Author: | Jules Verne | ISBN: | 1230000243668 |
Publisher: | Go&Co | Publication: | May 31, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Jules Verne |
ISBN: | 1230000243668 |
Publisher: | Go&Co |
Publication: | May 31, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
Trieste, 1867 : deux drôles affamés, Sarcany et Zirone, interceptent un message chiffré sur le pigeon voyageur qu'ils s'apprêtent à dévorer, découvrant un complot pour libérer la Hongrie du joug autrichien. Ils s'acoquinent avec le banquier véreux Silas Toronthal pour livrer les conspirateurs à la police moyennant récompense
Extrait
Trieste, la capitale de l’Illyrie, se divise en deux villes très dissemblables : une ville neuve et riche, Theresienstadt, correctement bâtie au bord de cette baie sur laquelle l’homme a conquis son sous-sol ; une ville vieille et pauvre irrégulièrement construite, resserrée entre le Corso, qui la sépare de la première, et les pentes de la colline du Karst, dont le sommet est couronné par une citadelle d’aspect pittoresque.
Le port de Trieste est couvert par le môle de San-Carlo, près duquel mouillent de préférence les navires du commerce. Là se forment volontiers, et, parfois, en nombre inquiétant, des groupes de ces bohèmes, sans feu ni lieu, dont les habits, pantalons, gilets ou vestes, pourraient se passer de poches, car leurs propriétaires n’ont jamais rien eu, et vraisemblablement n’auront jamais rien à y mettre.
Cependant, ce jour-là, 18 mai 1867, peut-être eût-on remarqué, au milieu de ces nomades, deux personnages un peu mieux vêtus. Qu’ils dussent jamais être embarrassés de florins ou de kreutzers, c’était peu probable, à moins que la chance ne tournât en leur faveur. Ils étaient gens, il est vrai, à tout faire pour lui imprimer un tour favorable.
L’un s’appelait Sarcany et se disait Tripolitain. L’autre, Sicilien, se nommait Zirone. Tous deux, après l’avoir parcouru pour la dixième fois, venaient de s’arrêter à l’extrémité du môle. De là, ils regardaient l’horizon de mer, à l’ouest du golfe de Trieste, comme s’il eût dû apparaître au large un navire qui portât leur fortune !
« Quelle heure est-il ? » demanda Zirone, dans cette langue italienne, que son compagnon parlait aussi couramment que les autres idiomes de la Méditerranée.
Sarcany ne répondit pas.
« Eh ! suis-je assez sot ! s’écria le Sicilien. N’est-il pas l’heure à laquelle on a faim, quand on a oublié de déjeuner ! »
Les éléments autrichiens, italiens, slaves, sont tellement mélangés dans cette portion du royaume austro-hongrois, que la réunion de ces deux personnages, bien qu’ils fussent évidemment étrangers à la ville, n’était point pour attirer l’attention. Au surplus, si leurs poches devaient être vides, personne n’eût pu le deviner, tant ils se pavanaient sous la cape brune qui leur tombait jusqu’aux bottes.
Trieste, 1867 : deux drôles affamés, Sarcany et Zirone, interceptent un message chiffré sur le pigeon voyageur qu'ils s'apprêtent à dévorer, découvrant un complot pour libérer la Hongrie du joug autrichien. Ils s'acoquinent avec le banquier véreux Silas Toronthal pour livrer les conspirateurs à la police moyennant récompense
Extrait
Trieste, la capitale de l’Illyrie, se divise en deux villes très dissemblables : une ville neuve et riche, Theresienstadt, correctement bâtie au bord de cette baie sur laquelle l’homme a conquis son sous-sol ; une ville vieille et pauvre irrégulièrement construite, resserrée entre le Corso, qui la sépare de la première, et les pentes de la colline du Karst, dont le sommet est couronné par une citadelle d’aspect pittoresque.
Le port de Trieste est couvert par le môle de San-Carlo, près duquel mouillent de préférence les navires du commerce. Là se forment volontiers, et, parfois, en nombre inquiétant, des groupes de ces bohèmes, sans feu ni lieu, dont les habits, pantalons, gilets ou vestes, pourraient se passer de poches, car leurs propriétaires n’ont jamais rien eu, et vraisemblablement n’auront jamais rien à y mettre.
Cependant, ce jour-là, 18 mai 1867, peut-être eût-on remarqué, au milieu de ces nomades, deux personnages un peu mieux vêtus. Qu’ils dussent jamais être embarrassés de florins ou de kreutzers, c’était peu probable, à moins que la chance ne tournât en leur faveur. Ils étaient gens, il est vrai, à tout faire pour lui imprimer un tour favorable.
L’un s’appelait Sarcany et se disait Tripolitain. L’autre, Sicilien, se nommait Zirone. Tous deux, après l’avoir parcouru pour la dixième fois, venaient de s’arrêter à l’extrémité du môle. De là, ils regardaient l’horizon de mer, à l’ouest du golfe de Trieste, comme s’il eût dû apparaître au large un navire qui portât leur fortune !
« Quelle heure est-il ? » demanda Zirone, dans cette langue italienne, que son compagnon parlait aussi couramment que les autres idiomes de la Méditerranée.
Sarcany ne répondit pas.
« Eh ! suis-je assez sot ! s’écria le Sicilien. N’est-il pas l’heure à laquelle on a faim, quand on a oublié de déjeuner ! »
Les éléments autrichiens, italiens, slaves, sont tellement mélangés dans cette portion du royaume austro-hongrois, que la réunion de ces deux personnages, bien qu’ils fussent évidemment étrangers à la ville, n’était point pour attirer l’attention. Au surplus, si leurs poches devaient être vides, personne n’eût pu le deviner, tant ils se pavanaient sous la cape brune qui leur tombait jusqu’aux bottes.