Author: | Théophile Gautier | ISBN: | 1230000227142 |
Publisher: | GO | Publication: | March 21, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Théophile Gautier |
ISBN: | 1230000227142 |
Publisher: | GO |
Publication: | March 21, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
Depuis bien longtemps l’on se récrie sur l’inutilité des préfaces, — et pourtant l’on fait toujours des préfaces. Il est bien convenu que les lecteurs (pluriel ambitieux) les passent avec soin, ce qui paraîtrait une raison valable de n’en pas écrire ; mais cependant que diriez-vous de quelqu’un qui vous arrêterait au coin d’une rue et, sans vous saluer préalablement, s’accrocherait au bouton de votre habit pour vous raconter tout au long ses affaires intimes : la maladie de sa femme, les succès de son petit garçon fort en thème, la mort de son petit chien, le renvoi de sa servante et la perte de son procès ?
En homme bien élevé, l’on doit saluer son public et lui demander au moins pardon de la liberté grande que l’on prend de l’interrompre dans ses plaisirs ou ses ennuis pour lui débiter des histoires plus ou moins saugrenues. — Faisons donc la révérence au public, personnage éminemment respectable dont on a abusé de tant de manières.
Nous pourrions bâtir une théorie dans laquelle nous démontrerions que notre roman est le plus beau du monde et qu’il ne se peut rien voir de mieux conduit et de plus intéressant. Il est plus facile de faire les règles sur l’œuvre que l’œuvre sur les règles, et bien des grands hommes prennent ce parti ; — mais nous préférons ne parler ni d’Aristote, ni d’Horace, ni de Schlegel, et laisser en repos l’Architectonique, l’Esthétique et l’Ésotérique, et toutes les majestueuses désinences en ique qui donnent une physionomie si rébarbative aux préfaces du jour.
Assurément bien des esprits chagrins, embusqués au tournant de quelque feuilleton, demanderont quel est le sens et le but de ce livre. — Il ne manque pas, en ce siècle de chiffres, de mathématiciens qui diraient, après avoir entendu Athalie : « Qu’est-ce que cela prouve ? » — Question beaucoup plus légitime après la lecture de Fortunio.
Depuis bien longtemps l’on se récrie sur l’inutilité des préfaces, — et pourtant l’on fait toujours des préfaces. Il est bien convenu que les lecteurs (pluriel ambitieux) les passent avec soin, ce qui paraîtrait une raison valable de n’en pas écrire ; mais cependant que diriez-vous de quelqu’un qui vous arrêterait au coin d’une rue et, sans vous saluer préalablement, s’accrocherait au bouton de votre habit pour vous raconter tout au long ses affaires intimes : la maladie de sa femme, les succès de son petit garçon fort en thème, la mort de son petit chien, le renvoi de sa servante et la perte de son procès ?
En homme bien élevé, l’on doit saluer son public et lui demander au moins pardon de la liberté grande que l’on prend de l’interrompre dans ses plaisirs ou ses ennuis pour lui débiter des histoires plus ou moins saugrenues. — Faisons donc la révérence au public, personnage éminemment respectable dont on a abusé de tant de manières.
Nous pourrions bâtir une théorie dans laquelle nous démontrerions que notre roman est le plus beau du monde et qu’il ne se peut rien voir de mieux conduit et de plus intéressant. Il est plus facile de faire les règles sur l’œuvre que l’œuvre sur les règles, et bien des grands hommes prennent ce parti ; — mais nous préférons ne parler ni d’Aristote, ni d’Horace, ni de Schlegel, et laisser en repos l’Architectonique, l’Esthétique et l’Ésotérique, et toutes les majestueuses désinences en ique qui donnent une physionomie si rébarbative aux préfaces du jour.
Assurément bien des esprits chagrins, embusqués au tournant de quelque feuilleton, demanderont quel est le sens et le but de ce livre. — Il ne manque pas, en ce siècle de chiffres, de mathématiciens qui diraient, après avoir entendu Athalie : « Qu’est-ce que cela prouve ? » — Question beaucoup plus légitime après la lecture de Fortunio.