Author: | Fiodor Dostoievski | ISBN: | 1230000700924 |
Publisher: | pb | Publication: | October 4, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Fiodor Dostoievski |
ISBN: | 1230000700924 |
Publisher: | pb |
Publication: | October 4, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
Comme je l’ai dit plus haut, parmi eux se trouvaient des hommes au
caractère de fer, endurcis et intrépides, habitués à se commander. Ceuxlà,
on les estimait involontairement ; bien qu’ils fussent fort jaloux de leur
renommée, ils s’efforçaient de n’obséder personne, et ne s’insultaient jamais
sans motif ; leur conduite était en tous points pleine de dignité ; ils
étaient raisonnables et presque toujours obéissants, non par principe ou
par conscience de leurs devoirs, mais comme par une convention mutuelle
entre eux et l’administration, convention dont ils reconnaissaient
tous les avantages. On agissait du reste prudemment avec eux. Je me rappelle
qu’un détenu, intrépide et résolu, connu pour ses penchants de bête
fauve, fut appelé un jour pour être foue?é. C’était pendant l’été ; on ne
travaillait pas. L’adjudant, chef direct et immédiat de la maison de force,
était arrivé au corps de garde, qui se trouvait à côté de la grande porte,
pour assister à la punition. (Ce major était un être fatal pour les détenus,
qu’il avait réduits à trembler devant lui. Sévère à en devenir insensé, il
se « jetait » sur eux, disaient-ils ; mais c’était surtout son regard, aussi
pénétrant que celui du lynx, que l’on craignait. Il était impossible de rien
lui dissimuler. Il voyait, pour ainsi dire, sans même regarder. En entrant
dans la prison, il savait déjà ce qui se faisait à l’autre bout de l’enceinte ;
aussi les forçats l’appelaient-ils « l’homme aux huit yeux ». Son système
était mauvais, car il ne parvenait qu’à irriter des gens déjà irascibles ; sans
le commandant, homme bien élevé et raisonnable, qui modérait les sorties
sauvages du major, celui-ci aurait causé de grands malheurs par sa
mauvaise administration. Je ne comprends pas comment il put prendre
sa retraite sain et sauf ; il est vrai qu’il qui?a le service après qu’il eut été
mis en jugement.)
Comme je l’ai dit plus haut, parmi eux se trouvaient des hommes au
caractère de fer, endurcis et intrépides, habitués à se commander. Ceuxlà,
on les estimait involontairement ; bien qu’ils fussent fort jaloux de leur
renommée, ils s’efforçaient de n’obséder personne, et ne s’insultaient jamais
sans motif ; leur conduite était en tous points pleine de dignité ; ils
étaient raisonnables et presque toujours obéissants, non par principe ou
par conscience de leurs devoirs, mais comme par une convention mutuelle
entre eux et l’administration, convention dont ils reconnaissaient
tous les avantages. On agissait du reste prudemment avec eux. Je me rappelle
qu’un détenu, intrépide et résolu, connu pour ses penchants de bête
fauve, fut appelé un jour pour être foue?é. C’était pendant l’été ; on ne
travaillait pas. L’adjudant, chef direct et immédiat de la maison de force,
était arrivé au corps de garde, qui se trouvait à côté de la grande porte,
pour assister à la punition. (Ce major était un être fatal pour les détenus,
qu’il avait réduits à trembler devant lui. Sévère à en devenir insensé, il
se « jetait » sur eux, disaient-ils ; mais c’était surtout son regard, aussi
pénétrant que celui du lynx, que l’on craignait. Il était impossible de rien
lui dissimuler. Il voyait, pour ainsi dire, sans même regarder. En entrant
dans la prison, il savait déjà ce qui se faisait à l’autre bout de l’enceinte ;
aussi les forçats l’appelaient-ils « l’homme aux huit yeux ». Son système
était mauvais, car il ne parvenait qu’à irriter des gens déjà irascibles ; sans
le commandant, homme bien élevé et raisonnable, qui modérait les sorties
sauvages du major, celui-ci aurait causé de grands malheurs par sa
mauvaise administration. Je ne comprends pas comment il put prendre
sa retraite sain et sauf ; il est vrai qu’il qui?a le service après qu’il eut été
mis en jugement.)