Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Yougoslavie connut une période de calme relatif sous la férule de Tito et permettra à l'alpinisme de haut niveau de s'y développer de manière spectaculaire.
Grâce au soutien de l'État, les grimpeurs yougoslaves réalisèrent d'impressionnantes ascensions en Himalaya. Ces expéditions étaient largement dominées par les Slovènes, qui avaient pu s'entraîner sur les parois verticales des Alpes juliennes, qui constituent l'essentiel de leur pays. Mais la mort de Tito, en 1980, mit fin à cette période de calme. La Yougoslavie se désintégra dans les conflits inter-ethniques et le déclin économique. En 1991, la Slovénie devint indépendante. Le nouveau pays continua à sponsoriser ses grimpeurs, qui multiplièrent les ascensions d'avant-garde les plus spectaculaires. Si bien qu'en 1995 tous les sommets de plus de 8 000 mètres avaient été gravis par ces remarquables alpinistes slovènes, dont la plupart étaient inconnus en Occident. Les Guerriers de l'Alpe nous ouvre l'âge d'or de l'alpinisme slovène à travers le regard de l'un des plus grands grimpeurs et écrivains du pays, Nejc Zaplotnik. Son livre "La Voie" est un classique de la littérature slovène, non seulement pour les alpinistes, mais aussi pour les citoyens ordinaires. Ses écrits et son esprit forment un fil d'Ariane qui traverse Les Guerriers de l'Alpe, et ouvre la porte des âmes de ces grimpeurs des Balkans.
La saga méconnue des alpinistes slovènes, formidables pionniers de l’Himalaya qui, malgré les tourments de l’ex-Yougoslavie, ont ébloui le monde de l’alpinisme.
EXTRAIT
Je me frayai un chemin dans la poudreuse d’une tempête de neige de fin d’été, à la recherche du câble fixé sur l’arête étroite qui mène au sommet du Triglav, le plus haut sommet de Slovénie. Progressant avec précaution, je rejoignis Aljaž Tower, la petite tourelle métallique qui couronne le sommet. Cette modeste structure est pour tous les Slovènes l’un des symboles de leur souveraineté territoriale : en réponse à l’oppression de l’étranger, le prêtre Jakob Aljaž avait bel et bien acheté le sommet du Triglav pour un florin, en 1895, comme pour dire « nous sommes les maîtres de nos terres ».
Parvenue au sommet, je n’en crus pas mes yeux. Une petite foule était rassemblée près de la tour, bavarde et joyeuse, des dizaines de personnes qui pique-niquaient et fêtaient leur ascension. Des étudiants lançaient des boules de neige et faisaient les clowns devant les caméras. Une vieille femme, entourée de ses deux guides, pleurait doucement. Un sourire radieux éclairait le visage d’un homme qui n’avait ni bras ni jambes.
Je me dirigeai vers un groupe de jeunes grimpeurs.
— Est-ce une sorte de fête nationale ? demandai-je.
— Pas du tout, répondit une femme d’allure particulièrement athlétique. C’est juste le week-end.
— Mais pourquoi y a-t-il tant de monde ?
— Parce que c’est le week-end et que nous avons le temps, répéta-t-elle, avec un sourire indulgent. Nous sommes des Slovènes, et ici, c’est le Triglav. C’est notre devoir de le gravir. Chaque Slovène doit le gravir au moins une fois.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Bernadette McDonald est la fondatrice du Festival du film de montagne de Banff (Canada) et l'auteur de nombreux livres de montagne, dont Libres comme l'air (2014), une histoire de l'alpinisme polonais qui a remporté de nombreux prix littéraires, dont les prestigieux Grand Prix de Passy (France), Boardman Tasker (Royaume-Uni) et Banff Festival (Canada).
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Yougoslavie connut une période de calme relatif sous la férule de Tito et permettra à l'alpinisme de haut niveau de s'y développer de manière spectaculaire.
Grâce au soutien de l'État, les grimpeurs yougoslaves réalisèrent d'impressionnantes ascensions en Himalaya. Ces expéditions étaient largement dominées par les Slovènes, qui avaient pu s'entraîner sur les parois verticales des Alpes juliennes, qui constituent l'essentiel de leur pays. Mais la mort de Tito, en 1980, mit fin à cette période de calme. La Yougoslavie se désintégra dans les conflits inter-ethniques et le déclin économique. En 1991, la Slovénie devint indépendante. Le nouveau pays continua à sponsoriser ses grimpeurs, qui multiplièrent les ascensions d'avant-garde les plus spectaculaires. Si bien qu'en 1995 tous les sommets de plus de 8 000 mètres avaient été gravis par ces remarquables alpinistes slovènes, dont la plupart étaient inconnus en Occident. Les Guerriers de l'Alpe nous ouvre l'âge d'or de l'alpinisme slovène à travers le regard de l'un des plus grands grimpeurs et écrivains du pays, Nejc Zaplotnik. Son livre "La Voie" est un classique de la littérature slovène, non seulement pour les alpinistes, mais aussi pour les citoyens ordinaires. Ses écrits et son esprit forment un fil d'Ariane qui traverse Les Guerriers de l'Alpe, et ouvre la porte des âmes de ces grimpeurs des Balkans.
La saga méconnue des alpinistes slovènes, formidables pionniers de l’Himalaya qui, malgré les tourments de l’ex-Yougoslavie, ont ébloui le monde de l’alpinisme.
EXTRAIT
Je me frayai un chemin dans la poudreuse d’une tempête de neige de fin d’été, à la recherche du câble fixé sur l’arête étroite qui mène au sommet du Triglav, le plus haut sommet de Slovénie. Progressant avec précaution, je rejoignis Aljaž Tower, la petite tourelle métallique qui couronne le sommet. Cette modeste structure est pour tous les Slovènes l’un des symboles de leur souveraineté territoriale : en réponse à l’oppression de l’étranger, le prêtre Jakob Aljaž avait bel et bien acheté le sommet du Triglav pour un florin, en 1895, comme pour dire « nous sommes les maîtres de nos terres ».
Parvenue au sommet, je n’en crus pas mes yeux. Une petite foule était rassemblée près de la tour, bavarde et joyeuse, des dizaines de personnes qui pique-niquaient et fêtaient leur ascension. Des étudiants lançaient des boules de neige et faisaient les clowns devant les caméras. Une vieille femme, entourée de ses deux guides, pleurait doucement. Un sourire radieux éclairait le visage d’un homme qui n’avait ni bras ni jambes.
Je me dirigeai vers un groupe de jeunes grimpeurs.
— Est-ce une sorte de fête nationale ? demandai-je.
— Pas du tout, répondit une femme d’allure particulièrement athlétique. C’est juste le week-end.
— Mais pourquoi y a-t-il tant de monde ?
— Parce que c’est le week-end et que nous avons le temps, répéta-t-elle, avec un sourire indulgent. Nous sommes des Slovènes, et ici, c’est le Triglav. C’est notre devoir de le gravir. Chaque Slovène doit le gravir au moins une fois.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Bernadette McDonald est la fondatrice du Festival du film de montagne de Banff (Canada) et l'auteur de nombreux livres de montagne, dont Libres comme l'air (2014), une histoire de l'alpinisme polonais qui a remporté de nombreux prix littéraires, dont les prestigieux Grand Prix de Passy (France), Boardman Tasker (Royaume-Uni) et Banff Festival (Canada).