Author: | Anonyme | ISBN: | 1230003022207 |
Publisher: | Londres, 1778 | Publication: | January 7, 2019 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Anonyme |
ISBN: | 1230003022207 |
Publisher: | Londres, 1778 |
Publication: | January 7, 2019 |
Imprint: | |
Language: | French |
Ces Mémoires n’auroient jamais vu le jour, ſi j’avois pu réſiſter aux inſtances d’une perſonne à qui j’ai les plus grandes obligations & avec qui je paſſe une vie paiſible & agréable. Que dis-je ? Vous n’auriez jamais connu, mon cher Comte, le dépôt que m’a confié mon amie, ſi vos bontés pour moi & vos procédés généreux n’avoient excité ma confiance. Dès que je vous les eus communiqués, vous me fîtes voir ſi clairement combien ils pouvoient être utiles aux jeunes perſonnes, qui ne ſont jamais aſſez en garde contre les ſéductions des hommes, pour réſiſter à tous les piéges qu’ils leur tendent, que je me déterminai enfin à les rendre publics : mais il eſt bon de vous inſtruire, cher Lecteur, comment ces Mémoires ſont tombés entre mes mains.
Ce fut au moment où Suzon partoit pour ce lieu affreux, dont la vue ſeule effraie les paſſans, où l’œil ne voit qu’horreur, où les cris perçans des malheureuſes victimes qu’il renferme dans ſon ſein, déchirent les entrailles des perſonnes les moins ſenſibles, que je reçus ce cher dépôt.
Tiens, me dit mon amie que de cruels ſatellites arrachoient de mes bras & de ceux de ſon frere Saturnin, reçois ce gage précieux de mon amitié… Les malheurs de Suzon ne devoient finir qu’avec ſa vie… Plût à Dieu que ce dernier malheur termine ma carriere… Sa douleur, ſa beauté dont rien n’avoit pu, pour ainſi dire, ternir l’éclat, auroient adouci les tigres les plus furieux : mais que des ſatellites, en exécutant les ordres dont ils ſont chargés, aient jamais témoigné la moindre compaſſion, ce phénomene ſurprendroit avec raiſon. Ces monſtres ne pourroient jamais faire leur cruel métier, ſi en endoſſant l’habit qu’ils portent, ils ne ſe dépouilloient de tout ſentiment d’humanité. Dans la crainte qu’ils ne ſoient pas capables au beſoin d’exercer les plus grandes cruautés, leurs chefs n’emploient que des hommes qui ſe ſont la plupart ſignalés par des forfaits. Mais revenons à ma chere Suzon. Cette tendre amie étoit déjà loin de moi, & il me ſembloit encore que je la voyois me tendre les bras ; mes cris, mes ſanglots ſe faiſoient entendre juſques dans la rue, où le peuple attroupé inſultoit encore au malheur de mon amie. Je voulois fuir de ce lieu d’horreur ; mais les forces me manquerent. Je ſentis mes jambes chanceler ſous moi, bientôt une ſueur froide me couvrit tout le corps. Enfin, je tombai ſans connoiſſance ſur le plancher. La quantité de monde qui étoit dans notre rue excita la curioſité du Comte de C***** qui paſſoit par hazard dans ce moment : il s’informa de ce qui étoit arrivé, déſirant de ſavoir d’où partoient les cris qu’on lui dit avoir entendus, il ſe fit jour au travers de la foule & parvint juſques dans ma chambre. J’étois alors entourée de cinq ou ſix femmes qui employoient tous les ſecours que leur imagination pouvoit leur ſuggérer, pour me tirer de l’état où j’étois...........
Ces Mémoires n’auroient jamais vu le jour, ſi j’avois pu réſiſter aux inſtances d’une perſonne à qui j’ai les plus grandes obligations & avec qui je paſſe une vie paiſible & agréable. Que dis-je ? Vous n’auriez jamais connu, mon cher Comte, le dépôt que m’a confié mon amie, ſi vos bontés pour moi & vos procédés généreux n’avoient excité ma confiance. Dès que je vous les eus communiqués, vous me fîtes voir ſi clairement combien ils pouvoient être utiles aux jeunes perſonnes, qui ne ſont jamais aſſez en garde contre les ſéductions des hommes, pour réſiſter à tous les piéges qu’ils leur tendent, que je me déterminai enfin à les rendre publics : mais il eſt bon de vous inſtruire, cher Lecteur, comment ces Mémoires ſont tombés entre mes mains.
Ce fut au moment où Suzon partoit pour ce lieu affreux, dont la vue ſeule effraie les paſſans, où l’œil ne voit qu’horreur, où les cris perçans des malheureuſes victimes qu’il renferme dans ſon ſein, déchirent les entrailles des perſonnes les moins ſenſibles, que je reçus ce cher dépôt.
Tiens, me dit mon amie que de cruels ſatellites arrachoient de mes bras & de ceux de ſon frere Saturnin, reçois ce gage précieux de mon amitié… Les malheurs de Suzon ne devoient finir qu’avec ſa vie… Plût à Dieu que ce dernier malheur termine ma carriere… Sa douleur, ſa beauté dont rien n’avoit pu, pour ainſi dire, ternir l’éclat, auroient adouci les tigres les plus furieux : mais que des ſatellites, en exécutant les ordres dont ils ſont chargés, aient jamais témoigné la moindre compaſſion, ce phénomene ſurprendroit avec raiſon. Ces monſtres ne pourroient jamais faire leur cruel métier, ſi en endoſſant l’habit qu’ils portent, ils ne ſe dépouilloient de tout ſentiment d’humanité. Dans la crainte qu’ils ne ſoient pas capables au beſoin d’exercer les plus grandes cruautés, leurs chefs n’emploient que des hommes qui ſe ſont la plupart ſignalés par des forfaits. Mais revenons à ma chere Suzon. Cette tendre amie étoit déjà loin de moi, & il me ſembloit encore que je la voyois me tendre les bras ; mes cris, mes ſanglots ſe faiſoient entendre juſques dans la rue, où le peuple attroupé inſultoit encore au malheur de mon amie. Je voulois fuir de ce lieu d’horreur ; mais les forces me manquerent. Je ſentis mes jambes chanceler ſous moi, bientôt une ſueur froide me couvrit tout le corps. Enfin, je tombai ſans connoiſſance ſur le plancher. La quantité de monde qui étoit dans notre rue excita la curioſité du Comte de C***** qui paſſoit par hazard dans ce moment : il s’informa de ce qui étoit arrivé, déſirant de ſavoir d’où partoient les cris qu’on lui dit avoir entendus, il ſe fit jour au travers de la foule & parvint juſques dans ma chambre. J’étois alors entourée de cinq ou ſix femmes qui employoient tous les ſecours que leur imagination pouvoit leur ſuggérer, pour me tirer de l’état où j’étois...........