Author: | Paul Féval | ISBN: | 1230003148761 |
Publisher: | Paris : V. Palmé ; Bruxelles : J. Albanel, 1880 | Publication: | March 23, 2019 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Paul Féval |
ISBN: | 1230003148761 |
Publisher: | Paris : V. Palmé ; Bruxelles : J. Albanel, 1880 |
Publication: | March 23, 2019 |
Imprint: | |
Language: | French |
La Loire majesteuse coulait sous le brouillard. On voyait sortir de la brume d’énormes voiles carrées qui semblaient marcher, poussées par une force invisible, au travers des moissons et des arbres. C’était une de ces belles et opulentes campagnes qui font haie sur le passage de la reine de nos fleuves, comme pour acclamer son cours triomphant et lui rendre grâce de leur richesse heureuse.
Le clocher de Trèves se montrait au-dessus des pommiers, ronds comme ces boules de tilleuls qui ornaient jadis nos jardins. Bien que le mois de juin fût à peine terminé, ces pommiers n’avaient déjà plus de verdure ; ils laissaient voir la mousse grise de leur écorce, épuisés qu’ils étaient sous le fardeau de leurs fruits. Pour surcroît, la vigne glissait ses pousses vigoureuses entre les branches et lançait par-dessus les rameaux affaissés les longues guirlandes de son feuillage. Ainsi voit-on dans les forêts vierges du Nouveau-Monde la liane envahissante étreindre les vieux troncs des palmiers.
Le soleil venait de se lever derrière les petites col-’ lines qui entourent Saumur. Les bas-fonds de la rive gauche étaient encore noyés dans le brouillard, et les saules au feuillage blanc n’y montraient que leurs cimes. A voir cette nappe grisâtre et uniforme qui s’étendait au loin sur la plaine, on eût pu croire que le fleuve, enflé tout à coup et sorti de son lit couvrait encore une fois la campagne.
Car la Loire, perfide en sa beauté, lève trop souvent sur les riverains ses vassaux un tribut lamentable. Cette richesse du jardin de la France paye chaque année la dîme au caprice de la puissante reine. La Loire, qui coulait hier entre ses rives fleuries, tranquille, montrant, çà et là, l’or de ses sables et reflétant le souriant azur du ciel, la Loire se courrouce et se gonfle et bondit furieusement par-dessus ses rivages épouvantés.
Adieu les joyeuses espérances de la moisson ! ces cultures si belles, ce seigle barbu, ce froment jaunissant déjà, ce chanvre haut comme un homme, qui emplissait l’air aux chaleurs de midi, de parfums champêtres et sévères, ce lin aux fleurs d’azur, ces betteraves gigantesques, et ces guérets bénis où l’avoine presque mûre livrait ses gais panaches aux caresses de la brise, tout est couché, flétri, perdu. La Loire a tué ce qu’elle avait nourri. Le val de la Loire, ce paradis, est une mer. L’eau boueuse et tourmentée s’étend partout comme un linceul.
La Loire majesteuse coulait sous le brouillard. On voyait sortir de la brume d’énormes voiles carrées qui semblaient marcher, poussées par une force invisible, au travers des moissons et des arbres. C’était une de ces belles et opulentes campagnes qui font haie sur le passage de la reine de nos fleuves, comme pour acclamer son cours triomphant et lui rendre grâce de leur richesse heureuse.
Le clocher de Trèves se montrait au-dessus des pommiers, ronds comme ces boules de tilleuls qui ornaient jadis nos jardins. Bien que le mois de juin fût à peine terminé, ces pommiers n’avaient déjà plus de verdure ; ils laissaient voir la mousse grise de leur écorce, épuisés qu’ils étaient sous le fardeau de leurs fruits. Pour surcroît, la vigne glissait ses pousses vigoureuses entre les branches et lançait par-dessus les rameaux affaissés les longues guirlandes de son feuillage. Ainsi voit-on dans les forêts vierges du Nouveau-Monde la liane envahissante étreindre les vieux troncs des palmiers.
Le soleil venait de se lever derrière les petites col-’ lines qui entourent Saumur. Les bas-fonds de la rive gauche étaient encore noyés dans le brouillard, et les saules au feuillage blanc n’y montraient que leurs cimes. A voir cette nappe grisâtre et uniforme qui s’étendait au loin sur la plaine, on eût pu croire que le fleuve, enflé tout à coup et sorti de son lit couvrait encore une fois la campagne.
Car la Loire, perfide en sa beauté, lève trop souvent sur les riverains ses vassaux un tribut lamentable. Cette richesse du jardin de la France paye chaque année la dîme au caprice de la puissante reine. La Loire, qui coulait hier entre ses rives fleuries, tranquille, montrant, çà et là, l’or de ses sables et reflétant le souriant azur du ciel, la Loire se courrouce et se gonfle et bondit furieusement par-dessus ses rivages épouvantés.
Adieu les joyeuses espérances de la moisson ! ces cultures si belles, ce seigle barbu, ce froment jaunissant déjà, ce chanvre haut comme un homme, qui emplissait l’air aux chaleurs de midi, de parfums champêtres et sévères, ce lin aux fleurs d’azur, ces betteraves gigantesques, et ces guérets bénis où l’avoine presque mûre livrait ses gais panaches aux caresses de la brise, tout est couché, flétri, perdu. La Loire a tué ce qu’elle avait nourri. Le val de la Loire, ce paradis, est une mer. L’eau boueuse et tourmentée s’étend partout comme un linceul.