Le Forestier

Fiction & Literature, Action Suspense
Cover of the book Le Forestier by Aimard Gustave, YADE
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Author: Aimard Gustave ISBN: 1230001624014
Publisher: YADE Publication: April 4, 2017
Imprint: Language: French
Author: Aimard Gustave
ISBN: 1230001624014
Publisher: YADE
Publication: April 4, 2017
Imprint:
Language: French

À cinq on six lieues, un peu plus ou un peu moins peut-être, de la ville de Tolède, l’antique capitale des rois goths, puis des rois maures, après le démembrement du califat de Cordoue, et qui, après avoir eu deux cent mille habitants, en compte à peine vingt-cinq mille aujourd’hui, tant la dépopulation marche vite dans cette malheureuse Espagne ; à cinq ou six lieues environ, dis-je, de cette ville célèbre, dans les montagnes, au fond d’une vallée verdoyante et presque ignorée, s’élevait à l’époque où commence cette histoire, c’est-à-dire vers 1628, une humble chaumière construite en rondins, couverte tant bien que mal en chaume, appuyée contre un rocher énorme qui la défendait du vent du nord, et entourée sur tes trois autres faces par un enclos, bien entretenu et fermé d’une haie vive de bois épineux. 

La vallée à l’une des extrémités de laquelle s’élevait cette chaumière était peu étendue elle avait une lieue de tour à peine, et était coupée en deux parties presque égales par une rivière qui, torrent au sommet des montagnes, tombait de cascade en cascade dans la vallée, et arrivée là fuyait silencieusement sous tes glaïeuls, avec ce murmure presque insaisissable de l’eau sur les cailloux qui a le privilège de tant charmer les esprits rêveurs.

Rien de plus poétique, de plus calme et de plus reposé que l’aspect de ce petit coin de terre perdu dans ces montagnes où meurent sans écho tous les bruits du monde ; Thébaïde charmante, où la vie s’écoule pure et tranquille loin des soucis des villes et des haines mesquines des envieux.

Le 18 mai 1628, un peu avant midi, un homme jeune encore, grand, bien découplé, à la physionomie douce et énergique à la fois, revêtu du costume des habitants de la campagne des environs de Tolède, portant un fusil sous le bras gauche et un chevreuil sur le cou, descendit presque en courant les pentes abruptes de la montagne, par un véritable sentier de chèvres ou de forestier ; il se dirigea tout droit vers la chaumière, suivi ou plutôt précédé par deux superbes chiens, au museau allongé, aux oreilles pendantes, tachetés de feu sur leur robe brune ; en approchant de la cabane ils prirent leur course, bondirent par-dessus la haie dont la porte était close et s’élancèrent dans l’intérieur de la chaumière, où ils disparurent en poussant des aboiements joyeux, auxquels répondit un énorme molosse sur un ton plus grave.

Presque aussitôt, comme si ces aboiements eussent été pour elles un signal, trois femmes sortirent de la chaumière, suivies des chiens, et s’avancèrent en toute hâte au-devant du chasseur.

De ces trois femmes, la première avait, de quelques années, dépassé la trentaine ; ses traits conservaient tes traces d’une beauté qui, quelque dix ans auparavant, avait dû être remarquable, sa taille était droite, flexible, et possédait cette morbidezza gracieuse qui caractérise les Andalouses et les femmes de la Nouvelle-Castille.

Ses compagnes étaient deux jeunes filles, âgées, la première de quinze ans, la seconde de quatorze à peine ; toutes deux étaient blondes de cette teinte nacrée particulière à la race gothique et avaient les yeux et les sourcils noirs, ce qui donnait un cachet étrange à leur physionomie rieuse et expressive leurs traits, peut-être un peu trop réguliers, étaient d’une perfection rare ; leur éblouissante et fière beauté avait cette sauvagerie hautaine qu’on ne rencontre que dans tes grandes solitudes, qui séduit et charme à la fois et est un attrait de plus pour la passion.

La femme se nommait Maria Dolores ; les deux jeunes filles, Cristiana et Luz. 

Cristiana était l’aînée.

L’homme au-devant de qui venaient ces trois personnes se nommait Santiago Lopez ; il était le mari de Maria Dolores et le père des deux anges blonds qui s’étaient jetés dans ses bras aussitôt qu’il s’était trouvé à leur portée.

Le chasseur débarrassé de ses armes et de son gibier, tous quatre entrèrent dans la chaumière et s’assirent autour d’une table sur laquelle un repas substantiel était préparé, et après une courte prière prononcée à haute voix par le père, ils commencèrent à déjeuner de bon appétit.

Profitons du moment où cette famille aux mœurs patriarcales prend paisiblement son repas pour raconter en quelques mots son histoire, ou du moins ce qu’on savait de cette histoire, ce qui n’était pas grand’chose.

Un jour, il y avait seize on dix-sept ans de cela, un homme âgé d’une trentaine d’années au plus, venant du côté de Tolède, était arrivé dans la vallée alors complètement déserte.

L’étranger était suivi d’une vingtaine d’ouvriers et de plusieurs mules chargées de vivres, d’outils et de matériaux de toutes sortes, conduites, par des arrieros qui portaient non pas le costume castillan ou andalou, mais celui des provinces basques.

Après avoir visité la vallée, et l’avoir pour ainsi dire étudiée sur toutes les faces, l’étranger avait semblé fixer son choix sur la partie la plus reculée ; il fit un signe aux ouvriers qui, après avoir aidé les arrieros à décharger les mules, s’étaient immédiatement mis à la besogne avec une grande ardeur.

Les uns construisaient une maison, ou plutôt une chaumière, les autres défrichaient une assez grande étendue de terre, pour faire un enclos d’abord, puis plusieurs champs assez vastes.

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À cinq on six lieues, un peu plus ou un peu moins peut-être, de la ville de Tolède, l’antique capitale des rois goths, puis des rois maures, après le démembrement du califat de Cordoue, et qui, après avoir eu deux cent mille habitants, en compte à peine vingt-cinq mille aujourd’hui, tant la dépopulation marche vite dans cette malheureuse Espagne ; à cinq ou six lieues environ, dis-je, de cette ville célèbre, dans les montagnes, au fond d’une vallée verdoyante et presque ignorée, s’élevait à l’époque où commence cette histoire, c’est-à-dire vers 1628, une humble chaumière construite en rondins, couverte tant bien que mal en chaume, appuyée contre un rocher énorme qui la défendait du vent du nord, et entourée sur tes trois autres faces par un enclos, bien entretenu et fermé d’une haie vive de bois épineux. 

La vallée à l’une des extrémités de laquelle s’élevait cette chaumière était peu étendue elle avait une lieue de tour à peine, et était coupée en deux parties presque égales par une rivière qui, torrent au sommet des montagnes, tombait de cascade en cascade dans la vallée, et arrivée là fuyait silencieusement sous tes glaïeuls, avec ce murmure presque insaisissable de l’eau sur les cailloux qui a le privilège de tant charmer les esprits rêveurs.

Rien de plus poétique, de plus calme et de plus reposé que l’aspect de ce petit coin de terre perdu dans ces montagnes où meurent sans écho tous les bruits du monde ; Thébaïde charmante, où la vie s’écoule pure et tranquille loin des soucis des villes et des haines mesquines des envieux.

Le 18 mai 1628, un peu avant midi, un homme jeune encore, grand, bien découplé, à la physionomie douce et énergique à la fois, revêtu du costume des habitants de la campagne des environs de Tolède, portant un fusil sous le bras gauche et un chevreuil sur le cou, descendit presque en courant les pentes abruptes de la montagne, par un véritable sentier de chèvres ou de forestier ; il se dirigea tout droit vers la chaumière, suivi ou plutôt précédé par deux superbes chiens, au museau allongé, aux oreilles pendantes, tachetés de feu sur leur robe brune ; en approchant de la cabane ils prirent leur course, bondirent par-dessus la haie dont la porte était close et s’élancèrent dans l’intérieur de la chaumière, où ils disparurent en poussant des aboiements joyeux, auxquels répondit un énorme molosse sur un ton plus grave.

Presque aussitôt, comme si ces aboiements eussent été pour elles un signal, trois femmes sortirent de la chaumière, suivies des chiens, et s’avancèrent en toute hâte au-devant du chasseur.

De ces trois femmes, la première avait, de quelques années, dépassé la trentaine ; ses traits conservaient tes traces d’une beauté qui, quelque dix ans auparavant, avait dû être remarquable, sa taille était droite, flexible, et possédait cette morbidezza gracieuse qui caractérise les Andalouses et les femmes de la Nouvelle-Castille.

Ses compagnes étaient deux jeunes filles, âgées, la première de quinze ans, la seconde de quatorze à peine ; toutes deux étaient blondes de cette teinte nacrée particulière à la race gothique et avaient les yeux et les sourcils noirs, ce qui donnait un cachet étrange à leur physionomie rieuse et expressive leurs traits, peut-être un peu trop réguliers, étaient d’une perfection rare ; leur éblouissante et fière beauté avait cette sauvagerie hautaine qu’on ne rencontre que dans tes grandes solitudes, qui séduit et charme à la fois et est un attrait de plus pour la passion.

La femme se nommait Maria Dolores ; les deux jeunes filles, Cristiana et Luz. 

Cristiana était l’aînée.

L’homme au-devant de qui venaient ces trois personnes se nommait Santiago Lopez ; il était le mari de Maria Dolores et le père des deux anges blonds qui s’étaient jetés dans ses bras aussitôt qu’il s’était trouvé à leur portée.

Le chasseur débarrassé de ses armes et de son gibier, tous quatre entrèrent dans la chaumière et s’assirent autour d’une table sur laquelle un repas substantiel était préparé, et après une courte prière prononcée à haute voix par le père, ils commencèrent à déjeuner de bon appétit.

Profitons du moment où cette famille aux mœurs patriarcales prend paisiblement son repas pour raconter en quelques mots son histoire, ou du moins ce qu’on savait de cette histoire, ce qui n’était pas grand’chose.

Un jour, il y avait seize on dix-sept ans de cela, un homme âgé d’une trentaine d’années au plus, venant du côté de Tolède, était arrivé dans la vallée alors complètement déserte.

L’étranger était suivi d’une vingtaine d’ouvriers et de plusieurs mules chargées de vivres, d’outils et de matériaux de toutes sortes, conduites, par des arrieros qui portaient non pas le costume castillan ou andalou, mais celui des provinces basques.

Après avoir visité la vallée, et l’avoir pour ainsi dire étudiée sur toutes les faces, l’étranger avait semblé fixer son choix sur la partie la plus reculée ; il fit un signe aux ouvriers qui, après avoir aidé les arrieros à décharger les mules, s’étaient immédiatement mis à la besogne avec une grande ardeur.

Les uns construisaient une maison, ou plutôt une chaumière, les autres défrichaient une assez grande étendue de terre, pour faire un enclos d’abord, puis plusieurs champs assez vastes.

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