Author: | Paul Arène | ISBN: | 1230000246437 |
Publisher: | PRB | Publication: | June 13, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Paul Arène |
ISBN: | 1230000246437 |
Publisher: | PRB |
Publication: | June 13, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
Les Ogresses - Paul Arène
Ce livre comporte une table des matières dynamique.
Il est parfaitement mis en page pour une lecture sur liseuse électronique.
Paul Arène (1843 – 1896), est un journaliste, romancier, poète et auteur dramatique français.
Les Ogresses est un livre de nouvelles écrit par Paul Arène.
Extrait :
Un drôle de corps, mon camarade Estevanet, ou plutôt un drôle d’esprit, une âme vraiment originale ! Dès l’enfance il avait une façon à lui de voir les choses de ce monde.
Toujours à courir les champs d’où il rapportait au collège des cailloux de forme bizarre, des nids d’oiseaux de proie périlleusement dénichés et d’étranges plantes montagnardes dont les bergers seuls savaient le nom, un matin il arriva avec deux grenouilles, capture rare ! car dans nos pays de calcaire les eaux mortes n’abondent pas. Au bout de quelque temps les grenouilles parurent dépérir : immobiles, leur ventre blanc aplati sur le verre du bocal, elles n’avaient plus cœur à gober les mouches. Alors Estevanet s’imagina que ses grenouilles s’ennuyaient. — « Lâche-les en Durance… » lui dis-je. — Non ! c’est leur étang qu’il leur faut ; partout ailleurs elles s’estimeraient exilées.
Il est si joli cet étang un trou d’eau tout bleu et tout vert à cause des reflets du ciel et des grands iris qui s’y mirent. Sous la berge, le temps a creusé un tas de retraites moussues ; c’est là que mes grenouilles étaient heureuses, c’est là qu’elles retrouveront le bonheur ! Toute une après-midi, par des chemins perdus, nous cherchâmes l’étang dont Estevanet ne se rappelait plus la place, et que nous redécouvrîmes enfin à l’heure où le soleil se couchait. Par exemple, la récompense fut douce ; déjà loin de l’étang, doublant le pas pour rentrer à l’heure, nous entendions encore les grenouilles reconnaissantes chanter.
Très discret, un peu sauvage même et n’ouvrant guère, par crainte des railleries, le trésor de sa délicate sensibilité, Estevanet à ses moments perdus cultivait la guimbarde, un instrument dont la tradition se perd malheureusement, car c’était un instrument à souhait pour les natures timides comme la sienne et jalousement renfermées. La guimbarde — vous le savez peut-être — consiste en une minuscule lyre d’acier munie, au milieu, d’une languette. La façon d’en user est simple : on serre la lyre entre les dents, et on fait vibrer la languette du bout du doigt. Chacun peut ainsi, à la condition d’aspirer le son fortement, se jouer dans le creux du ventre, les plus adorables musiques...
Les Ogresses - Paul Arène
Ce livre comporte une table des matières dynamique.
Il est parfaitement mis en page pour une lecture sur liseuse électronique.
Paul Arène (1843 – 1896), est un journaliste, romancier, poète et auteur dramatique français.
Les Ogresses est un livre de nouvelles écrit par Paul Arène.
Extrait :
Un drôle de corps, mon camarade Estevanet, ou plutôt un drôle d’esprit, une âme vraiment originale ! Dès l’enfance il avait une façon à lui de voir les choses de ce monde.
Toujours à courir les champs d’où il rapportait au collège des cailloux de forme bizarre, des nids d’oiseaux de proie périlleusement dénichés et d’étranges plantes montagnardes dont les bergers seuls savaient le nom, un matin il arriva avec deux grenouilles, capture rare ! car dans nos pays de calcaire les eaux mortes n’abondent pas. Au bout de quelque temps les grenouilles parurent dépérir : immobiles, leur ventre blanc aplati sur le verre du bocal, elles n’avaient plus cœur à gober les mouches. Alors Estevanet s’imagina que ses grenouilles s’ennuyaient. — « Lâche-les en Durance… » lui dis-je. — Non ! c’est leur étang qu’il leur faut ; partout ailleurs elles s’estimeraient exilées.
Il est si joli cet étang un trou d’eau tout bleu et tout vert à cause des reflets du ciel et des grands iris qui s’y mirent. Sous la berge, le temps a creusé un tas de retraites moussues ; c’est là que mes grenouilles étaient heureuses, c’est là qu’elles retrouveront le bonheur ! Toute une après-midi, par des chemins perdus, nous cherchâmes l’étang dont Estevanet ne se rappelait plus la place, et que nous redécouvrîmes enfin à l’heure où le soleil se couchait. Par exemple, la récompense fut douce ; déjà loin de l’étang, doublant le pas pour rentrer à l’heure, nous entendions encore les grenouilles reconnaissantes chanter.
Très discret, un peu sauvage même et n’ouvrant guère, par crainte des railleries, le trésor de sa délicate sensibilité, Estevanet à ses moments perdus cultivait la guimbarde, un instrument dont la tradition se perd malheureusement, car c’était un instrument à souhait pour les natures timides comme la sienne et jalousement renfermées. La guimbarde — vous le savez peut-être — consiste en une minuscule lyre d’acier munie, au milieu, d’une languette. La façon d’en user est simple : on serre la lyre entre les dents, et on fait vibrer la languette du bout du doigt. Chacun peut ainsi, à la condition d’aspirer le son fortement, se jouer dans le creux du ventre, les plus adorables musiques...