Author: | Alexandre Dumas | ISBN: | 1230000673525 |
Publisher: | Consumer Oriented Ebooks Publisher | Publication: | September 20, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Alexandre Dumas |
ISBN: | 1230000673525 |
Publisher: | Consumer Oriented Ebooks Publisher |
Publication: | September 20, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
Une impression généralement éprouvée par tous les admirateurs du
_Pilote_, l'un des plus magnifiques romans de Cooper -- impression
que nous avons profondément ressentie nous-même -- c'est le regret
de perdre aussi complètement de vue, le livre une fois terminé,
l'homme étrange que l'on a suivi avec tant d'intérêt à travers le
détroit de Devils-Gripp et les corridors de l'abbaye de Sainte-
Ruth. Il y a dans la physionomie, dans la parole et dans les
actions de ce personnage, indiqué une première fois sous le nom de
John, et une seconde fois sous celui de Paul, une mélancolie si
profonde, une amertume si douloureuse, un mépris de la vie si
grand, que chacun a désiré connaître les causes qui ont amené ce
brave et généreux coeur au désenchantement et au doute. Quant à
nous, plus d'une fois nous l'avouons, il nous était passé par
l'esprit ce désir, au moins indiscret, d'écrire à Cooper pour lui
demander, sur le commencement de la carrière et la fin de la vie
de cet aventureux marin, les renseignements que je cherchais en
vain dans son livre. Je pensais qu'une pareille demande serait
facilement excusée par celui auquel elle s'adresserait; car elle
portait avec elle la louange la plus sincère et la plus complète
de son oeuvre. Mais, je fus retenu par l'idée que l'auteur ne
connaissait peut-être, de la vie dont il nous avait donné un
épisode, que la partie qui avait été éclairée par le soleil de
l'indépendance américaine. En effet le météore brillant, mais
éphémère, avait passé des nuages de sa naissance à l'obscurité de
sa mort, de sorte qu'il était tout à fait possible que, éloigné
des lieux où son héros vit le jour et des pays où il ferma les
yeux, l'historien poète, qui peut-être l'avait choisi à cause de
ce mystère même, pour lui faire jouer un rôle dans ses annales,
n'en eût connu que ce qu'il nous en avait transmis. Alors je
résolus de me procurer par moi-même les détails que j'avais tant
désiré qu'un autre me donnât. Je fouillai les archives de la
marine; elles ne m'offrirent qu'une copie de lettres de marque à
lui données par Louis XVI. J'interrogeai les annales de la
Convention: je n'y trouvai que l'arrêté pris à l'époque de sa
mort. Je questionnai les contemporains; à cette époque -- c'était
vers 1829 -- il en restait encore: ils me dirent qu'il était
enterré au Père-Lachaise. Et, de ces premières tentatives, voilà
tout ce que je retirai.
Alors, comme je viens d'avoir recours à Méry, j'eus recours à
Nodier; Nodier, cet autre ami d'un autre temps, à la mémoire
duquel j'ai voué un culte, et que j'évoque chaque fois que mon
coeur, aux amis du présent, a besoin d'adjoindre un ami du passé.
J'eus recours à Nodier, ma bibliothèque vivante. Nodier recueillit
un instant ses souvenirs; puis me parla d'un petit livre in-18
écrit par Paul John lui-même et contenant des mémoires sur sa vie,
avec cette épigraphe: _Munera sunt laudi_. Je me mis aussitôt en
quête de la précieuse publication; mais j'eus beau interroger les
bouquinistes, fouiller les bibliothèques, battre les quais, mettre
en réquisition Guillemot et Techener, je ne trouvai rien qu'un
libelle infâme, intitulé Paul John, ou Prophéties sur l'Amérique,
l'Angleterre, la France, l'Espagne et la Hollande, libelle que je
jetai de dégoût à la quatrième page admirant combien les poisons
se conservent si longtemps et si parfaitement, de sorte qu'on les
trouve toujours là où l'on cherche en vain une nourriture saine et
savoureuse.
Une impression généralement éprouvée par tous les admirateurs du
_Pilote_, l'un des plus magnifiques romans de Cooper -- impression
que nous avons profondément ressentie nous-même -- c'est le regret
de perdre aussi complètement de vue, le livre une fois terminé,
l'homme étrange que l'on a suivi avec tant d'intérêt à travers le
détroit de Devils-Gripp et les corridors de l'abbaye de Sainte-
Ruth. Il y a dans la physionomie, dans la parole et dans les
actions de ce personnage, indiqué une première fois sous le nom de
John, et une seconde fois sous celui de Paul, une mélancolie si
profonde, une amertume si douloureuse, un mépris de la vie si
grand, que chacun a désiré connaître les causes qui ont amené ce
brave et généreux coeur au désenchantement et au doute. Quant à
nous, plus d'une fois nous l'avouons, il nous était passé par
l'esprit ce désir, au moins indiscret, d'écrire à Cooper pour lui
demander, sur le commencement de la carrière et la fin de la vie
de cet aventureux marin, les renseignements que je cherchais en
vain dans son livre. Je pensais qu'une pareille demande serait
facilement excusée par celui auquel elle s'adresserait; car elle
portait avec elle la louange la plus sincère et la plus complète
de son oeuvre. Mais, je fus retenu par l'idée que l'auteur ne
connaissait peut-être, de la vie dont il nous avait donné un
épisode, que la partie qui avait été éclairée par le soleil de
l'indépendance américaine. En effet le météore brillant, mais
éphémère, avait passé des nuages de sa naissance à l'obscurité de
sa mort, de sorte qu'il était tout à fait possible que, éloigné
des lieux où son héros vit le jour et des pays où il ferma les
yeux, l'historien poète, qui peut-être l'avait choisi à cause de
ce mystère même, pour lui faire jouer un rôle dans ses annales,
n'en eût connu que ce qu'il nous en avait transmis. Alors je
résolus de me procurer par moi-même les détails que j'avais tant
désiré qu'un autre me donnât. Je fouillai les archives de la
marine; elles ne m'offrirent qu'une copie de lettres de marque à
lui données par Louis XVI. J'interrogeai les annales de la
Convention: je n'y trouvai que l'arrêté pris à l'époque de sa
mort. Je questionnai les contemporains; à cette époque -- c'était
vers 1829 -- il en restait encore: ils me dirent qu'il était
enterré au Père-Lachaise. Et, de ces premières tentatives, voilà
tout ce que je retirai.
Alors, comme je viens d'avoir recours à Méry, j'eus recours à
Nodier; Nodier, cet autre ami d'un autre temps, à la mémoire
duquel j'ai voué un culte, et que j'évoque chaque fois que mon
coeur, aux amis du présent, a besoin d'adjoindre un ami du passé.
J'eus recours à Nodier, ma bibliothèque vivante. Nodier recueillit
un instant ses souvenirs; puis me parla d'un petit livre in-18
écrit par Paul John lui-même et contenant des mémoires sur sa vie,
avec cette épigraphe: _Munera sunt laudi_. Je me mis aussitôt en
quête de la précieuse publication; mais j'eus beau interroger les
bouquinistes, fouiller les bibliothèques, battre les quais, mettre
en réquisition Guillemot et Techener, je ne trouvai rien qu'un
libelle infâme, intitulé Paul John, ou Prophéties sur l'Amérique,
l'Angleterre, la France, l'Espagne et la Hollande, libelle que je
jetai de dégoût à la quatrième page admirant combien les poisons
se conservent si longtemps et si parfaitement, de sorte qu'on les
trouve toujours là où l'on cherche en vain une nourriture saine et
savoureuse.