Le Parapluie de l’escouade (1893)

Fiction & Literature, Humorous, Short Stories
Cover of the book Le Parapluie de l’escouade (1893) by Alphonse Allais, Alphonse Allais
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Author: Alphonse Allais ISBN: 1230003336663
Publisher: Alphonse Allais Publication: July 26, 2019
Imprint: Language: French
Author: Alphonse Allais
ISBN: 1230003336663
Publisher: Alphonse Allais
Publication: July 26, 2019
Imprint:
Language: French

Le Parapluie de l’escouade,Paul Ollendorff, Paris, 1893 d' Alphonse Allais (1854–1905)
*********
Alphonse Allais, né le 20 octobre 1854 à Honfleur2 et mort le 28 octobre 1905 à Paris est un journaliste, écrivain et humoriste français.
Célèbre à la Belle Époque, reconnu pour sa plume acerbe et son humour absurde, il est notamment renommé pour ses calembours et ses vers holorimes. Il est parfois considéré comme l'un des plus grands conteurs de langue française. (wikipédia)
*****
extrait:
LA QUESTION SOCIALE
Je ne fus pas peu surpris — l’avouerai-je ? — en recevant, hier soir, un petit mot de M. Carnot m’invitant à passer à l’Élysée le plus tôt possible. « Communication urgente », ajoutait le billet.
Mes rapports avec M. Carnot, très cordiaux dans le début de sa vie politique, se sont considérablement rafraîchis par la suite, d’abord après cette regrettable scène du Moulin-Rouge demeurée présente à tous les esprits, ensuite à cause de l’étrange parti pris que mit M. Carnot à m’éloigner de toutes les combinaisons ministérielles. (Je me suis expliqué sur cette question, ici même, voilà tantôt deux mois.)
Quoi qu’il en fût, je n’hésitai pas à me rendre à l’appel du président. Peut-être y allait-il du salut de l’État.
Tout de suite, M. Carnot se précipita sur mes mains, qu’il serra très fort en m’appelant son cher Alphonse. Puis, il me demanda ce que je prenais.
— Un verre d’eau sucrée avec un peu de fleur d’oranger, fut ma réponse.
(Je ne bois jamais autre chose et m’en trouve fort bien.)
— Mais ce n’est pas tout ça, reprit vivement le chef de l’État, je ne vous ai pas fait venir pour des prunes. Nous sommes très embêtés, en ce moment, avec la question sociale. Je connais votre ingéniosité presque fabuleuse ; avez-vous une solution pour la question sociale ?
— Enfant, répondis-je avec un doux sourire, n’ai-je point solution à tout !
— Je bois vos paroles.
— Laissez-moi, mon cher Sadi, comparer la société à une échelle.
Une nuance d’étonnement passa sur le visage du petit-fils de l’organisateur de la victoire.
— Une échelle, poursuivis-je, se compose généralement de deux montants et d’un nombre d’échelons ou barreaux variant avec la longueur de l’instrument.
Les échelons parallèles entre eux s’enchâssent perpendiculairement dans la face interne des montants. D’ailleurs, ne savez-vous pas toutes ces choses aussi bien que moi, vous, l’orgueil de Polytechnique ?
M. Carnot s’inclina.
— Quand un certain nombre de personnes sont appelées (ou est appelé) à évoluer sur cette échelle, il est préférable que cette tourbe s’éparpille sur tous les échelons au lieu de séjourner sur le même.
— Bien sûr.
— Oui, mais voilà : les gens qui sont contraints à demeurer sur les échelons inférieurs (c’est ceux d’en bas que je désigne ainsi), en proie à l’humidité sociale, trop près des crapauds pustuleux du mauvais destin, paludéennes victimes d’une sale organisation, envient ceux d’en haut, qui se prélassent sur des barreaux de peluche et d’or, en haut, au bel azur du ciel…
Et comme j’allais m’emballer, tel un poète saoul, M. Carnot me rappela à la question.
— Eh ! bien, conclus-je, la solution, la voici : Il est monstrueux que des gens soient fatalement voués, et pour jamais, à un patrimoine de détresse, de misère et de travail (lequel est le pire des maux), cependant que de jeunes bourres n’ont qu’à naître pour mener une existence de flemme, de haute cocotterie et de bicyclette en aluminium. La vraie devise sociale devrait être : Chacun son tour. Ou bien encore : C’est pas toujours les mêmes qui doivent détenir l’assiette au beurre.
— Au fait ! grommela le principal locataire de la rue du Faubourg-Saint-Honoré.
— À votre place, je créerais une énorme tombola sociale, composée de lots variant entre cinq cent mille livres de rente et peau de balle et balai de crin[1], en passant par mille positions intermédiaires. Autant de lots que de citoyens français. Tirage, chaque année (au 1er avril, pour rigoler un peu). Dès lors, la vie deviendrait exquise et habitable. Le tumulte des passions s’assoupirait. L’envie reploierait ses odieuses ailes vertes. Et renaîtrait l’espoir ! Tel qui détiendrait, pour le moment, la peau de balle ou le balai de crin, se croirait le plus fortuné des bougres, à l’espérance que, dans un an, ce serait lui qui ferait son petit tour de lac ou, tout au moins, qui jouirait d’une bonne petite vingtaine de mille livres de rente.
Visiblement frappé de l’horizon que je lui ouvrais, le président se grattait la tête. Puis, sans me laisser achever, il ajouta, en imitant Dupuis à s’y méprendre :
— La voilà bien, la solution de la question sociale ! La voilà bien !
? Expressions triviales correspondant, à peu près, à ce que les mathématiciens dénomment zéro.

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Le Parapluie de l’escouade,Paul Ollendorff, Paris, 1893 d' Alphonse Allais (1854–1905)
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Alphonse Allais, né le 20 octobre 1854 à Honfleur2 et mort le 28 octobre 1905 à Paris est un journaliste, écrivain et humoriste français.
Célèbre à la Belle Époque, reconnu pour sa plume acerbe et son humour absurde, il est notamment renommé pour ses calembours et ses vers holorimes. Il est parfois considéré comme l'un des plus grands conteurs de langue française. (wikipédia)
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extrait:
LA QUESTION SOCIALE
Je ne fus pas peu surpris — l’avouerai-je ? — en recevant, hier soir, un petit mot de M. Carnot m’invitant à passer à l’Élysée le plus tôt possible. « Communication urgente », ajoutait le billet.
Mes rapports avec M. Carnot, très cordiaux dans le début de sa vie politique, se sont considérablement rafraîchis par la suite, d’abord après cette regrettable scène du Moulin-Rouge demeurée présente à tous les esprits, ensuite à cause de l’étrange parti pris que mit M. Carnot à m’éloigner de toutes les combinaisons ministérielles. (Je me suis expliqué sur cette question, ici même, voilà tantôt deux mois.)
Quoi qu’il en fût, je n’hésitai pas à me rendre à l’appel du président. Peut-être y allait-il du salut de l’État.
Tout de suite, M. Carnot se précipita sur mes mains, qu’il serra très fort en m’appelant son cher Alphonse. Puis, il me demanda ce que je prenais.
— Un verre d’eau sucrée avec un peu de fleur d’oranger, fut ma réponse.
(Je ne bois jamais autre chose et m’en trouve fort bien.)
— Mais ce n’est pas tout ça, reprit vivement le chef de l’État, je ne vous ai pas fait venir pour des prunes. Nous sommes très embêtés, en ce moment, avec la question sociale. Je connais votre ingéniosité presque fabuleuse ; avez-vous une solution pour la question sociale ?
— Enfant, répondis-je avec un doux sourire, n’ai-je point solution à tout !
— Je bois vos paroles.
— Laissez-moi, mon cher Sadi, comparer la société à une échelle.
Une nuance d’étonnement passa sur le visage du petit-fils de l’organisateur de la victoire.
— Une échelle, poursuivis-je, se compose généralement de deux montants et d’un nombre d’échelons ou barreaux variant avec la longueur de l’instrument.
Les échelons parallèles entre eux s’enchâssent perpendiculairement dans la face interne des montants. D’ailleurs, ne savez-vous pas toutes ces choses aussi bien que moi, vous, l’orgueil de Polytechnique ?
M. Carnot s’inclina.
— Quand un certain nombre de personnes sont appelées (ou est appelé) à évoluer sur cette échelle, il est préférable que cette tourbe s’éparpille sur tous les échelons au lieu de séjourner sur le même.
— Bien sûr.
— Oui, mais voilà : les gens qui sont contraints à demeurer sur les échelons inférieurs (c’est ceux d’en bas que je désigne ainsi), en proie à l’humidité sociale, trop près des crapauds pustuleux du mauvais destin, paludéennes victimes d’une sale organisation, envient ceux d’en haut, qui se prélassent sur des barreaux de peluche et d’or, en haut, au bel azur du ciel…
Et comme j’allais m’emballer, tel un poète saoul, M. Carnot me rappela à la question.
— Eh ! bien, conclus-je, la solution, la voici : Il est monstrueux que des gens soient fatalement voués, et pour jamais, à un patrimoine de détresse, de misère et de travail (lequel est le pire des maux), cependant que de jeunes bourres n’ont qu’à naître pour mener une existence de flemme, de haute cocotterie et de bicyclette en aluminium. La vraie devise sociale devrait être : Chacun son tour. Ou bien encore : C’est pas toujours les mêmes qui doivent détenir l’assiette au beurre.
— Au fait ! grommela le principal locataire de la rue du Faubourg-Saint-Honoré.
— À votre place, je créerais une énorme tombola sociale, composée de lots variant entre cinq cent mille livres de rente et peau de balle et balai de crin[1], en passant par mille positions intermédiaires. Autant de lots que de citoyens français. Tirage, chaque année (au 1er avril, pour rigoler un peu). Dès lors, la vie deviendrait exquise et habitable. Le tumulte des passions s’assoupirait. L’envie reploierait ses odieuses ailes vertes. Et renaîtrait l’espoir ! Tel qui détiendrait, pour le moment, la peau de balle ou le balai de crin, se croirait le plus fortuné des bougres, à l’espérance que, dans un an, ce serait lui qui ferait son petit tour de lac ou, tout au moins, qui jouirait d’une bonne petite vingtaine de mille livres de rente.
Visiblement frappé de l’horizon que je lui ouvrais, le président se grattait la tête. Puis, sans me laisser achever, il ajouta, en imitant Dupuis à s’y méprendre :
— La voilà bien, la solution de la question sociale ! La voilà bien !
? Expressions triviales correspondant, à peu près, à ce que les mathématiciens dénomment zéro.

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