Author: | Pierre de Coubertin | ISBN: | 1230002583457 |
Publisher: | Institut Olympique, Lausanne, 1919 | Publication: | September 28, 2018 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Pierre de Coubertin |
ISBN: | 1230002583457 |
Publisher: | Institut Olympique, Lausanne, 1919 |
Publication: | September 28, 2018 |
Imprint: | |
Language: | French |
Ce ne sont pas seulement les poètes mais parfois aussi les hommes de science auxquels il advient de parler de l’espace peuplé d’astres. Cela fait image… l’image pourtant est défectueuse, fausse même. Vous allez en juger. Considérons par exemple l’étoile α du Centaure ; de toutes les étoiles, elle est la plus proche de nous, c’est-à-dire du système solaire dont nous faisons partie, et la lumière qui parcourt la bagatelle de 299,000 kilomètres par seconde et, de ce train-là, ne met que quelques minutes à nous parvenir de notre soleil, met quatre ans et quatre mois pour nous arriver de l’étoile α du Centaure. De Sirius elle nous parvient en près de 9 ans ; d’Altaïr, en 14 ans ; de Vega en 27 ans. Si Arcturus s’éteignait en ce moment, nous n’en serions avertis que dans 34 ans, laps de temps nécessaire à son dernier rayon pour venir jusqu’à nous. Voilà nos voisins du firmament ; car ces étoiles sont les plus à portée. L’espace, vous l’avouerez, n’est guère « peuplé » par des astres entre lesquels s’étendent de pareilles distances.
La vérité est tout autre. Elle s’exprime en cette parole terrible prononcée par un grand astronome : les astres ne sont que des accidents de lumière et de chaleur à travers l’immensité : l’état habituel du monde, c’est le vide, le froid et l’obscurité.
Et voici une seconde donnée qu’il faut également nous résigner à admettre. C’est que la vie à la surface des planètes, la vie organisée telle que nous la sentons en nous et la voyons autour de nous ne représente qu’une très brève étape, une sorte de moisissure momentanée entre les périodes bien autrement longues de la formation ignée et de la matière refroidie et desséchée : moisissure dont nous ne sommes même pas certains que tous les astres bénéficient car il semble en être que le volcanisme peut détruire sans laisser le temps à la vie de s’y épanouir… Et tout cela représente des centaines de milliers d’années.
Nous voici donc en présence des deux notions fondamentales de temps et d’espace, ces deux assises de l’esprit critique, cette double norme de l’intelligence et du jugement — et d’une troisième notion qui, celle-là, nous dépasse : la notion de l’infini. L’astronomie nous la rend tangible et, pourtant, nous n’arrivons pas à la comprendre. Peut-on imaginer un endroit où cesse l’espace ? Ce serait absurde. Mais pouvons-nous concevoir un espace qui n’a point de limites ? Non. Le nombre des astres peut, doit être limité puisque c’est un nombre tandis qu’au delà de l’espace, il ne peut y avoir qu’encore l’espace !
Ainsi l’astronomie, seule de toutes les sciences, nous rend absolument présente — bien qu’incompréhensible — l’idée d’infini. Il nous suffit, pour la saisir, de lever les yeux vers le ciel étoilé ; et, en ramenant nos regards sur nous-mêmes, nous constatons les bornes effectives de notre intelligence.
Ce ne sont pas seulement les poètes mais parfois aussi les hommes de science auxquels il advient de parler de l’espace peuplé d’astres. Cela fait image… l’image pourtant est défectueuse, fausse même. Vous allez en juger. Considérons par exemple l’étoile α du Centaure ; de toutes les étoiles, elle est la plus proche de nous, c’est-à-dire du système solaire dont nous faisons partie, et la lumière qui parcourt la bagatelle de 299,000 kilomètres par seconde et, de ce train-là, ne met que quelques minutes à nous parvenir de notre soleil, met quatre ans et quatre mois pour nous arriver de l’étoile α du Centaure. De Sirius elle nous parvient en près de 9 ans ; d’Altaïr, en 14 ans ; de Vega en 27 ans. Si Arcturus s’éteignait en ce moment, nous n’en serions avertis que dans 34 ans, laps de temps nécessaire à son dernier rayon pour venir jusqu’à nous. Voilà nos voisins du firmament ; car ces étoiles sont les plus à portée. L’espace, vous l’avouerez, n’est guère « peuplé » par des astres entre lesquels s’étendent de pareilles distances.
La vérité est tout autre. Elle s’exprime en cette parole terrible prononcée par un grand astronome : les astres ne sont que des accidents de lumière et de chaleur à travers l’immensité : l’état habituel du monde, c’est le vide, le froid et l’obscurité.
Et voici une seconde donnée qu’il faut également nous résigner à admettre. C’est que la vie à la surface des planètes, la vie organisée telle que nous la sentons en nous et la voyons autour de nous ne représente qu’une très brève étape, une sorte de moisissure momentanée entre les périodes bien autrement longues de la formation ignée et de la matière refroidie et desséchée : moisissure dont nous ne sommes même pas certains que tous les astres bénéficient car il semble en être que le volcanisme peut détruire sans laisser le temps à la vie de s’y épanouir… Et tout cela représente des centaines de milliers d’années.
Nous voici donc en présence des deux notions fondamentales de temps et d’espace, ces deux assises de l’esprit critique, cette double norme de l’intelligence et du jugement — et d’une troisième notion qui, celle-là, nous dépasse : la notion de l’infini. L’astronomie nous la rend tangible et, pourtant, nous n’arrivons pas à la comprendre. Peut-on imaginer un endroit où cesse l’espace ? Ce serait absurde. Mais pouvons-nous concevoir un espace qui n’a point de limites ? Non. Le nombre des astres peut, doit être limité puisque c’est un nombre tandis qu’au delà de l’espace, il ne peut y avoir qu’encore l’espace !
Ainsi l’astronomie, seule de toutes les sciences, nous rend absolument présente — bien qu’incompréhensible — l’idée d’infini. Il nous suffit, pour la saisir, de lever les yeux vers le ciel étoilé ; et, en ramenant nos regards sur nous-mêmes, nous constatons les bornes effectives de notre intelligence.