Ce soir-là le vieux tâleb était plus que jamais tourmenté par ses doutes; et c’est pourquoi le désir lui était venu de revoir la maison où, tout enfant, il avait commencé à apprendre la parole du prophète. Mais cette vue ne fit que l’attrister davantage, et, en reprenant sa marche, il ne put s’empêcher de retomber dans ses réflexions. Avant de sortir, il avait relu la belle et étrange page du Koran sur Marie, mère de Jésus: “Fais mention de Myriam quand elle s’éloigna de sa famille, et qu’elle se dirigea du côté oriental…” Malgré lui, il songeait à cet Aïssa que les juifs avaient crucifié et qu’adoraient les chrétiens. Ne pouvait-il être vraiment le fils de Dieu? D’après le Koran même, un ange annonça sa naissance à Myriam, et elle le conçut par une opération surnaturelle. Allah avait-il jamais autant fait pour un autre prophète? Et une telle faveur ne révélait-elle pas un être unique, supérieur à tout le reste des hommes? La mission de Mohammed, après tout, n’était pas si bien prouvée. Lui-même dans le Koran déclarait à vingt reprises qu’il n’avait pas reçu d’Allah le don des miracles. Aïssa le possédait, lui. Il guérissait les lépreux et les aveugles de naissance; et même, avec un peu de boue, il façonna un oiseau qui se mit à voler. Passe encore qu’Allah eût refusé le don des miracles à Mohammed; mais lui avait-il vraiment accordé celui de connaître l’avenir? Les prédictions du prophète ne se vérifiaient plus. “Si les infidèles vous combattent, avait-il dit, ils ne tarderont pas à prendre la fuite; ils ne trouveront ni secours ni protecteur.” Or, les chrétiens avaient vaincu les croyants dans presque toutes les batailles; ils étaient en Afrique depuis cinquante ans, et on n’espérait point les en chasser de sitôt. La parole de Mohammed était donc convaincue de fausseté,—à moins pourtant qu’Allah ne voulût, en donnant la victoire aux chrétiens, punir son peuple de ses fautes, ou peut-être éprouver sa fermeté dans la foi
Ce soir-là le vieux tâleb était plus que jamais tourmenté par ses doutes; et c’est pourquoi le désir lui était venu de revoir la maison où, tout enfant, il avait commencé à apprendre la parole du prophète. Mais cette vue ne fit que l’attrister davantage, et, en reprenant sa marche, il ne put s’empêcher de retomber dans ses réflexions. Avant de sortir, il avait relu la belle et étrange page du Koran sur Marie, mère de Jésus: “Fais mention de Myriam quand elle s’éloigna de sa famille, et qu’elle se dirigea du côté oriental…” Malgré lui, il songeait à cet Aïssa que les juifs avaient crucifié et qu’adoraient les chrétiens. Ne pouvait-il être vraiment le fils de Dieu? D’après le Koran même, un ange annonça sa naissance à Myriam, et elle le conçut par une opération surnaturelle. Allah avait-il jamais autant fait pour un autre prophète? Et une telle faveur ne révélait-elle pas un être unique, supérieur à tout le reste des hommes? La mission de Mohammed, après tout, n’était pas si bien prouvée. Lui-même dans le Koran déclarait à vingt reprises qu’il n’avait pas reçu d’Allah le don des miracles. Aïssa le possédait, lui. Il guérissait les lépreux et les aveugles de naissance; et même, avec un peu de boue, il façonna un oiseau qui se mit à voler. Passe encore qu’Allah eût refusé le don des miracles à Mohammed; mais lui avait-il vraiment accordé celui de connaître l’avenir? Les prédictions du prophète ne se vérifiaient plus. “Si les infidèles vous combattent, avait-il dit, ils ne tarderont pas à prendre la fuite; ils ne trouveront ni secours ni protecteur.” Or, les chrétiens avaient vaincu les croyants dans presque toutes les batailles; ils étaient en Afrique depuis cinquante ans, et on n’espérait point les en chasser de sitôt. La parole de Mohammed était donc convaincue de fausseté,—à moins pourtant qu’Allah ne voulût, en donnant la victoire aux chrétiens, punir son peuple de ses fautes, ou peut-être éprouver sa fermeté dans la foi