Author: | Alphonse Esquiros | ISBN: | 1230000965392 |
Publisher: | Alphonse Esquiros | Publication: | February 26, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Alphonse Esquiros |
ISBN: | 1230000965392 |
Publisher: | Alphonse Esquiros |
Publication: | February 26, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
EXTRAIT:
Introduction
Il y a quelques années, un voyageur se mit en marche sur la route de Caen.
Il était parti, un jour de printemps, pour visiter les lieux habités par Charlotte Corday.
On traverse, avant d’arriver à Caen, un pays fertile et couvert d’arbres à fruits. La Normandie est un vaste pommier ; à l’ombre de ce pommier s’étend une prairie sans fin, où paissent à l’abandon de grands bœufs et de belles vaches nonchalantes qui ont de l’herbe jusqu’au-dessus des flancs. Quelquefois même ces herbes sont si hautes que, dans certains prés, les bêtes errantes ou agenouillées laissent apercevoir seulement le bout de leurs cornes. Les paysannes qu’on rencontre se ressentent de cette abondance ; quelques-unes allaitent de leurs puissantes mamelles de beaux enfants frais et joufflus qui leur sourient bravement. Les hommes gardent leurs troupeaux ou passent la herse sur les glèbes grasses et molles à l’aide de forts chevaux, dont la croupe gris-pommelé ressemble, pour la couleur, au ciel de Normandie. Comme on était alors au mois de juin, les pommiers fleuris couvraient la route d’une neige fine et odorante que le vent chassait par bouffées sur des nappes de verdure.
Ces arbres prenaient le long de la route mille formes extraordinaires : les uns, à demi renversés, laissaient pendre tout d’un côté leur chevelure blanche et poudrée à fleurs, tandis que d’autres relevaient superbement la tête et s’alignaient avec ordre devant notre passage, comme des soldats un jour de revue. Quelques propriétaires leur donnaient en marchant sur la route un regard d’espérance : ces fleurs promettaient des fruits, et la récolte des pommes est la vendange de la Normandie.
J’eus occasion, chemin faisant, d’observer, jusque dans les détails les plus minutieux, les mœurs normandes, qui sont surtout entachées d’avarice et de chicane. De Paris à Mantes, on lit sur les méchantes auberges de la route cette formule consacrée : « Ici on » DONNE « à boire et à manger. » Passé Mantes, les aubergistes normands, qui craignent d’être pris au mot, font écrire sur leurs volets : « Ici on » VEND « à boire et à manger. »
Je me consolai des habitants sur la nature, qui, sans être très variée, avait un caractère de force, de fécondité et d’abondance tout nouveau pour moi ; la terre me surprenait par ses largesses ; on eût dit la vieille mère Cybèle, avec son teint fauve et ses grappes de mamelles gonflées de lait.
EXTRAIT:
Introduction
Il y a quelques années, un voyageur se mit en marche sur la route de Caen.
Il était parti, un jour de printemps, pour visiter les lieux habités par Charlotte Corday.
On traverse, avant d’arriver à Caen, un pays fertile et couvert d’arbres à fruits. La Normandie est un vaste pommier ; à l’ombre de ce pommier s’étend une prairie sans fin, où paissent à l’abandon de grands bœufs et de belles vaches nonchalantes qui ont de l’herbe jusqu’au-dessus des flancs. Quelquefois même ces herbes sont si hautes que, dans certains prés, les bêtes errantes ou agenouillées laissent apercevoir seulement le bout de leurs cornes. Les paysannes qu’on rencontre se ressentent de cette abondance ; quelques-unes allaitent de leurs puissantes mamelles de beaux enfants frais et joufflus qui leur sourient bravement. Les hommes gardent leurs troupeaux ou passent la herse sur les glèbes grasses et molles à l’aide de forts chevaux, dont la croupe gris-pommelé ressemble, pour la couleur, au ciel de Normandie. Comme on était alors au mois de juin, les pommiers fleuris couvraient la route d’une neige fine et odorante que le vent chassait par bouffées sur des nappes de verdure.
Ces arbres prenaient le long de la route mille formes extraordinaires : les uns, à demi renversés, laissaient pendre tout d’un côté leur chevelure blanche et poudrée à fleurs, tandis que d’autres relevaient superbement la tête et s’alignaient avec ordre devant notre passage, comme des soldats un jour de revue. Quelques propriétaires leur donnaient en marchant sur la route un regard d’espérance : ces fleurs promettaient des fruits, et la récolte des pommes est la vendange de la Normandie.
J’eus occasion, chemin faisant, d’observer, jusque dans les détails les plus minutieux, les mœurs normandes, qui sont surtout entachées d’avarice et de chicane. De Paris à Mantes, on lit sur les méchantes auberges de la route cette formule consacrée : « Ici on » DONNE « à boire et à manger. » Passé Mantes, les aubergistes normands, qui craignent d’être pris au mot, font écrire sur leurs volets : « Ici on » VEND « à boire et à manger. »
Je me consolai des habitants sur la nature, qui, sans être très variée, avait un caractère de force, de fécondité et d’abondance tout nouveau pour moi ; la terre me surprenait par ses largesses ; on eût dit la vieille mère Cybèle, avec son teint fauve et ses grappes de mamelles gonflées de lait.