Author: | Jeanne Louise Henriette Campan | ISBN: | 1230000987684 |
Publisher: | RG | Publication: | March 10, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Jeanne Louise Henriette Campan |
ISBN: | 1230000987684 |
Publisher: | RG |
Publication: | March 10, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
Extrait :
Marie-Antoinette n’eut donc d’influence directe sur les affaires d’État, qu’après la mort de M. de Maurepas, celle de M. de Vergennes, et la retraite de M. de Calonne. Elle s’affligeait souvent de sa position nouvelle, et la regardait comme un malheur qu’elle n’avait pu éviter. Un jour que je l’aidais à serrer des mémoires et des rapports que des ministres l’avaient chargée de remettre au roi, elle me dit en soupirant : « Ah ! il n’y a plus de bonheur pour moi depuis qu’ils m’ont fait intrigante. » Je me récriai sur ce mot. « Oui, reprit la reine, c’est bien le mot propre ; toute femme qui se mêle d’affaires au-dessus de ses connaissances, et hors des bornes de son devoir, n’est qu’une intrigante ; vous vous souviendrez au moins que je ne me gâte pas, et que c’est avec regret que je me donne moi-même un pareil titre. Les reines de France ne sont heureuses qu’en ne se mêlant de rien, et en conservant un crédit suffisant pour faire la fortune de leurs amis, et le sort de quelques serviteurs zélés. » ajouta cette excellente princesse, que sa conduite plaçait malgré elle, en contradiction avec ses principes, « savez-vous ce qui m’est arrivé dernièrement ? Depuis que je vais à des comités particuliers chez le roi, j’ai entendu, pendant que je traversais l’œil-de-bœuf, un des musiciens de la chapelle, dire assez haut pour que je n’en aie pas perdu une seule parole : Une reine qui fait son devoir reste dans ses appartements à faire du filet. J’ai dit en moi-même : « Malheureux, tu as raison, mais tu ne connais pas ma position ; je cède à la nécessité et à ma mauvaise destinée. » Cette position était d’autant plus pénible, que Louis XVI avait contracté la longue habitude de ne lui rien communiquer des affaires d’état, et que, lorsqu’elle fut forcée, vers les derniers temps de son règne, de se mêler des choses les plus importantes, cette habitude du roi venait souvent lui dérober la connaissance des particularités qu’il lui eût été nécessaire de savoir. N’obtenant que des lumières insuffisantes, guidée par des gens plus ambitieux que capables, la reine ne pouvait être utile à la marche des affaires ; et s’en mêler ostensiblement lui attirait, de la part de tous les partis et de toutes les classes de la société, une défaveur dont la progression était alarmante pour tous les gens qui lui étaient sincèrement attachés.
Extrait :
Marie-Antoinette n’eut donc d’influence directe sur les affaires d’État, qu’après la mort de M. de Maurepas, celle de M. de Vergennes, et la retraite de M. de Calonne. Elle s’affligeait souvent de sa position nouvelle, et la regardait comme un malheur qu’elle n’avait pu éviter. Un jour que je l’aidais à serrer des mémoires et des rapports que des ministres l’avaient chargée de remettre au roi, elle me dit en soupirant : « Ah ! il n’y a plus de bonheur pour moi depuis qu’ils m’ont fait intrigante. » Je me récriai sur ce mot. « Oui, reprit la reine, c’est bien le mot propre ; toute femme qui se mêle d’affaires au-dessus de ses connaissances, et hors des bornes de son devoir, n’est qu’une intrigante ; vous vous souviendrez au moins que je ne me gâte pas, et que c’est avec regret que je me donne moi-même un pareil titre. Les reines de France ne sont heureuses qu’en ne se mêlant de rien, et en conservant un crédit suffisant pour faire la fortune de leurs amis, et le sort de quelques serviteurs zélés. » ajouta cette excellente princesse, que sa conduite plaçait malgré elle, en contradiction avec ses principes, « savez-vous ce qui m’est arrivé dernièrement ? Depuis que je vais à des comités particuliers chez le roi, j’ai entendu, pendant que je traversais l’œil-de-bœuf, un des musiciens de la chapelle, dire assez haut pour que je n’en aie pas perdu une seule parole : Une reine qui fait son devoir reste dans ses appartements à faire du filet. J’ai dit en moi-même : « Malheureux, tu as raison, mais tu ne connais pas ma position ; je cède à la nécessité et à ma mauvaise destinée. » Cette position était d’autant plus pénible, que Louis XVI avait contracté la longue habitude de ne lui rien communiquer des affaires d’état, et que, lorsqu’elle fut forcée, vers les derniers temps de son règne, de se mêler des choses les plus importantes, cette habitude du roi venait souvent lui dérober la connaissance des particularités qu’il lui eût été nécessaire de savoir. N’obtenant que des lumières insuffisantes, guidée par des gens plus ambitieux que capables, la reine ne pouvait être utile à la marche des affaires ; et s’en mêler ostensiblement lui attirait, de la part de tous les partis et de toutes les classes de la société, une défaveur dont la progression était alarmante pour tous les gens qui lui étaient sincèrement attachés.