Author: | Octave Feuillet | ISBN: | 1230003148488 |
Publisher: | Paris : Michel Lévy frères, 1852 | Publication: | March 23, 2019 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Octave Feuillet |
ISBN: | 1230003148488 |
Publisher: | Paris : Michel Lévy frères, 1852 |
Publication: | March 23, 2019 |
Imprint: | |
Language: | French |
Au fond d’une petite baie découpée par l’Océan, sur la côte sud du Finistère, s’abrite le village de F…, qui, avant d’être infesté par les artistes, recelait de très-jolies femmes sous de charmants costumes. Malheureusement les artistes sont venus ; les femmes de F… ont appris qu’elles avaient beaucoup de couleur et de cachet, qu’elles étaient pittoresques enfin ; aussi commencent-elles à porter gauchement leurs vêtements nationaux, et à paraître empruntées sous les coiffes maternelles.
En l’année 1795, c’était un phénomène à noter que le calme heureux dont jouissait ce petit village, paisiblement assis sur sa grève entre l’Océan et la révolution. Jusqu’à cette époque, l’insurrection bretonne avait fait peu de recrues dans cette partie extrême de la péninsule. La république y était à la vérité peu goûtée, surtout depuis qu’elle avait changé l’évêché en département. Les pêcheurs de F… en particulier n’avaient pas appris avec indifférence cette niche d’un pouvoir tracassier, comme leur recteur appelait le comité de salut public ; mais ce pouvoir, tracassier effectivement, ayant borné à cet enfantillage ses rapports directs avec les pêcheurs, ceux-ci n’avaient pas donné suite à leur projet d’aller joindre les gars de Coquereau et de Bois-Hardy : on respectait leurs barques, leurs femmes, leurs maisons ; leur vieux recteur même , malgré l’imprudence de son langage, était ou ignoré ou toléré ; bref, ces bonnes gens, voyant que la république les oubliait, s’étaient pris de leur côté à oublier la république.
Au fond d’une petite baie découpée par l’Océan, sur la côte sud du Finistère, s’abrite le village de F…, qui, avant d’être infesté par les artistes, recelait de très-jolies femmes sous de charmants costumes. Malheureusement les artistes sont venus ; les femmes de F… ont appris qu’elles avaient beaucoup de couleur et de cachet, qu’elles étaient pittoresques enfin ; aussi commencent-elles à porter gauchement leurs vêtements nationaux, et à paraître empruntées sous les coiffes maternelles.
En l’année 1795, c’était un phénomène à noter que le calme heureux dont jouissait ce petit village, paisiblement assis sur sa grève entre l’Océan et la révolution. Jusqu’à cette époque, l’insurrection bretonne avait fait peu de recrues dans cette partie extrême de la péninsule. La république y était à la vérité peu goûtée, surtout depuis qu’elle avait changé l’évêché en département. Les pêcheurs de F… en particulier n’avaient pas appris avec indifférence cette niche d’un pouvoir tracassier, comme leur recteur appelait le comité de salut public ; mais ce pouvoir, tracassier effectivement, ayant borné à cet enfantillage ses rapports directs avec les pêcheurs, ceux-ci n’avaient pas donné suite à leur projet d’aller joindre les gars de Coquereau et de Bois-Hardy : on respectait leurs barques, leurs femmes, leurs maisons ; leur vieux recteur même , malgré l’imprudence de son langage, était ou ignoré ou toléré ; bref, ces bonnes gens, voyant que la république les oubliait, s’étaient pris de leur côté à oublier la république.