Author: | Paul Bourget | ISBN: | 1230002327495 |
Publisher: | Paris, Plon-Nourrit et cie 1903 | Publication: | May 18, 2018 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Paul Bourget |
ISBN: | 1230002327495 |
Publisher: | Paris, Plon-Nourrit et cie 1903 |
Publication: | May 18, 2018 |
Imprint: | |
Language: | French |
Beaucoup de proverbes revêtent, en passant d'un pays dans un autre, une physionomie si différente que cette variation seule prouverait combien les caractères nationaux demeurent des réalités radicalement distinctes et irréductibles. Le Français, par exemple, dit d'un homme heureux qu'il est né «coiffé»; l'Anglais, qu'il est né «avec une cuiller d'argent dans la bouche». Deux dictons, deux races, deux destinées: un peuple léger, fringant, élégant, d'une part, amoureux de la galanterie, passionné de plaire et volontiers frivole;—une nation, d'autre part, avide et solide, éprise du positif et qui veut du confortable dans du luxe. Voilà quelques premiers traits dans un premier proverbe, voici d'autres touches dans un second. De quelqu'un qui ne se livre pas, le Français dit: «Il n'est pire eau que l'eau qui dort»; l'Italien: «Les eaux paisibles brisent les ponts»; l'Anglais: «Les eaux tranquilles roulent profondes». Et tous les trois ont raison—dans leur pays. Pour le Français, si instinctivement expansif et sociable, une joie qu'il ne communique point est une moitié de joie, une peine qu'il garde sur son cœur, une double peine. Il juge ses voisins d'après lui, et, devant une réserve prolongée, il se méfie. L'Italien, lui, si naturellement réfléchi et calculé, pousse la méfiance plus loin encore. Dans toute retenue il voit une menace, dans tout silence un piège; mais Machiavel est de Florence, du pays où la finesse ne va jamais sans la grandeur, et cet aphorisme d'expérience prudente se désembourgeoise, si l'on peut dire. Il s'ennoblit d'une belle métaphore qui vous dessine une arche, roussie par d'innombrables soleils, sur le glauque Arno ou le Tibre jaune. Chez les Anglais, l'esprit réaliste s'accompagne de la plus solitaire, de la plus méditative rêverie. Regardez la carte de leur île. Vous y verrez que Manchester est voisin des lacs et du comté de Wordsworth. Tout à l'heure ces éternels gaigneurs avaient un adage de gloutonnerie rapace. Ils en ont un maintenant d'une grâce sauvage, qui ne déparerait pas les discours du Jacques de Comme il vous plaira, et l'Anglo-Saxon n'apparaît-il pas ainsi, dans toute son histoire et toute sa littérature: durement brutal quand il est brutal, étrangement songeur quand il est songeur? Ces deux petites phrases racontent cela dans le raccourci de leurs formule
L'EAU PROFONDE
I. Sur une piste
II. Histoire abrégée d'une longue haine
III. Premières sapes
IV. Certitudes
V. La lettre anonyme
VI. Un orgueil d'homme
VII. Le portrait
VIII. L'énigme
IX. La morte
X. Épilogue 1
LES PAS DANS LES PAS
I. Le Cob rouan
II. Le portrait du Doge
III. Dernière poésie
IV. L'Aveu
V. Fausse manœuvre
VI. La Rançon
Beaucoup de proverbes revêtent, en passant d'un pays dans un autre, une physionomie si différente que cette variation seule prouverait combien les caractères nationaux demeurent des réalités radicalement distinctes et irréductibles. Le Français, par exemple, dit d'un homme heureux qu'il est né «coiffé»; l'Anglais, qu'il est né «avec une cuiller d'argent dans la bouche». Deux dictons, deux races, deux destinées: un peuple léger, fringant, élégant, d'une part, amoureux de la galanterie, passionné de plaire et volontiers frivole;—une nation, d'autre part, avide et solide, éprise du positif et qui veut du confortable dans du luxe. Voilà quelques premiers traits dans un premier proverbe, voici d'autres touches dans un second. De quelqu'un qui ne se livre pas, le Français dit: «Il n'est pire eau que l'eau qui dort»; l'Italien: «Les eaux paisibles brisent les ponts»; l'Anglais: «Les eaux tranquilles roulent profondes». Et tous les trois ont raison—dans leur pays. Pour le Français, si instinctivement expansif et sociable, une joie qu'il ne communique point est une moitié de joie, une peine qu'il garde sur son cœur, une double peine. Il juge ses voisins d'après lui, et, devant une réserve prolongée, il se méfie. L'Italien, lui, si naturellement réfléchi et calculé, pousse la méfiance plus loin encore. Dans toute retenue il voit une menace, dans tout silence un piège; mais Machiavel est de Florence, du pays où la finesse ne va jamais sans la grandeur, et cet aphorisme d'expérience prudente se désembourgeoise, si l'on peut dire. Il s'ennoblit d'une belle métaphore qui vous dessine une arche, roussie par d'innombrables soleils, sur le glauque Arno ou le Tibre jaune. Chez les Anglais, l'esprit réaliste s'accompagne de la plus solitaire, de la plus méditative rêverie. Regardez la carte de leur île. Vous y verrez que Manchester est voisin des lacs et du comté de Wordsworth. Tout à l'heure ces éternels gaigneurs avaient un adage de gloutonnerie rapace. Ils en ont un maintenant d'une grâce sauvage, qui ne déparerait pas les discours du Jacques de Comme il vous plaira, et l'Anglo-Saxon n'apparaît-il pas ainsi, dans toute son histoire et toute sa littérature: durement brutal quand il est brutal, étrangement songeur quand il est songeur? Ces deux petites phrases racontent cela dans le raccourci de leurs formule
L'EAU PROFONDE
I. Sur une piste
II. Histoire abrégée d'une longue haine
III. Premières sapes
IV. Certitudes
V. La lettre anonyme
VI. Un orgueil d'homme
VII. Le portrait
VIII. L'énigme
IX. La morte
X. Épilogue 1
LES PAS DANS LES PAS
I. Le Cob rouan
II. Le portrait du Doge
III. Dernière poésie
IV. L'Aveu
V. Fausse manœuvre
VI. La Rançon