Author: | Jules-Paul Tardivel | ISBN: | 1230000251308 |
Publisher: | NA | Publication: | July 10, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Jules-Paul Tardivel |
ISBN: | 1230000251308 |
Publisher: | NA |
Publication: | July 10, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
Ce livre comporte une table des matières dynamique, a été relu et corrigé.
Extrait: Un cri d’alarme
Monsieur le Président, Messieurs.
Quelqu’un, Jean-Jacques Rousseau je crois, a dit que les pires ennemis de la langue sont les puristes. Est-ce là une grande vérité ou un simple paradoxe ? Je ne saurais le dire ; mais comme je ne veux nullement passer pour l’ennemi de ce que les Canadiens ont de plus précieux après leur foi, je me garderai bien d’assumer le titre de puriste auquel, du reste, je n’ai aucun droit.
Il y a onze ans, je commençais à apprendre les rudiments de la langue française au collège de Saint-Hyacinthe. Au bout de deux années d’études forcées, je conversais avec assez de facilité ; j’avais lu Télémaque, et je pouvais même risquer une version sans trop craindre les mauvaises notes. En 1872, je sortais du collège, et tout le monde me disait que je possédais bien le français. Je le croyais fermement, et je l’ai toujours cru jusqu’à l’année dernière. Après avoir parlé, lu et écrit en français pendant dix ans, j’ai fini par me convaincre que je ne connaissais pas la langue française, que je ne l’avais jamais connue et que je ne la connaîtrais probablement jamais. J’étais presque découragé, mais avant de me laisser aller entièrement au désespoir, je me suis avisé de jeter un regard autour de moi afin de voir si mes voisins étaient plus favorisés que moi sous le rapport de la langue. Dans ce but, j’ai lu nos principaux auteurs, j’ai suivi avec patience les polémiques de nos journalistes les plus en renom, j’ai écouté nos Cicérons plaider en faveur de la veuve et de l’orphelin, nos Démosthènes enseigner au peuple ses devoirs – pardon, je veux dire ses droits, j’ai prêté une oreille attentive à nos Solons de la législature provinciale, et j’ai acquis la douce conviction que si je ne connais guère la langue française, peu, très peu de personnes dans notre pays peuvent me jeter la pierre.
J’ai dit que c’était là une douce conviction. Oui, d’abord, car mon amour propre était satisfait, mais elle est devenue bientôt
Ce livre comporte une table des matières dynamique, a été relu et corrigé.
Extrait: Un cri d’alarme
Monsieur le Président, Messieurs.
Quelqu’un, Jean-Jacques Rousseau je crois, a dit que les pires ennemis de la langue sont les puristes. Est-ce là une grande vérité ou un simple paradoxe ? Je ne saurais le dire ; mais comme je ne veux nullement passer pour l’ennemi de ce que les Canadiens ont de plus précieux après leur foi, je me garderai bien d’assumer le titre de puriste auquel, du reste, je n’ai aucun droit.
Il y a onze ans, je commençais à apprendre les rudiments de la langue française au collège de Saint-Hyacinthe. Au bout de deux années d’études forcées, je conversais avec assez de facilité ; j’avais lu Télémaque, et je pouvais même risquer une version sans trop craindre les mauvaises notes. En 1872, je sortais du collège, et tout le monde me disait que je possédais bien le français. Je le croyais fermement, et je l’ai toujours cru jusqu’à l’année dernière. Après avoir parlé, lu et écrit en français pendant dix ans, j’ai fini par me convaincre que je ne connaissais pas la langue française, que je ne l’avais jamais connue et que je ne la connaîtrais probablement jamais. J’étais presque découragé, mais avant de me laisser aller entièrement au désespoir, je me suis avisé de jeter un regard autour de moi afin de voir si mes voisins étaient plus favorisés que moi sous le rapport de la langue. Dans ce but, j’ai lu nos principaux auteurs, j’ai suivi avec patience les polémiques de nos journalistes les plus en renom, j’ai écouté nos Cicérons plaider en faveur de la veuve et de l’orphelin, nos Démosthènes enseigner au peuple ses devoirs – pardon, je veux dire ses droits, j’ai prêté une oreille attentive à nos Solons de la législature provinciale, et j’ai acquis la douce conviction que si je ne connais guère la langue française, peu, très peu de personnes dans notre pays peuvent me jeter la pierre.
J’ai dit que c’était là une douce conviction. Oui, d’abord, car mon amour propre était satisfait, mais elle est devenue bientôt