Author: | Victor Hugo | ISBN: | 1230000911405 |
Publisher: | Consumer Oriented Ebooks Publisher | Publication: | January 27, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Victor Hugo |
ISBN: | 1230000911405 |
Publisher: | Consumer Oriented Ebooks Publisher |
Publication: | January 27, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
L'auteur de ce drame écrivait il y a peu de semaines à propos d'un
poëte mort avant l'âge:
«...Dans ce moment de mêlée et de tourmente littéraire, qui faut-il
plaindre, ceux qui meurent ou ceux qui combattent? Sans doute, il est
triste de voir un poëte de vingt ans qui s'en va, une lyre qui se
brise, un avenir qui s'évanouit; mais n'est-ce pas quelque chose aussi
que le repos? N'est-il pas permis à ceux autour desquels s'amassent
incessamment calomnies, injures, haines, jalousies, sourdes menées,
basses trahisons; hommes loyaux auxquels on fait une guerre déloyale;
hommes dévoués qui ne voudraient enfin que doter le pays d'une liberté
de plus, celle de l'art, celle de l'intelligence; hommes laborieux qui
poursuivent paisiblement leur oeuvre de conscience, en proie d'un
côté à de viles machinations de censure[2] et de police, en butte de
l'autre, trop souvent, à l'ingratitude des esprits mêmes pour lesquels
ils travaillent; ne leur est-il pas permis de retourner quelquefois la
tête avec envie vers ceux qui sont tombés derrière eux et qui dorment
dans le tombeau? _Invideo_, disait Luther dans le cimetière de Worms,
_invideo, quia quiéscunt_.
«Qu'importe toutefois? Jeunes gens, ayons bon courage! Si rude qu'on
nous veuille faire le présent, l'avenir sera beau. Le romantisme, tant
de fois mal défini, n'est, à tout prendre, et c'est là sa définition
réelle, si l'on ne l'envisage que sous son côté militant, que le
_libéralisme_ en littérature. Cette vérité est déjà comprise à peu
près de tous les bons esprits, et le nombre en est grand; et bientôt,
car l'oeuvre est déjà bien avancée, le libéralisme littéraire ne sera
pas moins populaire que le libéralisme politique. La liberté dans
l'art, la liberté dans la société, voilà le double but auquel doivent
tendre d'un même pas tous les esprits conséquents et logiques; voilà
la double bannière qui rallie, à bien peu d'intelligences près
(lesquelles s'éclaireront), toute la jeunesse si forte et si patiente
d'aujourd'hui; puis, avec la jeunesse et à sa tête, l'élite de la
génération qui nous a précédés, tous ces sages vieillards qui, après
le premier moment de défiance et d'examen, ont reconnu que ce que font
leur fils est une conséquence de ce qu'ils ont fait eux-mêmes, et que
la liberté littéraire est fille de la liberté politique. Ce principe
est celui du siècle, et prévaudra. Les _Ultras_ de tout genre,
classiques ou monarchiques, auront beau se prêter secours pour refaire
l'ancien régime de toutes pièces, société et littérature; chaque
progrès du pays, chaque développement des intelligences, chaque pas
de la liberté fera crouler tout ce qu'ils auront échafaudé. Et,
en définitive, leurs efforts de réaction auront été utiles. En
révolution, tout mouvement fait avancer. La vérité et la liberté ont
cela d'excellent que tout ce qu'on fait pour elles et tout ce qu'on
fait contre elles les sert également. Or, après tant de grandes choses
que nos pères ont faites et que nous avons vues, nous voilà sortis de
la vieille forme sociale; comment ne sortirions-nous pas de la vieille
forme poétique? A peuple nouveau, art nouveau. Tout en admirant la
littérature de Louis XIV, si bien adaptée à sa monarchie, elle saura
bien avoir sa littérature propre et personnelle et nationale, cette
France actuelle, cette France du dix-neuvième siècle, à qui Mirabeau a
fait sa liberté et Napoléon sa puissance[a].»
L'auteur de ce drame écrivait il y a peu de semaines à propos d'un
poëte mort avant l'âge:
«...Dans ce moment de mêlée et de tourmente littéraire, qui faut-il
plaindre, ceux qui meurent ou ceux qui combattent? Sans doute, il est
triste de voir un poëte de vingt ans qui s'en va, une lyre qui se
brise, un avenir qui s'évanouit; mais n'est-ce pas quelque chose aussi
que le repos? N'est-il pas permis à ceux autour desquels s'amassent
incessamment calomnies, injures, haines, jalousies, sourdes menées,
basses trahisons; hommes loyaux auxquels on fait une guerre déloyale;
hommes dévoués qui ne voudraient enfin que doter le pays d'une liberté
de plus, celle de l'art, celle de l'intelligence; hommes laborieux qui
poursuivent paisiblement leur oeuvre de conscience, en proie d'un
côté à de viles machinations de censure[2] et de police, en butte de
l'autre, trop souvent, à l'ingratitude des esprits mêmes pour lesquels
ils travaillent; ne leur est-il pas permis de retourner quelquefois la
tête avec envie vers ceux qui sont tombés derrière eux et qui dorment
dans le tombeau? _Invideo_, disait Luther dans le cimetière de Worms,
_invideo, quia quiéscunt_.
«Qu'importe toutefois? Jeunes gens, ayons bon courage! Si rude qu'on
nous veuille faire le présent, l'avenir sera beau. Le romantisme, tant
de fois mal défini, n'est, à tout prendre, et c'est là sa définition
réelle, si l'on ne l'envisage que sous son côté militant, que le
_libéralisme_ en littérature. Cette vérité est déjà comprise à peu
près de tous les bons esprits, et le nombre en est grand; et bientôt,
car l'oeuvre est déjà bien avancée, le libéralisme littéraire ne sera
pas moins populaire que le libéralisme politique. La liberté dans
l'art, la liberté dans la société, voilà le double but auquel doivent
tendre d'un même pas tous les esprits conséquents et logiques; voilà
la double bannière qui rallie, à bien peu d'intelligences près
(lesquelles s'éclaireront), toute la jeunesse si forte et si patiente
d'aujourd'hui; puis, avec la jeunesse et à sa tête, l'élite de la
génération qui nous a précédés, tous ces sages vieillards qui, après
le premier moment de défiance et d'examen, ont reconnu que ce que font
leur fils est une conséquence de ce qu'ils ont fait eux-mêmes, et que
la liberté littéraire est fille de la liberté politique. Ce principe
est celui du siècle, et prévaudra. Les _Ultras_ de tout genre,
classiques ou monarchiques, auront beau se prêter secours pour refaire
l'ancien régime de toutes pièces, société et littérature; chaque
progrès du pays, chaque développement des intelligences, chaque pas
de la liberté fera crouler tout ce qu'ils auront échafaudé. Et,
en définitive, leurs efforts de réaction auront été utiles. En
révolution, tout mouvement fait avancer. La vérité et la liberté ont
cela d'excellent que tout ce qu'on fait pour elles et tout ce qu'on
fait contre elles les sert également. Or, après tant de grandes choses
que nos pères ont faites et que nous avons vues, nous voilà sortis de
la vieille forme sociale; comment ne sortirions-nous pas de la vieille
forme poétique? A peuple nouveau, art nouveau. Tout en admirant la
littérature de Louis XIV, si bien adaptée à sa monarchie, elle saura
bien avoir sa littérature propre et personnelle et nationale, cette
France actuelle, cette France du dix-neuvième siècle, à qui Mirabeau a
fait sa liberté et Napoléon sa puissance[a].»