Author: | Anatole France | ISBN: | 1230002352572 |
Publisher: | R.B. | Publication: | June 1, 2018 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Anatole France |
ISBN: | 1230002352572 |
Publisher: | R.B. |
Publication: | June 1, 2018 |
Imprint: | |
Language: | French |
Extrait :
Ma mère m’a souvent rapporté diverses circonstances de ma naissance qui ne m’ont pas paru aussi considérables qu’elle se le figurait. Je n’y ai guère pris garde et elles m’ont échappé.
Quand vient l’enfant à recevoir,
Il faut la sage-femme avoir
Et des commères un grand tas…
Du moins puis-je affirmer, par ouï-dire, que, à la fin du règne de Louis-Philippe, l’usage dont parlent ces vers d’un vieux Parisien n’était pas tout à fait perdu. Car il y eut grande assemblée de dames respectables dans la chambre de madame Nozière pour y attendre ma venue. On était en avril ; il faisait frais. Quatre ou cinq commères du quartier, entre autres madame Caumont, la libraire, madame veuve Dusuel, madame Danquin, mettaient des bûches dans la cheminée et buvaient du vin chaud pendant que ma mère ressentait les grandes douleurs.
― Criez, madame Nozière, criez tout votre saoul, disait madame Caumont ; cela vous soulagera.
Madame Dusuel, ne sachant où mettre sa fille Alphonsine, âgée de douze ans, l’avait amenée dans la chambre, d’où elle la faisait sortir à chaque instant, de crainte que je ne me présentasse tout à coup à une si jeune demoiselle, ce qui n’eût pas été convenable.
Ces dames n’avaient pas le bec gelé et caquetaient, à ce qu’on m’a rapporté, comme au vieux temps. Madame Caumont contait abondamment, au grand déplaisir de ma mère, de terribles histoires de regards. Une femme enceinte de sa connaissance, ayant rencontré un cul-de-jatte qui tenait un fer à repasser dans chaque main et demandait l’aumône, accoucha d’un enfant sans jambes. Elle-même, portant sa fille Noémi, avait eu peur d’un lièvre qui lui était parti dans les jambes ; et Noémi était née avec des oreilles pointues, qui remuaient.
Extrait :
Ma mère m’a souvent rapporté diverses circonstances de ma naissance qui ne m’ont pas paru aussi considérables qu’elle se le figurait. Je n’y ai guère pris garde et elles m’ont échappé.
Quand vient l’enfant à recevoir,
Il faut la sage-femme avoir
Et des commères un grand tas…
Du moins puis-je affirmer, par ouï-dire, que, à la fin du règne de Louis-Philippe, l’usage dont parlent ces vers d’un vieux Parisien n’était pas tout à fait perdu. Car il y eut grande assemblée de dames respectables dans la chambre de madame Nozière pour y attendre ma venue. On était en avril ; il faisait frais. Quatre ou cinq commères du quartier, entre autres madame Caumont, la libraire, madame veuve Dusuel, madame Danquin, mettaient des bûches dans la cheminée et buvaient du vin chaud pendant que ma mère ressentait les grandes douleurs.
― Criez, madame Nozière, criez tout votre saoul, disait madame Caumont ; cela vous soulagera.
Madame Dusuel, ne sachant où mettre sa fille Alphonsine, âgée de douze ans, l’avait amenée dans la chambre, d’où elle la faisait sortir à chaque instant, de crainte que je ne me présentasse tout à coup à une si jeune demoiselle, ce qui n’eût pas été convenable.
Ces dames n’avaient pas le bec gelé et caquetaient, à ce qu’on m’a rapporté, comme au vieux temps. Madame Caumont contait abondamment, au grand déplaisir de ma mère, de terribles histoires de regards. Une femme enceinte de sa connaissance, ayant rencontré un cul-de-jatte qui tenait un fer à repasser dans chaque main et demandait l’aumône, accoucha d’un enfant sans jambes. Elle-même, portant sa fille Noémi, avait eu peur d’un lièvre qui lui était parti dans les jambes ; et Noémi était née avec des oreilles pointues, qui remuaient.