L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche

Fiction & Literature, Literary
Cover of the book L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche by Miguel de Cervantes Saavedra, GILBERT TEROL, GILBERT TEROL
View on Amazon View on AbeBooks View on Kobo View on B.Depository View on eBay View on Walmart
Author: Miguel de Cervantes Saavedra, GILBERT TEROL ISBN: 1230000221179
Publisher: GILBERT TEROL Publication: February 26, 2014
Imprint: Language: French
Author: Miguel de Cervantes Saavedra, GILBERT TEROL
ISBN: 1230000221179
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: February 26, 2014
Imprint:
Language: French

Dans une bourgade de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait, il n’y a pas longtemps, un hidalgo, de ceux qui ont lance au râtelier, rondache antique, bidet maigre et lévrier de chasse. Un pot-au-feu, plus souvent de mouton que de bœuf, une vinaigrette presque tous les soirs, des abatis de bétail[1] le samedi, le vendredi des lentilles, et le dimanche quelque pigeonneau outre l’ordinaire, consumaient les trois quarts de son revenu. Le reste se dépensait en un pourpoint de drap fin et des chausses de panne avec leurs pantoufles de même étoffe, pour les jours de fête, et un habit de la meilleure serge du pays, dont il se faisait honneur les jours de la semaine. Il avait chez lui une gouvernante qui passait les quarante ans, une nièce qui n’atteignait pas les vingt, et de plus un garçon de ville et de campagne, qui sellait le bidet aussi bien qu’il maniait la serpette. L’âge de notre hidalgo frisait la cinquantaine ; il était de complexion robuste, maigre de corps, sec de visage, fort matineux et grand ami de la chasse. On a dit qu’il avait le surnom de Quixada ou Quesada, car il y a sur ce point quelque divergence entre les auteurs qui en ont écrit, bien que les conjectures les plus vraisemblables fassent entendre qu’il s’appelait Quijana. Mais cela importe peu à notre histoire ; il suffit que, dans le récit des faits, on ne s’écarte pas d’un atome de la vérité.

Or, il faut savoir que cet hidalgo, dans les moments où il restait oisif, c’est-à-dire à peu près toute l’année, s’adonnait à lire des livres de chevalerie, avec tant de goût et de plaisir, qu’il en oublia presque entièrement l’exercice de la chasse et même l’administration de son bien. Sa curiosité et son extravagance arrivèrent à ce point qu’il vendit plusieurs arpents de bonnes terres à labourer pour acheter des livres de chevalerie à lire. Aussi en amassa-t-il dans sa maison autant qu’il put s’en procurer. Mais, de tous ces livres, nul ne lui paraissait aussi parfait que ceux composés par le fameux Feliciano de Silva[2]. En effet, l’extrême clarté de sa prose le ravissait, et ses propos si bien entortillés lui semblaient d’or ; surtout quand il venait à lire ces lettres de galanterie et de défi, où il trouvait écrit en plus d’un endroit : La raison de la déraison qu’à ma raison vous faites, affaiblit tellement ma raison, qu’avec raison je me plains de votre beauté ; et de même quand il lisait : Les hauts cieux qui de votre divinité divinement par le secours des étoiles vous fortifient, et vous font méritante des mérites que mérite votre grandeur.

 

View on Amazon View on AbeBooks View on Kobo View on B.Depository View on eBay View on Walmart

Dans une bourgade de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait, il n’y a pas longtemps, un hidalgo, de ceux qui ont lance au râtelier, rondache antique, bidet maigre et lévrier de chasse. Un pot-au-feu, plus souvent de mouton que de bœuf, une vinaigrette presque tous les soirs, des abatis de bétail[1] le samedi, le vendredi des lentilles, et le dimanche quelque pigeonneau outre l’ordinaire, consumaient les trois quarts de son revenu. Le reste se dépensait en un pourpoint de drap fin et des chausses de panne avec leurs pantoufles de même étoffe, pour les jours de fête, et un habit de la meilleure serge du pays, dont il se faisait honneur les jours de la semaine. Il avait chez lui une gouvernante qui passait les quarante ans, une nièce qui n’atteignait pas les vingt, et de plus un garçon de ville et de campagne, qui sellait le bidet aussi bien qu’il maniait la serpette. L’âge de notre hidalgo frisait la cinquantaine ; il était de complexion robuste, maigre de corps, sec de visage, fort matineux et grand ami de la chasse. On a dit qu’il avait le surnom de Quixada ou Quesada, car il y a sur ce point quelque divergence entre les auteurs qui en ont écrit, bien que les conjectures les plus vraisemblables fassent entendre qu’il s’appelait Quijana. Mais cela importe peu à notre histoire ; il suffit que, dans le récit des faits, on ne s’écarte pas d’un atome de la vérité.

Or, il faut savoir que cet hidalgo, dans les moments où il restait oisif, c’est-à-dire à peu près toute l’année, s’adonnait à lire des livres de chevalerie, avec tant de goût et de plaisir, qu’il en oublia presque entièrement l’exercice de la chasse et même l’administration de son bien. Sa curiosité et son extravagance arrivèrent à ce point qu’il vendit plusieurs arpents de bonnes terres à labourer pour acheter des livres de chevalerie à lire. Aussi en amassa-t-il dans sa maison autant qu’il put s’en procurer. Mais, de tous ces livres, nul ne lui paraissait aussi parfait que ceux composés par le fameux Feliciano de Silva[2]. En effet, l’extrême clarté de sa prose le ravissait, et ses propos si bien entortillés lui semblaient d’or ; surtout quand il venait à lire ces lettres de galanterie et de défi, où il trouvait écrit en plus d’un endroit : La raison de la déraison qu’à ma raison vous faites, affaiblit tellement ma raison, qu’avec raison je me plains de votre beauté ; et de même quand il lisait : Les hauts cieux qui de votre divinité divinement par le secours des étoiles vous fortifient, et vous font méritante des mérites que mérite votre grandeur.

 

More books from GILBERT TEROL

Cover of the book Les Mystères de Londres Tome I - II -III et IV Annoté by Miguel de Cervantes Saavedra, GILBERT TEROL
Cover of the book L’Empire chinois by Miguel de Cervantes Saavedra, GILBERT TEROL
Cover of the book Les Catacombes by Miguel de Cervantes Saavedra, GILBERT TEROL
Cover of the book Martin, l’enfant trouvé Tome de I à IV by Miguel de Cervantes Saavedra, GILBERT TEROL
Cover of the book Histoire socialiste de la France contemporaine Tome IV by Miguel de Cervantes Saavedra, GILBERT TEROL
Cover of the book JEAN QUI GROGNE, JEAN QUI RIT by Miguel de Cervantes Saavedra, GILBERT TEROL
Cover of the book L'ODYSSEE by Miguel de Cervantes Saavedra, GILBERT TEROL
Cover of the book Peveril du Pic by Miguel de Cervantes Saavedra, GILBERT TEROL
Cover of the book DISCOUR PRONONCE A L'INAUGURATION by Miguel de Cervantes Saavedra, GILBERT TEROL
Cover of the book Arria Marcella by Miguel de Cervantes Saavedra, GILBERT TEROL
Cover of the book La Fin de notre ère by Miguel de Cervantes Saavedra, GILBERT TEROL
Cover of the book LES SAINTES COLERES by Miguel de Cervantes Saavedra, GILBERT TEROL
Cover of the book BOUVARD ET PERUCHET by Miguel de Cervantes Saavedra, GILBERT TEROL
Cover of the book Les Deux Frères by Miguel de Cervantes Saavedra, GILBERT TEROL
Cover of the book Les Pauvres Gens by Miguel de Cervantes Saavedra, GILBERT TEROL
We use our own "cookies" and third party cookies to improve services and to see statistical information. By using this website, you agree to our Privacy Policy