, à vingt-deux ans, il publiait son premier recueil de vers : Les Musardises. Voici en quels termes un critique pénétrant, M. Augustin Filon, salua l’entrée du jeune poète dans les lettres : « J’ai gardé pour la fin Les Musardises, de M. Edmond Rostand, un poète de vingt ans qui parait pour la première fois devant le public… Ce volume des Musardises n’est pas un bouton, ni une fleur, mais un fruit délicieux ; ce n’est pas une promesse, c’est une véritable explosion de talent poétique ; avec cela, un accent nouveau, cette spontanéité, cette hardiesse, ce je ne sais quoi d’enlevé et de vibrant qui dut faire tressaillir, il y a près de soixante-dix ans, les premiers lecteurs des Contes d’Espagne et d’Italie. Des audaces étonnantes, des habiletés plus étonnantes encore. Sous cette exubérance, un esprit sain et bien conformé ; pas de névrose, rien de la décadence ; un joyeux et robuste appétit de vivre, nuancé de cette mélancolie où les âmes passionnées se reposent sans s’énerver. »

Dans les Musardises, il y avait le poète qui rit et le poète qui pleure ; il y avait aussi le poète qui aime. Toute une partie du livre, la dernière, « colle qu’on noue comme un bouquet pour ,couronner l’œuvre », était dédiée à l’Aimée. Les Musardises n’avaient pas plus tôt paru que le poète se mariait. Le 8 avril 1890, M. Edmond Rostand épousait Mlle Rosemonde Gérard, qui l’année suivante se révélait, elle aussi, au monde des lettres, par la publication d’un volume de vers adorables : Les Pipeaux[1].

Un hasard ayant mis M. Rostand en rapport avec M. de Féraudy, de la Comédie française, le poète soumit à l’artiste an acte en vers, Les Deux Pierrots, qu’il destinait à être joué dans un salon. Pour toute réponse, M. de Féraudy porte l’acte à M. Jules Claretie. L’administrateur du Théâtre-Français lit le petit ouvrage, l’aime, le reçoit d’avance. Malheureusement, le jour de la lecture au Comité on apprenait la mort de Théodore de Banville. Tout le blanc de ces pierrots parut noir, et des boules de deuil tombèrent dans l’urne.

 

[1] Voici une pièce extraite de ce recueil. On nous saura gré de la transcrire ici :


L’ÉTERNELLE CHANSON

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s’ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos cœurs en fête,
Nous nous croirons encor de jeunes amoureux ;
Et je te sourirai, tout en branlant la tête,
Et nous ferons un couple adorable de vieux.
Nous nous regarderons, assis -sous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants.
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.

Sur notre banc ami, tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d’autrefois nous reviendrons causer.
Nous aurons une joie attendrie et très douce,
La phrase finissant souvent par un baiser.
Combien de fois jadis j’ai pu dire : « Je t’aime ! »
Alors avec grand soin nous le recompterons :
Nous nous ressouviendrons de mille choses même,
De petits riens exquis dont nous radoterons.
Un rayon descendra, d’une caresse douce,
Parmi nos cheveux blancs, tout rose, se poser,
Quand sur notre vieux banc, tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d’autrefois nous reviendrons causer.

Et comme chaque jour je t’aime davantage,
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain,
Qu’importeront alors les rides du visage ?
Mon amour se fera plus grave et plus serein.
Songe que tous les jours des souvenirs s’entassent ;

Mes souvenirs à moi seront aussi les tiens :
Ces communs souvenirs toujours plus nous enlacent
Et sans cesse entre nous tissent d’autres liens.
C’est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l’âge,
Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main,
Car vois-tu, chaque jour je t’aime davantage,
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain.


Et de ce cher amour qui passe comme un rêve
Je veux tout conserver dans le fond de mon cœur ;
Retenir, s’il se peut, l’impression trop brève
Pour la ressavourer plus tard avec lenteur.
J’enfouis tout ce qui vient de lui comme un avare,
Thésaurisant avec ardeur pour mes vieux jours ;
Je serai riche alors* d’une richesse rare :
J’aurai gardé tout l’or de mes jeunes amours !
Ainsi de ce passé de bonheur qui s’achève
Ma mémoire parfois me rendra la douceur ;
Et de ce cher amour qui passe comme un rêve
J’aurai tout conservé dans le fond de mon cœur.


Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s’ensoleille.
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos cœurs en fête,
Nous nous croirons encore aux jours heureux d’antan,
Et je te sourirai tout en branlant la tête.
Et tu me parleras d’amour en chevrotant.
Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants,
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,

(Les Pipeaux.)
W.

 

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Les œuvres de M. Edmond Rostand su trouvent chez Charpentier-Fasquelle.

M. Edmond Rostand a collaboré à divers journaux et périodiques.

M. Edmond Rostand, né le 1er avril 1868, à Marseille, rue Montaux, commença ses études au lycée de cette ville, où il les poursuivit jusqu’à la seconde, et vint les achever à Paris, au collège Stanislas. Puis il entra à l’Ecole de droit et passa sa licence. En 1890, à vingt-deux ans, il publiait son premier recueil de vers : Les Musardises. Voici en quels termes un critique pénétrant, M. Augustin Filon, salua l’entrée du jeune poète dans les lettres : « J’ai gardé pour la fin Les Musardises, de M. Edmond Rostand, un poète de vingt ans qui parait pour la première fois devant le public… Ce volume des Musardises n’est pas un bouton, ni une fleur, mais un fruit délicieux ; ce n’est pas une promesse, c’est une véritable explosion de talent poétique ; avec cela, un accent nouveau, cette spontanéité, cette hardiesse, ce je ne sais quoi d’enlevé et de vibrant qui dut faire tressaillir, il y a près de soixante-dix ans, les premiers lecteurs des Contes d’Espagne et d’Italie. Des audaces étonnantes, des habiletés plus étonnantes encore. Sous cette exubérance, un esprit sain et bien conformé ; pas de névrose, rien de la décadence ; un joyeux et robuste appétit de vivre, nuancé de cette mélancolie où les âmes passionnées se reposent sans s’énerver. »

Dans les Musardises, il y avait le poète qui rit et le poète qui pleure ; il y avait aussi le poète qui aime. Toute une partie du livre, la dernière, « colle qu’on noue comme un bouquet pour ,couronner l’œuvre », était dédiée à l’Aimée. Les Musardises n’avaient pas plus tôt paru que le poète se mariait. Le 8 avril 1890, M. Edmond Rostand épousait Mlle Rosemonde Gérard, qui l’année suivante se révélait, elle aussi, au monde des lettres, par la publication d’un volume de vers adorables : Les Pipeaux[1].

Un hasard ayant mis M. Rostand en rapport avec M. de Féraudy, de la Comédie française, le poète soumit à l’artiste an acte en vers, Les Deux Pierrots, qu’il destinait à être joué dans un salon. Pour toute réponse, M. de Féraudy porte l’acte à M. Jules Claretie. L’administrateur du Théâtre-Français lit le petit ouvrage, l’aime, le reçoit d’avance. Malheureusement, le jour de la lecture au Comité on apprenait la mort de Théodore de Banville. Tout le blanc de ces pierrots parut noir, et des boules de deuil tombèrent dans l’urne.

 

[1] Voici une pièce extraite de ce recueil. On nous saura gré de la transcrire ici :


L’ÉTERNELLE CHANSON

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s’ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos cœurs en fête,
Nous nous croirons encor de jeunes amoureux ;
Et je te sourirai, tout en branlant la tête,
Et nous ferons un couple adorable de vieux.
Nous nous regarderons, assis -sous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants.
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.

Sur notre banc ami, tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d’autrefois nous reviendrons causer.
Nous aurons une joie attendrie et très douce,
La phrase finissant souvent par un baiser.
Combien de fois jadis j’ai pu dire : « Je t’aime ! »
Alors avec grand soin nous le recompterons :
Nous nous ressouviendrons de mille choses même,
De petits riens exquis dont nous radoterons.
Un rayon descendra, d’une caresse douce,
Parmi nos cheveux blancs, tout rose, se poser,
Quand sur notre vieux banc, tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d’autrefois nous reviendrons causer.

Et comme chaque jour je t’aime davantage,
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain,
Qu’importeront alors les rides du visage ?
Mon amour se fera plus grave et plus serein.
Songe que tous les jours des souvenirs s’entassent ;

Mes souvenirs à moi seront aussi les tiens :
Ces communs souvenirs toujours plus nous enlacent
Et sans cesse entre nous tissent d’autres liens.
C’est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l’âge,
Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main,
Car vois-tu, chaque jour je t’aime davantage,
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain.


Et de ce cher amour qui passe comme un rêve
Je veux tout conserver dans le fond de mon cœur ;
Retenir, s’il se peut, l’impression trop brève
Pour la ressavourer plus tard avec lenteur.
J’enfouis tout ce qui vient de lui comme un avare,
Thésaurisant avec ardeur pour mes vieux jours ;
Je serai riche alors* d’une richesse rare :
J’aurai gardé tout l’or de mes jeunes amours !
Ainsi de ce passé de bonheur qui s’achève
Ma mémoire parfois me rendra la douceur ;
Et de ce cher amour qui passe comme un rêve
J’aurai tout conservé dans le fond de mon cœur.


Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s’ensoleille.
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos cœurs en fête,
Nous nous croirons encore aux jours heureux d’antan,
Et je te sourirai tout en branlant la tête.
Et tu me parleras d’amour en chevrotant.
Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants,
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,

(Les Pipeaux.)
W.

 

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