Lettres de Marie Bashkirtseff

( Edition intégrale ) Avec quatre Portraits, des fac-similés d'Autographes et de Croquis - annoté

Biography & Memoir, Reference, Fiction & Literature, Essays & Letters, Essays, Historical
Cover of the book Lettres de Marie Bashkirtseff by Marie Bashkirtseff, Paris, Bibliothèque-Charpentier, 1891
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Author: Marie Bashkirtseff ISBN: 1230002289847
Publisher: Paris, Bibliothèque-Charpentier, 1891 Publication: April 24, 2018
Imprint: Language: French
Author: Marie Bashkirtseff
ISBN: 1230002289847
Publisher: Paris, Bibliothèque-Charpentier, 1891
Publication: April 24, 2018
Imprint:
Language: French

Malgré les pressions de son entourage qui souhaiterait la voir mariée, Marie Bashkirtseff veut se consacrer à l'Art. « À vingt-deux ans, écrit-elle, je serai célèbre ou morte. » Contrainte d'arrêter le chant, sa première passion, la jeune fille se tourne alors vers le dessin et la peinture qu'elle étudie à l'Académie Julian. Ambitieuse, talentueuse, elle expose pour la première fois au Salon de 1880 et elle obtient son premier succès en 1883. Mais la maladie détruit subitement tous ses rêves et sa carrière prometteuse. Condamnée par les médecins, elle se battra néanmoins courageusement pour s'imposer comme artiste et comme femme dans un monde où les hommes ont tous les avantages.

« On a tant réclamé d'égalités et de libertés pour les femmes, et tant de gens intelligents et éclairés s'en sont moqués, que ces seuls mots de droits des femmes nous remplissent d'une mauvaise honte, et pourtant le droit ou l'égalité que nous réclamons n'ont rien à faire avec la politique et ne touchent d'aucune part ni au nihilisme, ni au socialisme, ni au bonapartisme, ni au droit de voter, ni à l'éligibilité des femmes. Toutes ces questions ont été agitées partout, on a parlé d'une quantité d'injustices plus ou moins abominables au préjudice du sexe faible, il n'y en a qu'une qu'on a laissée en repos, justement peut-être parce que c'est la plus vraie, la plus saisissante, la plus cruelle : l'absence d'une école des Beaux-Arts pour les femmes. Comment, disent les étrangers ébahis, les femmes sont admises à l'École de médecine, et l'École des beaux-arts leur est fermée ! Mais chez nous, à Saint-Pétersbourg, ou chez nous à Stockholm, les dames sont reçues à l'Académie et nous ne sommes pas la France, nous ne sommes pas Paris ! (…)
Ceux qui se moquent des talents féminins ne sauront jamais combien de dispositions sérieuses, de tempéraments réels et remarquables ont été découragés et atrophiés par une éducation vicieuse ou incomplète. L'artiste femme est tout aussi intéressante que l'artiste homme. On dira que, sauf deux ou trois exceptions, il n'y a pas eu d'exemple de femmes ayant fourni à l'art des personnalités considérables d'artistes comparables aux artistes hommes, oui, mais les hommes reçoivent dans une des plus magnifiques écoles du monde une éducation intelligente et grandiose ; pendant tout le jour ils sont entourés des beautés de l'Art, leur yeux ne reposent que sur lignes pures et couleurs éclatantes, ils respirent une atmosphère propre à ouvrir leur âme à l'inspiration et à développer les ailes de leur imagination qui doivent les porter vers le génie. Et pour les femmes, rien ! ou le hasard des ateliers privés. Quoi d'étonnant alors que, sauf deux ou trois exceptions, les femmes n'aient jamais fourni à l'art sérieux de personnalités considérables. Et pourquoi cette injustice envers la femme qui est prouvée mille fois plus courageuse, plus vaillante, ayant, outre la pauvreté malheureusement commune aux uns et aux autres, à lutter contre de terribles préjugés et des difficultés sans nombre, n'ayant même pas la liberté d'allures de l'homme ?
C'est à l'homme qui, par sa nature même, a toutes les facilités d'étudier, que l'on donne tous les moyens, et c'est à la femme, qui est naturellement privée de la liberté d'allures et qui a à lutter contre tout et tous, c'est à la femme qu'on refuse cet enseignement. Il y a déjà sans cela trop de femmes artistes, dira-t-on ; la femme est faite pour le foyer. Hélas ! ce n'est pas en leur ôtant le moyen de satisfaire une noble passion qu'on leur donnera l'envie de filer de la laine. » Lettre à Rodolphe Julian.

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Malgré les pressions de son entourage qui souhaiterait la voir mariée, Marie Bashkirtseff veut se consacrer à l'Art. « À vingt-deux ans, écrit-elle, je serai célèbre ou morte. » Contrainte d'arrêter le chant, sa première passion, la jeune fille se tourne alors vers le dessin et la peinture qu'elle étudie à l'Académie Julian. Ambitieuse, talentueuse, elle expose pour la première fois au Salon de 1880 et elle obtient son premier succès en 1883. Mais la maladie détruit subitement tous ses rêves et sa carrière prometteuse. Condamnée par les médecins, elle se battra néanmoins courageusement pour s'imposer comme artiste et comme femme dans un monde où les hommes ont tous les avantages.

« On a tant réclamé d'égalités et de libertés pour les femmes, et tant de gens intelligents et éclairés s'en sont moqués, que ces seuls mots de droits des femmes nous remplissent d'une mauvaise honte, et pourtant le droit ou l'égalité que nous réclamons n'ont rien à faire avec la politique et ne touchent d'aucune part ni au nihilisme, ni au socialisme, ni au bonapartisme, ni au droit de voter, ni à l'éligibilité des femmes. Toutes ces questions ont été agitées partout, on a parlé d'une quantité d'injustices plus ou moins abominables au préjudice du sexe faible, il n'y en a qu'une qu'on a laissée en repos, justement peut-être parce que c'est la plus vraie, la plus saisissante, la plus cruelle : l'absence d'une école des Beaux-Arts pour les femmes. Comment, disent les étrangers ébahis, les femmes sont admises à l'École de médecine, et l'École des beaux-arts leur est fermée ! Mais chez nous, à Saint-Pétersbourg, ou chez nous à Stockholm, les dames sont reçues à l'Académie et nous ne sommes pas la France, nous ne sommes pas Paris ! (…)
Ceux qui se moquent des talents féminins ne sauront jamais combien de dispositions sérieuses, de tempéraments réels et remarquables ont été découragés et atrophiés par une éducation vicieuse ou incomplète. L'artiste femme est tout aussi intéressante que l'artiste homme. On dira que, sauf deux ou trois exceptions, il n'y a pas eu d'exemple de femmes ayant fourni à l'art des personnalités considérables d'artistes comparables aux artistes hommes, oui, mais les hommes reçoivent dans une des plus magnifiques écoles du monde une éducation intelligente et grandiose ; pendant tout le jour ils sont entourés des beautés de l'Art, leur yeux ne reposent que sur lignes pures et couleurs éclatantes, ils respirent une atmosphère propre à ouvrir leur âme à l'inspiration et à développer les ailes de leur imagination qui doivent les porter vers le génie. Et pour les femmes, rien ! ou le hasard des ateliers privés. Quoi d'étonnant alors que, sauf deux ou trois exceptions, les femmes n'aient jamais fourni à l'art sérieux de personnalités considérables. Et pourquoi cette injustice envers la femme qui est prouvée mille fois plus courageuse, plus vaillante, ayant, outre la pauvreté malheureusement commune aux uns et aux autres, à lutter contre de terribles préjugés et des difficultés sans nombre, n'ayant même pas la liberté d'allures de l'homme ?
C'est à l'homme qui, par sa nature même, a toutes les facilités d'étudier, que l'on donne tous les moyens, et c'est à la femme, qui est naturellement privée de la liberté d'allures et qui a à lutter contre tout et tous, c'est à la femme qu'on refuse cet enseignement. Il y a déjà sans cela trop de femmes artistes, dira-t-on ; la femme est faite pour le foyer. Hélas ! ce n'est pas en leur ôtant le moyen de satisfaire une noble passion qu'on leur donnera l'envie de filer de la laine. » Lettre à Rodolphe Julian.

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