COURS DE PHILOSOPHIE POSITIVE Tome IV

Nonfiction, Religion & Spirituality, Philosophy, Logic, Metaphysics, Religious
Cover of the book COURS DE PHILOSOPHIE POSITIVE Tome IV by AUGUSTE COMTE, Jwarlal
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Author: AUGUSTE COMTE ISBN: 1230002453569
Publisher: Jwarlal Publication: July 30, 2018
Imprint: Language: French
Author: AUGUSTE COMTE
ISBN: 1230002453569
Publisher: Jwarlal
Publication: July 30, 2018
Imprint:
Language: French

Considérations politiques préliminaires sur la nécessité et l'opportunité de la physique sociale, d'après l'analyse fondamentale de l'état social actuel.

Dans chacune des cinq parties précédentes de ce Traité, l'exploration philosophique a constamment reposé sur un état scientifique préexistant et unanimement reconnu, dont la constitution générale, quoique toujours plus ou moins incomplète jusqu'à présent, même à l'égard des phénomènes les moins compliqués et les mieux étudiés, satisfaisait déjà cependant, au moins en principe, même pour les cas les plus récens et les plus imparfaits, aux conditions fondamentales de la positivité, de manière à n'exiger ici qu'un simple travail d'appréciation rationnelle, toujours dirigé suivant des règles incontestables, et conduisant, presque spontanément, à l'indication motivée des principaux perfectionnemens ultérieurs, destinés surtout à dégager définitivement la science réelle de toute influence indirecte de l'ancienne philosophie. Il n'en peut plus être ainsi, malheureusement, dans cette sixième et dernière partie, consacrée à l'étude des phénomènes sociaux, dont les théories ne sont point encore sorties, même chez les plus éminens esprits, de l'état théologico-métaphysique, auquel tous les penseurs semblent aujourd'hui les concevoir comme devant être, par une fatale exception, indéfiniment condamnées. Sans changer de nature ni de destination, l'opération philosophique que j'ai osé entreprendre devient donc maintenant plus difficile et plus hardie, et doit présenter un nouveau caractère: au lieu de juger et d'améliorer, il s'agit désormais essentiellement de créer un ordre tout entier de conceptions scientifiques, qu'aucun philosophe antérieur n'a seulement ébauché, et dont la possibilité n'avait même jamais été nettement entrevue.

Une telle création, fût-elle plus heureusement accomplie, ne saurait, évidemment, élever tout-à-coup cette branche complémentaire de la philosophie naturelle, qui se rapporte aux phénomènes les plus compliqués, au niveau rationnel des diverses sciences fondamentales déjà constituées, de celles même dont le développement est le moins avancé. Que cette fondation soit d'abord poussée au point, non-seulement de constater, pour tous les bons esprits, la possibilité actuelle de concevoir et de cultiver la science sociale à la manière des sciences pleinement positives, mais aussi de marquer nettement le vrai caractère philosophique de cette science définitive, et d'en établir solidement les principales bases, c'est là, sans doute, tout ce qu'il est permis de tenter de nos jours: en même temps, cela suffit essentiellement, comme j'espère le démontrer, à nos plus urgentes nécessités intellectuelles, et même aux besoins les plus impérieux de la pratique sociale, surtout actuelle. Ainsi réduite, l'opération n'en demeure pas moins trop étendue encore pour que je puisse lui accorder tout le développement convenable dans un ouvrage qui doit, avant tout, rester consacré à l'ensemble de la philosophie positive, où cette science nouvelle ne saurait figurer qu'à titre de l'un des éléments indispensables, celui de tous d'ailleurs dont l'importance mérite, à tant d'égards, de devenir aujourd'hui prépondérante. Par un Traité spécial de philosophie politique, j'exposerai ultérieurement, d'une manière directe et complète, la série de mes idées sur ce grand sujet, avec les diverses explications qu'il exige, et sans négliger les principales applications usuelles à l'état transitoire des sociétés actuelles. Ici, je dois nécessairement me restreindre aux considérations les plus générales, en me tenant toujours, aussi scrupuleusement que possible, au point de vue strictement scientifique, sans me proposer d'autre action immédiate que la résolution de notre anarchie intellectuelle, véritable source première de l'anarchie morale, et ensuite de l'anarchie politique, dont je n'aurai point ainsi à m'occuper directement.

Mais l'extrême nouveauté d'une semblable doctrine rendrait ces considérations scientifiques presque inintelligibles, et essentiellement inefficaces, si cependant mon exposition ne devenait point, dans ce volume, à l'égard d'une science que je m'efforce de créer, beaucoup plus explicite et même plus spéciale qu'elle n'a dû l'être dans les volumes précédents, où je pouvais supposer le lecteur suffisamment familiarisé d'avance avec le fond du sujet. C'est pourquoi, avant même d'entrer méthodiquement en matière, je suis obligé, afin de placer définitivement l'esprit du lecteur au point de vue vraiment convenable, de consacrer préalablement cette leçon et la suivante à caractériser sommairement l'importance réelle d'une telle opération philosophique, et l'inanité radicale des principales tentatives dont elle a été jusqu'ici l'objet indirect.

L'immense lacune fondamentale que laisse, évidemment, dans le système général de la philosophie positive, le déplorable état d'enfance prolongée où languit encore la science sociale, devrait suffire, sans doute, pour rendre hautement irrécusable, à toute intelligence véritablement philosophique, la stricte nécessité d'une entreprise destinée à imprimer enfin à l'esprit humain, si bien préparé déjà à tous autres égards, ce grand caractère d'unité de méthode et d'homogénéité de doctrine, indispensable à la plénitude de son développement spéculatif, et sans lequel même son activité pratique ne saurait avoir ni assez de noblesse, ni assez d'énergie. Mais, quelle que soit la profonde gravité intrinsèque d'une telle considération, qui, à vrai dire, embrasse implicitement toutes les autres, les meilleurs esprits sont aujourd'hui placés, relativement aux idées politiques, à un point de vue beaucoup trop superficiel et trop étroit pour devenir susceptibles d'en saisir immédiatement la portée effective, et d'y puiser un motif suffisant de soutenir, avec persévérance, la longue et pénible contention qu'exige, de toute nécessité, l'accomplissement graduel d'une opération aussi difficile. À l'état naissant, aucune science ne saurait être cultivée ni conçue isolément de l'art correspondant, comme je l'ai établi dans la quarantième leçon, où nous avons reconnu qu'une telle adhérence doit être naturellement d'autant plus intense et plus prolongée qu'il s'agit d'un ordre de phénomènes plus compliqué. Si donc la science biologique elle-même, malgré sa constitution plus avancée, nous a paru encore trop étroitement attachée à l'art médical, faut-il s'étonner de la tendance habituelle des hommes d'état à dédaigner, comme de vains jeux d'esprit, toutes les spéculations sociales qui ne sont point immédiatement liées à des opérations pratiques? Quelque aveugle que soit une semblable disposition, on doit, en ce cas, y persister avec d'autant plus d'opiniâtreté qu'on y croit voir le meilleur préservatif contre l'invasion pernicieuse des vagues et chimériques utopies, quoique l'expérience la plus décisive ait certes surabondamment prouvé la haute insuffisance de cette précaution si vantée, qui ne peut nullement empêcher le débordement journalier des plus extravagantes illusions. C'est afin de me conformer, autant que le comporte la nature de cet ouvrage, à ce qu'il y a de vraiment raisonnable au fond de cette puérile injonction, que je crois devoir destiner cette leçon tout entière à quelques explications préliminaires sur la relation fondamentale et directe de l'opération, purement abstraite en apparence, qui consiste à instituer aujourd'hui ce que j'ai nommé la physique sociale 3, avec l'ensemble des principaux besoins que le déplorable état des sociétés actuelles manifeste si énergiquement à tous les esprits sérieux et clairvoyants. Après cet éclaircissement préalable, sur lequel je serai ainsi dispensé de revenir ultérieurement, tous les véritables hommes d'état comprendront, j'espère, que, pour ne prétendre à aucune application actuelle et spéciale, ce grand travail n'en est pas moins irrécusablement susceptible d'une utilité réelle et capitale, sans laquelle il ne mériterait point, en effet, d'intéresser la sollicitude de ceux que préoccupe par dessus tout, à si juste titre, l'obligation, devenue chaque jour plus indispensable et, en apparence, plus difficile, de résoudre enfin l'effrayante constitution révolutionnaire des sociétés modernes.

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Considérations politiques préliminaires sur la nécessité et l'opportunité de la physique sociale, d'après l'analyse fondamentale de l'état social actuel.

Dans chacune des cinq parties précédentes de ce Traité, l'exploration philosophique a constamment reposé sur un état scientifique préexistant et unanimement reconnu, dont la constitution générale, quoique toujours plus ou moins incomplète jusqu'à présent, même à l'égard des phénomènes les moins compliqués et les mieux étudiés, satisfaisait déjà cependant, au moins en principe, même pour les cas les plus récens et les plus imparfaits, aux conditions fondamentales de la positivité, de manière à n'exiger ici qu'un simple travail d'appréciation rationnelle, toujours dirigé suivant des règles incontestables, et conduisant, presque spontanément, à l'indication motivée des principaux perfectionnemens ultérieurs, destinés surtout à dégager définitivement la science réelle de toute influence indirecte de l'ancienne philosophie. Il n'en peut plus être ainsi, malheureusement, dans cette sixième et dernière partie, consacrée à l'étude des phénomènes sociaux, dont les théories ne sont point encore sorties, même chez les plus éminens esprits, de l'état théologico-métaphysique, auquel tous les penseurs semblent aujourd'hui les concevoir comme devant être, par une fatale exception, indéfiniment condamnées. Sans changer de nature ni de destination, l'opération philosophique que j'ai osé entreprendre devient donc maintenant plus difficile et plus hardie, et doit présenter un nouveau caractère: au lieu de juger et d'améliorer, il s'agit désormais essentiellement de créer un ordre tout entier de conceptions scientifiques, qu'aucun philosophe antérieur n'a seulement ébauché, et dont la possibilité n'avait même jamais été nettement entrevue.

Une telle création, fût-elle plus heureusement accomplie, ne saurait, évidemment, élever tout-à-coup cette branche complémentaire de la philosophie naturelle, qui se rapporte aux phénomènes les plus compliqués, au niveau rationnel des diverses sciences fondamentales déjà constituées, de celles même dont le développement est le moins avancé. Que cette fondation soit d'abord poussée au point, non-seulement de constater, pour tous les bons esprits, la possibilité actuelle de concevoir et de cultiver la science sociale à la manière des sciences pleinement positives, mais aussi de marquer nettement le vrai caractère philosophique de cette science définitive, et d'en établir solidement les principales bases, c'est là, sans doute, tout ce qu'il est permis de tenter de nos jours: en même temps, cela suffit essentiellement, comme j'espère le démontrer, à nos plus urgentes nécessités intellectuelles, et même aux besoins les plus impérieux de la pratique sociale, surtout actuelle. Ainsi réduite, l'opération n'en demeure pas moins trop étendue encore pour que je puisse lui accorder tout le développement convenable dans un ouvrage qui doit, avant tout, rester consacré à l'ensemble de la philosophie positive, où cette science nouvelle ne saurait figurer qu'à titre de l'un des éléments indispensables, celui de tous d'ailleurs dont l'importance mérite, à tant d'égards, de devenir aujourd'hui prépondérante. Par un Traité spécial de philosophie politique, j'exposerai ultérieurement, d'une manière directe et complète, la série de mes idées sur ce grand sujet, avec les diverses explications qu'il exige, et sans négliger les principales applications usuelles à l'état transitoire des sociétés actuelles. Ici, je dois nécessairement me restreindre aux considérations les plus générales, en me tenant toujours, aussi scrupuleusement que possible, au point de vue strictement scientifique, sans me proposer d'autre action immédiate que la résolution de notre anarchie intellectuelle, véritable source première de l'anarchie morale, et ensuite de l'anarchie politique, dont je n'aurai point ainsi à m'occuper directement.

Mais l'extrême nouveauté d'une semblable doctrine rendrait ces considérations scientifiques presque inintelligibles, et essentiellement inefficaces, si cependant mon exposition ne devenait point, dans ce volume, à l'égard d'une science que je m'efforce de créer, beaucoup plus explicite et même plus spéciale qu'elle n'a dû l'être dans les volumes précédents, où je pouvais supposer le lecteur suffisamment familiarisé d'avance avec le fond du sujet. C'est pourquoi, avant même d'entrer méthodiquement en matière, je suis obligé, afin de placer définitivement l'esprit du lecteur au point de vue vraiment convenable, de consacrer préalablement cette leçon et la suivante à caractériser sommairement l'importance réelle d'une telle opération philosophique, et l'inanité radicale des principales tentatives dont elle a été jusqu'ici l'objet indirect.

L'immense lacune fondamentale que laisse, évidemment, dans le système général de la philosophie positive, le déplorable état d'enfance prolongée où languit encore la science sociale, devrait suffire, sans doute, pour rendre hautement irrécusable, à toute intelligence véritablement philosophique, la stricte nécessité d'une entreprise destinée à imprimer enfin à l'esprit humain, si bien préparé déjà à tous autres égards, ce grand caractère d'unité de méthode et d'homogénéité de doctrine, indispensable à la plénitude de son développement spéculatif, et sans lequel même son activité pratique ne saurait avoir ni assez de noblesse, ni assez d'énergie. Mais, quelle que soit la profonde gravité intrinsèque d'une telle considération, qui, à vrai dire, embrasse implicitement toutes les autres, les meilleurs esprits sont aujourd'hui placés, relativement aux idées politiques, à un point de vue beaucoup trop superficiel et trop étroit pour devenir susceptibles d'en saisir immédiatement la portée effective, et d'y puiser un motif suffisant de soutenir, avec persévérance, la longue et pénible contention qu'exige, de toute nécessité, l'accomplissement graduel d'une opération aussi difficile. À l'état naissant, aucune science ne saurait être cultivée ni conçue isolément de l'art correspondant, comme je l'ai établi dans la quarantième leçon, où nous avons reconnu qu'une telle adhérence doit être naturellement d'autant plus intense et plus prolongée qu'il s'agit d'un ordre de phénomènes plus compliqué. Si donc la science biologique elle-même, malgré sa constitution plus avancée, nous a paru encore trop étroitement attachée à l'art médical, faut-il s'étonner de la tendance habituelle des hommes d'état à dédaigner, comme de vains jeux d'esprit, toutes les spéculations sociales qui ne sont point immédiatement liées à des opérations pratiques? Quelque aveugle que soit une semblable disposition, on doit, en ce cas, y persister avec d'autant plus d'opiniâtreté qu'on y croit voir le meilleur préservatif contre l'invasion pernicieuse des vagues et chimériques utopies, quoique l'expérience la plus décisive ait certes surabondamment prouvé la haute insuffisance de cette précaution si vantée, qui ne peut nullement empêcher le débordement journalier des plus extravagantes illusions. C'est afin de me conformer, autant que le comporte la nature de cet ouvrage, à ce qu'il y a de vraiment raisonnable au fond de cette puérile injonction, que je crois devoir destiner cette leçon tout entière à quelques explications préliminaires sur la relation fondamentale et directe de l'opération, purement abstraite en apparence, qui consiste à instituer aujourd'hui ce que j'ai nommé la physique sociale 3, avec l'ensemble des principaux besoins que le déplorable état des sociétés actuelles manifeste si énergiquement à tous les esprits sérieux et clairvoyants. Après cet éclaircissement préalable, sur lequel je serai ainsi dispensé de revenir ultérieurement, tous les véritables hommes d'état comprendront, j'espère, que, pour ne prétendre à aucune application actuelle et spéciale, ce grand travail n'en est pas moins irrécusablement susceptible d'une utilité réelle et capitale, sans laquelle il ne mériterait point, en effet, d'intéresser la sollicitude de ceux que préoccupe par dessus tout, à si juste titre, l'obligation, devenue chaque jour plus indispensable et, en apparence, plus difficile, de résoudre enfin l'effrayante constitution révolutionnaire des sociétés modernes.

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