Balzac

Fiction & Literature, Historical, Literary
Cover of the book Balzac by EUGÈNE DE MIRECOURT, GILBERT TEROL, GILBERT TEROL
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Author: EUGÈNE DE MIRECOURT, GILBERT TEROL ISBN: 1230000224720
Publisher: GILBERT TEROL Publication: March 13, 2014
Imprint: Language: French
Author: EUGÈNE DE MIRECOURT, GILBERT TEROL
ISBN: 1230000224720
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: March 13, 2014
Imprint:
Language: French

C’était hier, il nous semble y être encore.

Nous pleurions tous au bord de cette fosse ; nous regardions avec désespoir ce cercueil qui emportait tant de génie.

Et Victor Hugo nous disait :

« Sa mort a frappé Paris de stupeur. Depuis quelques mois, il était rentré en France. Se sentant mourir, il avait voulu revoir la patrie, comme la veille d’un grand voyage on vient embrasser sa mère.

« Sa vie a été courte, mais pleine ; plus remplie d’œuvres que de jours.

« Hélas ! ce travailleur puissant et jamais fatigué, ce philosophe, ce penseur, ce poëte, a vécu parmi nous de cette vie d’orages, de luttes, de querelles, de combats, commune dans tous les temps à tous les grands hommes. Aujourd’hui le voici en paix. Il sort des contestations et des haines ; il entre, le même jour, dans la gloire et dans le tombeau. Il va briller désormais, au-dessus de toutes ces nuées qui sont sur nos têtes, parmi les étoiles de la patrie. »

Toute l’histoire de Balzac est contenue dans ces nobles et solennelles paroles.

Vivant, il a eu sans cesse à combattre les rivalités haineuses, les médiocrités jalouses ; mort, chacun proclame son mérite, chacun lui tresse des couronnes. Ses ennemis eux-mêmes trouvent que sa tombe n’a pas assez de gloire.

Honoré de Balzac est né à Tours en 1799, le 20 mai, dans la maison de la rue Impériale[1] qui porte le numéro 45.

Son père, consultant le calendrier et trouvant de bon augure le nom du saint du jour, décida que son fils recevrait ce nom au baptême.

Le jeune Honoré grandit à côté de deux sœurs charmantes, dont il refusait de partager les jeux, absorbé qu’il était, dès l’âge le plus tendre, par une sorte d’inspiration précoce qui l’emportait dans le monde des rêves. Il avait à ses côtés une fée mystérieuse, un ange gardien de son génie, qui le couvrait de ses ailes et le berçait doucement dans l’extase.

Madame de Balzac, effrayée de voir un enfant si jeune en butte à des tendances ascétiques, essaya de le rendre aux goûts de son âge.

On donna force jouets au petit Honoré.

Dans le nombre, un seul eut le don de lui plaire : c’était un de ces Stradivarius de vingt-cinq sous qu’on achète à l’étalage des boutiques foraines. Il l’emporta tout joyeux et s’escrima de l’archet du matin au soir.

— Entends-tu comme c’est beau ! disait-il à Laure, l’aînée de ses sœurs[2].

— Ma foi, non, répondit celle-ci ; tu m’écorches les oreilles !

L’enfant la regarda d’un air scandalisé, quitta la chambre et alla tout seul continuer sa musique sous les arbres du jardin.

Deux heures après, on le retrouva, les yeux au ciel, le visage inondé de larmes et jouant toujours du violon. Les notes grinçantes que les cordes rendaient au hasard se changeaient pour le jeune rêveur en une harmonie céleste. Il semblait faire sa partie dans le concert des anges.

Balzac lui-même a donné quelques détails pleins d’intérêt sur son enfance[3].

À cinq ans, il lut les Écritures et se perdit avec un attrait ineffable dans leurs mystérieuses profondeurs. Tous les livres qui lui tombaient entre les mains étaient dévorés en un clin d’œil. Souvent, dès le point du jour, il partait charger de volumes, avec un morceau de pain dans sa poche, et s’en allait au fond des bois, où il lisait jusqu’à la nuit tombante.

Envoyé au collége des Oratoriens de Vendôme, il continua de s’y livrer à sa passion pour la lecture.

Œuvres scientifiques, philosophiques[4] ou religieuses, tout lui était bon. Les dictionnaires eux-mêmes y passaient, depuis la première ligne jusqu’à la dernière. Il avait pour système de mériter le cachot et de s’y faire envoyer par les professeurs, afin de lire plus à l’aise et sans dérangement.

Doué d’une mémoire prodigieuse, il retenait tout, les lieux, les noms, les mots, les choses, les figures.

Bientôt il en résulta pour cette jeune tête un phénomène inquiétant. Au milieu du chaos produit par une myriade d’idées tourbillonnantes, la raison parut tout à coup s’éclipser.

Notre collégien, revenu à Tours, épouvanta sa famille.

On prenait pour de l’idiotisme la somnolence inévitable causée, si nous pouvons nous exprimer de la sorte, par le travail de classement qui s’opérait dans le cerveau.

Assis au festin de l’intelligence, l’enfant avait absorbé des bibliothèques, et la digestion devenait pénible.

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C’était hier, il nous semble y être encore.

Nous pleurions tous au bord de cette fosse ; nous regardions avec désespoir ce cercueil qui emportait tant de génie.

Et Victor Hugo nous disait :

« Sa mort a frappé Paris de stupeur. Depuis quelques mois, il était rentré en France. Se sentant mourir, il avait voulu revoir la patrie, comme la veille d’un grand voyage on vient embrasser sa mère.

« Sa vie a été courte, mais pleine ; plus remplie d’œuvres que de jours.

« Hélas ! ce travailleur puissant et jamais fatigué, ce philosophe, ce penseur, ce poëte, a vécu parmi nous de cette vie d’orages, de luttes, de querelles, de combats, commune dans tous les temps à tous les grands hommes. Aujourd’hui le voici en paix. Il sort des contestations et des haines ; il entre, le même jour, dans la gloire et dans le tombeau. Il va briller désormais, au-dessus de toutes ces nuées qui sont sur nos têtes, parmi les étoiles de la patrie. »

Toute l’histoire de Balzac est contenue dans ces nobles et solennelles paroles.

Vivant, il a eu sans cesse à combattre les rivalités haineuses, les médiocrités jalouses ; mort, chacun proclame son mérite, chacun lui tresse des couronnes. Ses ennemis eux-mêmes trouvent que sa tombe n’a pas assez de gloire.

Honoré de Balzac est né à Tours en 1799, le 20 mai, dans la maison de la rue Impériale[1] qui porte le numéro 45.

Son père, consultant le calendrier et trouvant de bon augure le nom du saint du jour, décida que son fils recevrait ce nom au baptême.

Le jeune Honoré grandit à côté de deux sœurs charmantes, dont il refusait de partager les jeux, absorbé qu’il était, dès l’âge le plus tendre, par une sorte d’inspiration précoce qui l’emportait dans le monde des rêves. Il avait à ses côtés une fée mystérieuse, un ange gardien de son génie, qui le couvrait de ses ailes et le berçait doucement dans l’extase.

Madame de Balzac, effrayée de voir un enfant si jeune en butte à des tendances ascétiques, essaya de le rendre aux goûts de son âge.

On donna force jouets au petit Honoré.

Dans le nombre, un seul eut le don de lui plaire : c’était un de ces Stradivarius de vingt-cinq sous qu’on achète à l’étalage des boutiques foraines. Il l’emporta tout joyeux et s’escrima de l’archet du matin au soir.

— Entends-tu comme c’est beau ! disait-il à Laure, l’aînée de ses sœurs[2].

— Ma foi, non, répondit celle-ci ; tu m’écorches les oreilles !

L’enfant la regarda d’un air scandalisé, quitta la chambre et alla tout seul continuer sa musique sous les arbres du jardin.

Deux heures après, on le retrouva, les yeux au ciel, le visage inondé de larmes et jouant toujours du violon. Les notes grinçantes que les cordes rendaient au hasard se changeaient pour le jeune rêveur en une harmonie céleste. Il semblait faire sa partie dans le concert des anges.

Balzac lui-même a donné quelques détails pleins d’intérêt sur son enfance[3].

À cinq ans, il lut les Écritures et se perdit avec un attrait ineffable dans leurs mystérieuses profondeurs. Tous les livres qui lui tombaient entre les mains étaient dévorés en un clin d’œil. Souvent, dès le point du jour, il partait charger de volumes, avec un morceau de pain dans sa poche, et s’en allait au fond des bois, où il lisait jusqu’à la nuit tombante.

Envoyé au collége des Oratoriens de Vendôme, il continua de s’y livrer à sa passion pour la lecture.

Œuvres scientifiques, philosophiques[4] ou religieuses, tout lui était bon. Les dictionnaires eux-mêmes y passaient, depuis la première ligne jusqu’à la dernière. Il avait pour système de mériter le cachot et de s’y faire envoyer par les professeurs, afin de lire plus à l’aise et sans dérangement.

Doué d’une mémoire prodigieuse, il retenait tout, les lieux, les noms, les mots, les choses, les figures.

Bientôt il en résulta pour cette jeune tête un phénomène inquiétant. Au milieu du chaos produit par une myriade d’idées tourbillonnantes, la raison parut tout à coup s’éclipser.

Notre collégien, revenu à Tours, épouvanta sa famille.

On prenait pour de l’idiotisme la somnolence inévitable causée, si nous pouvons nous exprimer de la sorte, par le travail de classement qui s’opérait dans le cerveau.

Assis au festin de l’intelligence, l’enfant avait absorbé des bibliothèques, et la digestion devenait pénible.

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