Author: | Alfred Fouillée | ISBN: | 1230001428506 |
Publisher: | Alfred Fouillée | Publication: | November 15, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Alfred Fouillée |
ISBN: | 1230001428506 |
Publisher: | Alfred Fouillée |
Publication: | November 15, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
EXTRAIT:
Un astronome pourrait esquisser d’avance, peut-être, la carte de l’état du ciel dans quelques millions d’années, marquer les changemens des constellations et le déplacement de notre étoile polaire ; mais deviner tes transformations possibles du ciel moral, les déviations d’axe et de pôle, les étoiles nouvelles et les étoiles un jour disparues, c’est une tâche autrement difficile : les faits de l’ordre social sont infiniment plus compliqués que les lois astronomiques. Et cependant notre curiosité inquiète ne peut s’empêcher de sonder d’avance l’inconnu de l’avenir : c’est la grandeur de notre pensée que de ne pouvoir s’enfermer dans le présent. La morale même ne nous commande-telle pas de travailler et d’agir non pour l’heure qui sonne, mais pour tous les temps et pour cet avenir même que nous ne devons point voir ? Comment donc resterions-nous indifférens à ce qu’il sera, et surtout aux transformations morales qu’il verra se produire ?
L’école de l’évolution, qui aperçoit partout changemens et métamorphoses, est encore plus portée que les autres à calculer la marche de l’humanité future d’après la ligne qu’elle a décrite dans le passé et d’après le mouvement qui l’entraîne dans le présent. En Angleterre, M. Spencer et ses nouveaux disciples, — Stephen Leslie, Clifford, Barratt, miss Simcox, — n’ont pas craint de se faire, au nom de la science, comme les prophètes de la société à venir. En Allemagne, parmi beaucoup d’autres philosophes, M. Wundt a écrit récemment une Éthique où les considérations sur le passé des sociétés aboutissent naturellement à des inductions sur l’avenir. En France, — et c’est surtout des penseurs de notre pays qu’il est naturel de s’occuper ici, — nous n’avons guère l’embarras du choix : la doctrine de l’évolution, après avoir inspiré à Mme Clémence Royer un travail sur le Bien et la loi morale dont nous avons parlé ici même, n’a trouvé chez nous, dans ces dernières années, qu’un interprète vraiment original et libre pour entreprendre, à ses périls et risques, de construire une morale sur des bases en partie nouvelles et de deviner les transformations de ces deux grandes idées directrices : obligation, sanction. L’auteur de la Morale anglaise contemporaine a essayé de compléter lui-même la morale évolutionniste des Darwin et des Spencer, dont il avait montré jadis les lacunes avec une rare pénétration. Grâce à lui, — et c’est la moindre justice à lui rendre, — la philosophie française n’aura pas été sans contribuer pour sa part à l’amendement d’une doctrine, satisfaisante ou non, dont on ne saurait méconnaître ni l’influence actuelle ni l’importance future.
EXTRAIT:
Un astronome pourrait esquisser d’avance, peut-être, la carte de l’état du ciel dans quelques millions d’années, marquer les changemens des constellations et le déplacement de notre étoile polaire ; mais deviner tes transformations possibles du ciel moral, les déviations d’axe et de pôle, les étoiles nouvelles et les étoiles un jour disparues, c’est une tâche autrement difficile : les faits de l’ordre social sont infiniment plus compliqués que les lois astronomiques. Et cependant notre curiosité inquiète ne peut s’empêcher de sonder d’avance l’inconnu de l’avenir : c’est la grandeur de notre pensée que de ne pouvoir s’enfermer dans le présent. La morale même ne nous commande-telle pas de travailler et d’agir non pour l’heure qui sonne, mais pour tous les temps et pour cet avenir même que nous ne devons point voir ? Comment donc resterions-nous indifférens à ce qu’il sera, et surtout aux transformations morales qu’il verra se produire ?
L’école de l’évolution, qui aperçoit partout changemens et métamorphoses, est encore plus portée que les autres à calculer la marche de l’humanité future d’après la ligne qu’elle a décrite dans le passé et d’après le mouvement qui l’entraîne dans le présent. En Angleterre, M. Spencer et ses nouveaux disciples, — Stephen Leslie, Clifford, Barratt, miss Simcox, — n’ont pas craint de se faire, au nom de la science, comme les prophètes de la société à venir. En Allemagne, parmi beaucoup d’autres philosophes, M. Wundt a écrit récemment une Éthique où les considérations sur le passé des sociétés aboutissent naturellement à des inductions sur l’avenir. En France, — et c’est surtout des penseurs de notre pays qu’il est naturel de s’occuper ici, — nous n’avons guère l’embarras du choix : la doctrine de l’évolution, après avoir inspiré à Mme Clémence Royer un travail sur le Bien et la loi morale dont nous avons parlé ici même, n’a trouvé chez nous, dans ces dernières années, qu’un interprète vraiment original et libre pour entreprendre, à ses périls et risques, de construire une morale sur des bases en partie nouvelles et de deviner les transformations de ces deux grandes idées directrices : obligation, sanction. L’auteur de la Morale anglaise contemporaine a essayé de compléter lui-même la morale évolutionniste des Darwin et des Spencer, dont il avait montré jadis les lacunes avec une rare pénétration. Grâce à lui, — et c’est la moindre justice à lui rendre, — la philosophie française n’aura pas été sans contribuer pour sa part à l’amendement d’une doctrine, satisfaisante ou non, dont on ne saurait méconnaître ni l’influence actuelle ni l’importance future.