Author: | Pétrone, Charles Héguin de Guerle | ISBN: | 1230000260815 |
Publisher: | MB | Publication: | August 16, 2014 |
Imprint: | Language: | English |
Author: | Pétrone, Charles Héguin de Guerle |
ISBN: | 1230000260815 |
Publisher: | MB |
Publication: | August 16, 2014 |
Imprint: | |
Language: | English |
II y a bien longtemps que je vous promets le récit de mes aventures ; je veux tenir aujourd’hui ma parole. Puisque nous voici réunis, moins pour nous livrer à des dissertations savantes, que pour ranimer par des contes plaisants la gaieté de nos entretiens, profitons, mes amis, de l’heureuse occasion qui nous rassemble. Fabricius Véjento vient de vous entretenir, en homme d’esprit, des impostures sacerdotales. Il vous a peint les prêtres préparant à loisir leurs fureurs prophétiques, ou commentant avec impudence des mystères qu’ils ne comprennent point. Mais est-elle moins plaisante, la manie des déclamateurs ? Entendez-les s’écrier : — Ces blessures honorables, c’est pour la liberté que je les ai reçues ! Cet œil qui me manque, c’est pour vous que je l’ai perdu ! Qui me donnera un guide pour me conduire vers mes enfants ? mes genoux cicatrisés fléchissent sous le poids de mon corps ! — Tant d’emphase serait supportable, si elle ouvrait à leurs élèves la route de l’éloquence ; mais cette enflure de style, ce jargon sentencieux, à quoi servent-ils ? Les jeunes gens, lorsqu’ils débutent au barreau, se croient transportés dans un nouveau monde. Ce qui fait de nos écoliers autant de maîtres sots, c’est que tout ce qu’ils voient et entendent dans les écoles ne leur offre aucune image de la société. Sans cesse on y rebat leurs oreilles de pirates en embuscade sur le rivage et préparant des chaînes à leurs captifs ; de tyrans dont les barbares arrêts condamnent des fils à décapiter leurs propres pères ; d’oracles dévouant à la mort trois jeunes vierges, et quelquefois plus, pour le salut des villes dépeuplées par la peste. C’est un déluge de périodes mielleuses agréablement arrondies : actions et discours, tout est saupoudré de sésame et de pavot...
II y a bien longtemps que je vous promets le récit de mes aventures ; je veux tenir aujourd’hui ma parole. Puisque nous voici réunis, moins pour nous livrer à des dissertations savantes, que pour ranimer par des contes plaisants la gaieté de nos entretiens, profitons, mes amis, de l’heureuse occasion qui nous rassemble. Fabricius Véjento vient de vous entretenir, en homme d’esprit, des impostures sacerdotales. Il vous a peint les prêtres préparant à loisir leurs fureurs prophétiques, ou commentant avec impudence des mystères qu’ils ne comprennent point. Mais est-elle moins plaisante, la manie des déclamateurs ? Entendez-les s’écrier : — Ces blessures honorables, c’est pour la liberté que je les ai reçues ! Cet œil qui me manque, c’est pour vous que je l’ai perdu ! Qui me donnera un guide pour me conduire vers mes enfants ? mes genoux cicatrisés fléchissent sous le poids de mon corps ! — Tant d’emphase serait supportable, si elle ouvrait à leurs élèves la route de l’éloquence ; mais cette enflure de style, ce jargon sentencieux, à quoi servent-ils ? Les jeunes gens, lorsqu’ils débutent au barreau, se croient transportés dans un nouveau monde. Ce qui fait de nos écoliers autant de maîtres sots, c’est que tout ce qu’ils voient et entendent dans les écoles ne leur offre aucune image de la société. Sans cesse on y rebat leurs oreilles de pirates en embuscade sur le rivage et préparant des chaînes à leurs captifs ; de tyrans dont les barbares arrêts condamnent des fils à décapiter leurs propres pères ; d’oracles dévouant à la mort trois jeunes vierges, et quelquefois plus, pour le salut des villes dépeuplées par la peste. C’est un déluge de périodes mielleuses agréablement arrondies : actions et discours, tout est saupoudré de sésame et de pavot...