Author: | petrus borel | ISBN: | 1230002002156 |
Publisher: | pp | Publication: | November 13, 2017 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | petrus borel |
ISBN: | 1230002002156 |
Publisher: | pp |
Publication: | November 13, 2017 |
Imprint: | |
Language: | French |
je me trouvais depuis quelque temps à Boulogne, et comme le jour de mon départ approchait, un matin, mon hôte m’aborde gracieusement et me présentant un rouleau de paperasses assez volumineux :
— Tenez, me dit-il, permettez-moi. Monsieur, vous offrir ceci, vous en pourrez sans doute tirer un meilleur parti que moi. Un jeune Anglais fort taciturne et fort bizarre logeait ici : il y a bien de cela deux ans… Un soir, il sortit ; on le vit se diriger vers la jetée, et depuis je n’ai plus eu de lui ni trace ni nouvelles. Ces papiers sont restés en ma possession, ainsi que tout son bagage, assez mince du reste, fort mince même… Hélas ! il passait toutes ses journées et toutes ses nuits à penser ou à écrire, le pauvre jeune homme !…
La fin si cruelle de ce jeune étranger qui comme tant d’autres avait rêvé sans doute une mort bien douce après une carrière pleine de gloire et de félicité… cette douleur si isolée, si obscure, que les flots de la mer où elle était allée s’éteindre en connaissaient seuls le secret, m’avaient touché vivement ; j’étais dans une émotion pénible ; je m’enfermai dans ma chambre, et je me pris à parcourir avec avidité, l’âme remplie de découragement, les papiers qui venaient de m’être confiés, tristes et derniers vestiges d’une intelligence qui avait succombé dans la lutter ! — perdue sans retour, anéantie !… Je me disais : au moins, s’il était possible de sauver de l’oubli quelqu’une de ces pages, ce serait une consolation pour l’ombre de cet infortuné jeune homme, qui sans doute est là errante autour de moi, me trouvant bien hardi de porter la main sur ses dépouilles !…
je me trouvais depuis quelque temps à Boulogne, et comme le jour de mon départ approchait, un matin, mon hôte m’aborde gracieusement et me présentant un rouleau de paperasses assez volumineux :
— Tenez, me dit-il, permettez-moi. Monsieur, vous offrir ceci, vous en pourrez sans doute tirer un meilleur parti que moi. Un jeune Anglais fort taciturne et fort bizarre logeait ici : il y a bien de cela deux ans… Un soir, il sortit ; on le vit se diriger vers la jetée, et depuis je n’ai plus eu de lui ni trace ni nouvelles. Ces papiers sont restés en ma possession, ainsi que tout son bagage, assez mince du reste, fort mince même… Hélas ! il passait toutes ses journées et toutes ses nuits à penser ou à écrire, le pauvre jeune homme !…
La fin si cruelle de ce jeune étranger qui comme tant d’autres avait rêvé sans doute une mort bien douce après une carrière pleine de gloire et de félicité… cette douleur si isolée, si obscure, que les flots de la mer où elle était allée s’éteindre en connaissaient seuls le secret, m’avaient touché vivement ; j’étais dans une émotion pénible ; je m’enfermai dans ma chambre, et je me pris à parcourir avec avidité, l’âme remplie de découragement, les papiers qui venaient de m’être confiés, tristes et derniers vestiges d’une intelligence qui avait succombé dans la lutter ! — perdue sans retour, anéantie !… Je me disais : au moins, s’il était possible de sauver de l’oubli quelqu’une de ces pages, ce serait une consolation pour l’ombre de cet infortuné jeune homme, qui sans doute est là errante autour de moi, me trouvant bien hardi de porter la main sur ses dépouilles !…