Author: | WALTER SCOTT | ISBN: | 1230000212226 |
Publisher: | GILBERT TEROL | Publication: | January 23, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | WALTER SCOTT |
ISBN: | 1230000212226 |
Publisher: | GILBERT TEROL |
Publication: | January 23, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
Tous ceux qui connaissent l’histoire des premiers temps du théâtre italien savent qu’Arlequin, dans la conception originale, ne se borne pas, comme sur notre théâtre, à faire des miracles avec son sabre de bois, à entrer et à sortir par la fenêtre ; mais on trouve en lui, ainsi que l’indique sa veste bigarrée, un bouffon ou un clown dont la bouche, loin d’être éternellement fermée, laisse échapper, comme celle de notre Touchstone[1], une foule de quolibets, de railleries piquantes et de saillies ingénieuses, la plupart improvisées. Il n’est pas facile de deviner pourquoi on lui donna son masque noir, qui représentait anciennement la figure d’un chat ; mais il paraît que le masque était essentiel à ce rôle, comme le prouvera l’anecdote suivante.
Un acteur du Théâtre Italien, établi à la Foire Saint-Germain, à Paris, était renommé pour la vivacité et la hardiesse de son esprit, les saillies brillantes et les reparties heureuses dont il assaisonnait à pleines mains son rôle de bouffon. Quelques critiques, qui avaient moins de jugement que de bienveillance pour un acteur favori, s’imaginèrent de lui adresser certaines remontrances au sujet de son masque bizarre. Ils se dirigèrent adroitement vers leur but en lui faisant observer que ce déguisement insignifiant jetait une teinte burlesque et ridicule sur son esprit cultivé et vraiment attique, sur l’originalité de ses saillies, et sur son heureuse facilité pour le dialogue : certes, de pareils talents produiraient bien plus d’effets s’ils étaient secondés par la vivacité de son regard et l’expression naturelle de ses traits. La vanité de l’acteur une fois mise en jeu, il se décida facilement à tenter l’expérience. Il joua Arlequin à visage découvert, et tout le monde fut d’avis qu’il avait complètement échoué. Il avait perdu la hardiesse que lui donnait le sentiment de l’incognito, et, avec elle cette imperturbable gaieté qui donnait tant de vivacité à son jeu. Il maudit ses conseillers et reprit son masque grotesque ; mais jamais, ajoute-t-on, il ne put retrouver l’insouciante et heureuse légèreté qu’il avait puisée d’abord dans la conscience de son déguisement.
Peut-être l’auteur de Waverley est-il sur le point de courir un danger du même genre, et de risquer sa popularité pour avoir quitté l’incognito. Ce n’est certainement pas une expérience volontaire que je tente comme Arlequin ; car, mon intention première était de ne jamais avouer les nouvelles dont je me reconnais aujourd’hui l’auteur : seulement, pendant ma vie, les manuscrits originaux avaient été soigneusement conservés, quoique plutôt par les soins des autres que par les miens, dans le dessein de servir de preuve évidente de la vérité, quand l’époque de la faire connaître serait arrivée. Mais les affaires de mes éditeurs étant malheureusement passées en d’autres mains, je compris que je n’avais plus le droit de compter sur le secret de ce côté : ainsi mon masque, comme celui de ma tante Dinah, dans Tristram Shandy, ayant commencé à s’user un peu du côté du menton, force me fut de le mettre de côté de bonne grâce, si je ne voulais le voir tomber morceau par morceau.
Cependant je n’avais pas la plus légère intention de choisir pour cette révélation le moment et le lieu où elle fut accomplie. Il n’y eut non plus rien de concerté entre mon savant et respectable ami lord Meadowbanck[2] et moi dans cette occasion. Ce fut, comme le lecteur le sait probablement, le 23 février dernier[3], dans une assemblée publique convoquée pour l’établissement d’une caisse de retraite pour les artistes dramatiques, que cette communication eut lieu. Avant qu’on se mît à table, lord Meadowbank me demanda si je désirais encore garder l’incognito sur ce qu’il appelait les romans Waverley. Je ne compris pas immédiatement où tendait
Tous ceux qui connaissent l’histoire des premiers temps du théâtre italien savent qu’Arlequin, dans la conception originale, ne se borne pas, comme sur notre théâtre, à faire des miracles avec son sabre de bois, à entrer et à sortir par la fenêtre ; mais on trouve en lui, ainsi que l’indique sa veste bigarrée, un bouffon ou un clown dont la bouche, loin d’être éternellement fermée, laisse échapper, comme celle de notre Touchstone[1], une foule de quolibets, de railleries piquantes et de saillies ingénieuses, la plupart improvisées. Il n’est pas facile de deviner pourquoi on lui donna son masque noir, qui représentait anciennement la figure d’un chat ; mais il paraît que le masque était essentiel à ce rôle, comme le prouvera l’anecdote suivante.
Un acteur du Théâtre Italien, établi à la Foire Saint-Germain, à Paris, était renommé pour la vivacité et la hardiesse de son esprit, les saillies brillantes et les reparties heureuses dont il assaisonnait à pleines mains son rôle de bouffon. Quelques critiques, qui avaient moins de jugement que de bienveillance pour un acteur favori, s’imaginèrent de lui adresser certaines remontrances au sujet de son masque bizarre. Ils se dirigèrent adroitement vers leur but en lui faisant observer que ce déguisement insignifiant jetait une teinte burlesque et ridicule sur son esprit cultivé et vraiment attique, sur l’originalité de ses saillies, et sur son heureuse facilité pour le dialogue : certes, de pareils talents produiraient bien plus d’effets s’ils étaient secondés par la vivacité de son regard et l’expression naturelle de ses traits. La vanité de l’acteur une fois mise en jeu, il se décida facilement à tenter l’expérience. Il joua Arlequin à visage découvert, et tout le monde fut d’avis qu’il avait complètement échoué. Il avait perdu la hardiesse que lui donnait le sentiment de l’incognito, et, avec elle cette imperturbable gaieté qui donnait tant de vivacité à son jeu. Il maudit ses conseillers et reprit son masque grotesque ; mais jamais, ajoute-t-on, il ne put retrouver l’insouciante et heureuse légèreté qu’il avait puisée d’abord dans la conscience de son déguisement.
Peut-être l’auteur de Waverley est-il sur le point de courir un danger du même genre, et de risquer sa popularité pour avoir quitté l’incognito. Ce n’est certainement pas une expérience volontaire que je tente comme Arlequin ; car, mon intention première était de ne jamais avouer les nouvelles dont je me reconnais aujourd’hui l’auteur : seulement, pendant ma vie, les manuscrits originaux avaient été soigneusement conservés, quoique plutôt par les soins des autres que par les miens, dans le dessein de servir de preuve évidente de la vérité, quand l’époque de la faire connaître serait arrivée. Mais les affaires de mes éditeurs étant malheureusement passées en d’autres mains, je compris que je n’avais plus le droit de compter sur le secret de ce côté : ainsi mon masque, comme celui de ma tante Dinah, dans Tristram Shandy, ayant commencé à s’user un peu du côté du menton, force me fut de le mettre de côté de bonne grâce, si je ne voulais le voir tomber morceau par morceau.
Cependant je n’avais pas la plus légère intention de choisir pour cette révélation le moment et le lieu où elle fut accomplie. Il n’y eut non plus rien de concerté entre mon savant et respectable ami lord Meadowbanck[2] et moi dans cette occasion. Ce fut, comme le lecteur le sait probablement, le 23 février dernier[3], dans une assemblée publique convoquée pour l’établissement d’une caisse de retraite pour les artistes dramatiques, que cette communication eut lieu. Avant qu’on se mît à table, lord Meadowbank me demanda si je désirais encore garder l’incognito sur ce qu’il appelait les romans Waverley. Je ne compris pas immédiatement où tendait