Author: | Alexandre Dumas | ISBN: | 1230000792585 |
Publisher: | Alexandre Dumas | Publication: | November 20, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Alexandre Dumas |
ISBN: | 1230000792585 |
Publisher: | Alexandre Dumas |
Publication: | November 20, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
EXTRAIT:
Notre pauvre histoire de France, grâce à MM les historiographes patentés, a acquis, près des femmes surtout, une réputation d’ennui, qui depuis deux siècles soutient avec avantage la comparaison contre toute réputation de ce genre. La paresse qui leur est naturelle, et qui, comme presque tous leurs défauts, est encore un de leurs charmes, le peu de temps qui leur reste entre la toilette du matin, les courses ou le rendez-vous de la journée, et le bal du soir, étrangle toute occupation sérieuse, et leur fait négliger d’aller chercher le vrai et le pittoresque dans ces merveilleux mémoires du moyen âge, où dès la première page elles craignent de rencontrer une fatigue. Puis après tout, à quoi bon la science à cette moitié du monde qui n’a qu’à sourire pour être belle, qu’à se coucher à demi pour être gracieuse, qu’à marcher pour être élégante ? à qui l’on ne demande, pendant ses quinze ans de jeunesse et de beauté, qu’un sourire qui encourage, qu’un regard qui enhardisse, qu’un mot qui rende heureux. Est-ce ensuite à l’épouse, avec son bouquet d’enfans groupés autour d’elle, comme des boutons sur une tige, qui découvre son sein pour allaiter l’un, tend sa main aux lèvres de l’autre, suit des yeux avec inquiétude un troisième ; à l’épouse dont les jours regorgent de joie, d’amour et de craintes, que vous oserez dérober une de ces heures maternelles qui lui sont comptées au ciel comme des vertus, pour l’appliquer à la vaine science des temps passés ? Les mères sont comme la nature ; elles ne regardent qu’en avant. Puis laissez blanchir leurs cheveux : n’auront-elles point déjà trop de ces souvenirs personnels qui à tout âge font bondir le cœur d’une femme, pour introduire parmi eux des souvenirs étrangers et froids ? Il en est parmi les siens qui lui demeurent si sacrés, que ce mélange serait presque une profanation. La jeune fille pense à son amour, l’épouse montre ses enfans, la grand’mère raconte ses souvenirs, et l’histoire du monde entier est pour la femme dans ces trois époques de sa vie.
Ce serait une grande et belle chose cependant, que d’oser réveiller le génie de l’histoire, de le suivre, et de l’interroger à travers les générations mortes et les siècles éteints, comme Dante suivait et interrogeait Virgile ; de redescendre en lui donnant la main, de Charlemagne, le Napoléon du moyen âge, à Napoléon, le Charlemagne moderne ; ce serait un spectacle nouveau, en le considérant du côté pittoresque et poétique, que celui que présenterait notre mère-patrie, vue à neuf siècles de distance du haut du trône de ses deux puissans empereurs, et cependant si rétrécie sons Charles VII, que le vieux sang français ne circule plus que goutte à goutte au travers des trois provinces qui lui restent, comme au milieu d’un sablier, ne passent qu’un à un les grains de poussière qui mesurent le temps.
EXTRAIT:
Notre pauvre histoire de France, grâce à MM les historiographes patentés, a acquis, près des femmes surtout, une réputation d’ennui, qui depuis deux siècles soutient avec avantage la comparaison contre toute réputation de ce genre. La paresse qui leur est naturelle, et qui, comme presque tous leurs défauts, est encore un de leurs charmes, le peu de temps qui leur reste entre la toilette du matin, les courses ou le rendez-vous de la journée, et le bal du soir, étrangle toute occupation sérieuse, et leur fait négliger d’aller chercher le vrai et le pittoresque dans ces merveilleux mémoires du moyen âge, où dès la première page elles craignent de rencontrer une fatigue. Puis après tout, à quoi bon la science à cette moitié du monde qui n’a qu’à sourire pour être belle, qu’à se coucher à demi pour être gracieuse, qu’à marcher pour être élégante ? à qui l’on ne demande, pendant ses quinze ans de jeunesse et de beauté, qu’un sourire qui encourage, qu’un regard qui enhardisse, qu’un mot qui rende heureux. Est-ce ensuite à l’épouse, avec son bouquet d’enfans groupés autour d’elle, comme des boutons sur une tige, qui découvre son sein pour allaiter l’un, tend sa main aux lèvres de l’autre, suit des yeux avec inquiétude un troisième ; à l’épouse dont les jours regorgent de joie, d’amour et de craintes, que vous oserez dérober une de ces heures maternelles qui lui sont comptées au ciel comme des vertus, pour l’appliquer à la vaine science des temps passés ? Les mères sont comme la nature ; elles ne regardent qu’en avant. Puis laissez blanchir leurs cheveux : n’auront-elles point déjà trop de ces souvenirs personnels qui à tout âge font bondir le cœur d’une femme, pour introduire parmi eux des souvenirs étrangers et froids ? Il en est parmi les siens qui lui demeurent si sacrés, que ce mélange serait presque une profanation. La jeune fille pense à son amour, l’épouse montre ses enfans, la grand’mère raconte ses souvenirs, et l’histoire du monde entier est pour la femme dans ces trois époques de sa vie.
Ce serait une grande et belle chose cependant, que d’oser réveiller le génie de l’histoire, de le suivre, et de l’interroger à travers les générations mortes et les siècles éteints, comme Dante suivait et interrogeait Virgile ; de redescendre en lui donnant la main, de Charlemagne, le Napoléon du moyen âge, à Napoléon, le Charlemagne moderne ; ce serait un spectacle nouveau, en le considérant du côté pittoresque et poétique, que celui que présenterait notre mère-patrie, vue à neuf siècles de distance du haut du trône de ses deux puissans empereurs, et cependant si rétrécie sons Charles VII, que le vieux sang français ne circule plus que goutte à goutte au travers des trois provinces qui lui restent, comme au milieu d’un sablier, ne passent qu’un à un les grains de poussière qui mesurent le temps.