Méditations poétiques - La Mort de Socrate

Fiction & Literature, Poetry, Continental European
Cover of the book Méditations poétiques - La Mort de Socrate by Alphonse de Lamartine, Alphonse de Lamartine
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Author: Alphonse de Lamartine ISBN: 1230000221735
Publisher: Alphonse de Lamartine Publication: February 28, 2014
Imprint: Language: French
Author: Alphonse de Lamartine
ISBN: 1230000221735
Publisher: Alphonse de Lamartine
Publication: February 28, 2014
Imprint:
Language: French

EXTRAIT:

PRÉFACE.

L'homme se plaît à remonter à sa source; le fleuve n'y remonte pas. C'est que

l'homme est une intelligence et que le fleuve est un élément. Le passé, le

présent, l'avenir, ne sont qu'un pour Dieu. L'homme est Dieu par la pensée. Il

voit, il sent, il vit à tous les points de son existence à la fois. Il se

contemple lui-même, il se comprend, il se possède, il se ressuscite et il se

juge dans les années qu'il a déjà vécu. En un mot, il revit tant qu'il lui plaît

de revivre par ses souvenirs. C'est souffrance quelquefois, mais c'est sa

grandeur. Revivons donc un moment, et voyons comment je naquis avec une parcelle

de ce qu'on appelle poésie dans ma nature, et comment cette parcelle de feu

divin s'alluma en moi à mon insu, jeta quelques fugitives lueurs dans ma

jeunesse, et s'évapora plus tard dans les grands vents de mon équinoxe et dans

la fumée de ma vie.

J'étais né impressionnable et sensible. Ces deux qualités sont les deux premiers

éléments de toute poésie. Les choses extérieures à peine aperçues laissaient une

vive et profonde empreinte en moi; et, quand elles avaient disparu de mes yeux,

elles se répercutaient et se conservaient présentes dans ce qu'on nomme

l'imagination, c'est-à-dire la mémoire, qui revoit et qui repeint en nous. Mais,

de plus, ces images ainsi revues et repeintes se transformaient promptement en

sentiment. Mon âme animait ces images, mon coeur se mêlait à ces impressions.

J'aimais et j'incorporais en moi ce qui m'avait frappé. J'étais une glace

vivante qu'aucune poussière de ce monde n'avait encore ternie, et qui

réverbérait l'oeuvre de Dieu! De là à chanter ce cantique intérieur qui s'élève

en nous il n'y avait pas loin. Il ne me manquait que la voix; cette voix que je

cherchais et qui balbutiais sur mes lèvres d'enfant, c'était la poésie. Voici

les plus lointaines traces que je retrouve, au fond de mes souvenirs presque

effacés, des premières révélations du sentiment poétique qui allait me saisir à

mon insu, et me faire à mon tour chanter des vers au bord de mon nid, comme

l'oiseau.

J'avais dix ans; nous vivions à la campagne. Les soirées d'hiver étaient

longues; la lecture en abrégeait les heures. Pendant que notre mère berçait du

pied une de mes petites soeurs dans son berceau, et qu'elle allaitait l'autre

sur un long canapé d'Utrecht rouge et râpé, à l'angle du salon, mon père lisait.

Moi je jouais à terre à ses pieds avec des morceaux de sureau que le jardinier

avait coupés pour moi dans le jardin; je faisais sortir la moelle du bois à

l'aide d'une baguette de fusil. J'y creusais des trous à distances égales, j'en

refermais aux deux extrémités l'orifice, et j'en taillais ainsi des flûtes que

j'allais essayer le lendemain avec mes camarades les enfants du village, et qui

résonnaient mélodieusement au printemps sous les saules, au bord du ruisseau,

dans les prés.

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EXTRAIT:

PRÉFACE.

L'homme se plaît à remonter à sa source; le fleuve n'y remonte pas. C'est que

l'homme est une intelligence et que le fleuve est un élément. Le passé, le

présent, l'avenir, ne sont qu'un pour Dieu. L'homme est Dieu par la pensée. Il

voit, il sent, il vit à tous les points de son existence à la fois. Il se

contemple lui-même, il se comprend, il se possède, il se ressuscite et il se

juge dans les années qu'il a déjà vécu. En un mot, il revit tant qu'il lui plaît

de revivre par ses souvenirs. C'est souffrance quelquefois, mais c'est sa

grandeur. Revivons donc un moment, et voyons comment je naquis avec une parcelle

de ce qu'on appelle poésie dans ma nature, et comment cette parcelle de feu

divin s'alluma en moi à mon insu, jeta quelques fugitives lueurs dans ma

jeunesse, et s'évapora plus tard dans les grands vents de mon équinoxe et dans

la fumée de ma vie.

J'étais né impressionnable et sensible. Ces deux qualités sont les deux premiers

éléments de toute poésie. Les choses extérieures à peine aperçues laissaient une

vive et profonde empreinte en moi; et, quand elles avaient disparu de mes yeux,

elles se répercutaient et se conservaient présentes dans ce qu'on nomme

l'imagination, c'est-à-dire la mémoire, qui revoit et qui repeint en nous. Mais,

de plus, ces images ainsi revues et repeintes se transformaient promptement en

sentiment. Mon âme animait ces images, mon coeur se mêlait à ces impressions.

J'aimais et j'incorporais en moi ce qui m'avait frappé. J'étais une glace

vivante qu'aucune poussière de ce monde n'avait encore ternie, et qui

réverbérait l'oeuvre de Dieu! De là à chanter ce cantique intérieur qui s'élève

en nous il n'y avait pas loin. Il ne me manquait que la voix; cette voix que je

cherchais et qui balbutiais sur mes lèvres d'enfant, c'était la poésie. Voici

les plus lointaines traces que je retrouve, au fond de mes souvenirs presque

effacés, des premières révélations du sentiment poétique qui allait me saisir à

mon insu, et me faire à mon tour chanter des vers au bord de mon nid, comme

l'oiseau.

J'avais dix ans; nous vivions à la campagne. Les soirées d'hiver étaient

longues; la lecture en abrégeait les heures. Pendant que notre mère berçait du

pied une de mes petites soeurs dans son berceau, et qu'elle allaitait l'autre

sur un long canapé d'Utrecht rouge et râpé, à l'angle du salon, mon père lisait.

Moi je jouais à terre à ses pieds avec des morceaux de sureau que le jardinier

avait coupés pour moi dans le jardin; je faisais sortir la moelle du bois à

l'aide d'une baguette de fusil. J'y creusais des trous à distances égales, j'en

refermais aux deux extrémités l'orifice, et j'en taillais ainsi des flûtes que

j'allais essayer le lendemain avec mes camarades les enfants du village, et qui

résonnaient mélodieusement au printemps sous les saules, au bord du ruisseau,

dans les prés.

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