Author: | Ernest Daudet | ISBN: | 1230002702063 |
Publisher: | E. Plon et Cie (Paris) 1877 | Publication: | October 18, 2018 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Ernest Daudet |
ISBN: | 1230002702063 |
Publisher: | E. Plon et Cie (Paris) 1877 |
Publication: | October 18, 2018 |
Imprint: | |
Language: | French |
C’est d’un épisode de ma jeunesse que je veux vous faire le récit. Quand l’homme est vieux et qu’avec les cheveux blancs l’expérience lui est venue, payée des douleurs et des désenchantements attachés à sa conquête, il goûte une douceur infinie à remonter le courant de , ses souvenirs et à revivre dans le passé, afin d’y rechercher des émotions salutaires. Comme les aventures qu’il se plaît à évoquer sont celles qui ont exercé sur sa destinée une influence heureuse, elles se parent à ses yeux d’un charme exquis, par lequel est allégée son âme qu’a lassée le poids des jours. Elles forment avec les tristesses du présent un consolant contraste et les lui font oublier. C’est pour cela que les vieillards aiment tant à raconter leurs jeunes années.
Je suis né à Paris au commencement du siècle. En 1830, j’avais vingt-cinq ans. Orphelin dès l’enfance, riche du modeste héritage que m’avaient légué mes parents, épris des choses d’art, j’étais venu à Rome en touriste, dans l’unique but de satisfaire une noble curiosité. Mais, peu à peu, j’avais subi la séduction puissante qui se dégage de ce théâtre de tant de grandeurs disparues, où une civilisation plus durable qu’elles s’est élevée sur leurs ruines. Puis, je m’y étais installé, parce que j’avais découvert un lieu propice pour y dresser ma tente, je veux dire une petite maison située à l’extrémité d’un faubourg, au sein d’un paysage de collines, de villas et de jardins, et au pied de laquelle plusieurs terrasses encadrées dans les pampres des vignes et les guirlandes des roses s’étageaient en gradins rustiques, descendant jusqu’au Tibre.
Charmé par la beauté de ces lieux, j’avais loué la maison pour plusieurs années. J’y vivais dans l’étude, heureux, oublié, sans songer au lendemain. De longues stations dans les églises et les musées, tantôt seul, tantôt en compagnie de quelque compatriote de passage à Rome, des promenades à travers les vieux quartiers, des excursions dans la campagne romaine, des visites-reçues ou rendues remplissaient mes journées. Le soir, je mettais en ordre mes impressions et mes souvenirs.
Ma vie s’écoulait ainsi depuis plusieurs mois, paisible, jamais troublée, enveloppant mon âme d’un bien-être immatériel, fait de calme et de sérénité, quand, vers le milieu de l’automne, sur le chemin qui conduisait à ma demeure, je fis un soir la rencontre d’une jeune fille et d’un vieillard.
Ils passèrent devant moi. Je les saluai. La jeune fille s’inclina, tandis que le vieillard soulevait son chapeau, en murmurant une parole de remercîment. La nuit voilait leurs traits, mais leurs vêtements, leur démarche, l’accent que j’avais entendu ne permettaient pas de les confondre avec les paysans ou les ouvriers qui circulaient ordinairement sur cette route. Je les suivis du regard, un peu intrigué, car, dans mon existence, cette rencontre se transformait en un événement..........
C’est d’un épisode de ma jeunesse que je veux vous faire le récit. Quand l’homme est vieux et qu’avec les cheveux blancs l’expérience lui est venue, payée des douleurs et des désenchantements attachés à sa conquête, il goûte une douceur infinie à remonter le courant de , ses souvenirs et à revivre dans le passé, afin d’y rechercher des émotions salutaires. Comme les aventures qu’il se plaît à évoquer sont celles qui ont exercé sur sa destinée une influence heureuse, elles se parent à ses yeux d’un charme exquis, par lequel est allégée son âme qu’a lassée le poids des jours. Elles forment avec les tristesses du présent un consolant contraste et les lui font oublier. C’est pour cela que les vieillards aiment tant à raconter leurs jeunes années.
Je suis né à Paris au commencement du siècle. En 1830, j’avais vingt-cinq ans. Orphelin dès l’enfance, riche du modeste héritage que m’avaient légué mes parents, épris des choses d’art, j’étais venu à Rome en touriste, dans l’unique but de satisfaire une noble curiosité. Mais, peu à peu, j’avais subi la séduction puissante qui se dégage de ce théâtre de tant de grandeurs disparues, où une civilisation plus durable qu’elles s’est élevée sur leurs ruines. Puis, je m’y étais installé, parce que j’avais découvert un lieu propice pour y dresser ma tente, je veux dire une petite maison située à l’extrémité d’un faubourg, au sein d’un paysage de collines, de villas et de jardins, et au pied de laquelle plusieurs terrasses encadrées dans les pampres des vignes et les guirlandes des roses s’étageaient en gradins rustiques, descendant jusqu’au Tibre.
Charmé par la beauté de ces lieux, j’avais loué la maison pour plusieurs années. J’y vivais dans l’étude, heureux, oublié, sans songer au lendemain. De longues stations dans les églises et les musées, tantôt seul, tantôt en compagnie de quelque compatriote de passage à Rome, des promenades à travers les vieux quartiers, des excursions dans la campagne romaine, des visites-reçues ou rendues remplissaient mes journées. Le soir, je mettais en ordre mes impressions et mes souvenirs.
Ma vie s’écoulait ainsi depuis plusieurs mois, paisible, jamais troublée, enveloppant mon âme d’un bien-être immatériel, fait de calme et de sérénité, quand, vers le milieu de l’automne, sur le chemin qui conduisait à ma demeure, je fis un soir la rencontre d’une jeune fille et d’un vieillard.
Ils passèrent devant moi. Je les saluai. La jeune fille s’inclina, tandis que le vieillard soulevait son chapeau, en murmurant une parole de remercîment. La nuit voilait leurs traits, mais leurs vêtements, leur démarche, l’accent que j’avais entendu ne permettaient pas de les confondre avec les paysans ou les ouvriers qui circulaient ordinairement sur cette route. Je les suivis du regard, un peu intrigué, car, dans mon existence, cette rencontre se transformait en un événement..........