Author: | Pierre Boutroux | ISBN: | 1230001137767 |
Publisher: | E H | Publication: | March 12, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Pierre Boutroux |
ISBN: | 1230001137767 |
Publisher: | E H |
Publication: | March 12, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
Lorsque l'on entreprend de classer les idées philosophiques d'Henri Poincaré et de situer exactement son oeuvre parmi les doctrines contemporaines, il est nécessaire de procéder avec beaucoup de circonspection si l'on ne veut pas risquer de faire fausse route. Henri Poincaré était en philosophie un autodidacte, et il éprouvait à l'égard des systèmes une méfiance particulière. Il s'est défendu d'être nominaliste, mais toute autre qualification appliquée à sa doctrine l'eût également inquiété. Sur nombre de problèmes, en effet, qui divisent les partis philosophiques, il se déclare incapable de prendre aucun parti parce que, dit-il, pour un savant, la question ne se pose même pas. Pour bien comprendre Henri Poincaré, il faut se rappeler qu'il ne perd pas de vue les faits, et que, dans ses spéculations les plus audacieuses, les plus paradoxales en apparence, il y reste encore fermement attaché. Peu lui importe de savoir où il aboutira et si ses conclusions s'accorderont ou non avec les idées traditionnelles. Il cherche la vérité sans idée préconçue, en faisant soigneusement table rase de tout ce qu'il a pu lire ou entendre, en évitant même de communiquer ses pensées à autrui tant qu'elles ne sont pas définitivement formées. Comme s'il craignait de se laisser influencer et de contrarier le travail d'analyse qui s'accomplit au dedans de lui et, pour ainsi dire, indépendamment de lui, Poincaré médite seul et presque dans le secret. Puis brusquement l'idée jaillit, avec ces caractères de brièveté et d'irrésistibilité que nous retrouvons dans l'invention mathématique; et désormais elle s'impose. Aux philosophes de trouver après coup des théories qui rendent compte de la vérité ainsi découverte ; ils n'ont pas plus le droit de la contester qu'ils ne peuvent nier la science : car la vérité au sens de .Poincaré, ce n'est autre chose, en somme, que l'expression philosophique des conditions impliquées par l'existence effective des sciences positives. Cet ensemble de faits objectifs, ces jalons que doit respecter toute théorie de la connaissance, Henri Poincaré y fut conduit tout naturellement par ses études mathématiques, et, du jour où il les aperçut, il en eut une compréhension complète et définitive. Le fond des idées d'Henri Poincaré sur la science et sur la recherche scientifique n'a jamais varié. C'est dans la forme seulement que ces idées se sont modifiées, prenant peu à peu un aspect moins technique et moins spécial à mesure que s'étendait leur champ d'application, s'épurant, d'autre part, et se cristallisant au contact des idées voisines ou opposées qui furent émises, durant les vingt dernières années, par divers penseurs éminents. De bonne heure Henri Poincaré avait eu un goût très vif pour la controverse philosophique...
Lorsque l'on entreprend de classer les idées philosophiques d'Henri Poincaré et de situer exactement son oeuvre parmi les doctrines contemporaines, il est nécessaire de procéder avec beaucoup de circonspection si l'on ne veut pas risquer de faire fausse route. Henri Poincaré était en philosophie un autodidacte, et il éprouvait à l'égard des systèmes une méfiance particulière. Il s'est défendu d'être nominaliste, mais toute autre qualification appliquée à sa doctrine l'eût également inquiété. Sur nombre de problèmes, en effet, qui divisent les partis philosophiques, il se déclare incapable de prendre aucun parti parce que, dit-il, pour un savant, la question ne se pose même pas. Pour bien comprendre Henri Poincaré, il faut se rappeler qu'il ne perd pas de vue les faits, et que, dans ses spéculations les plus audacieuses, les plus paradoxales en apparence, il y reste encore fermement attaché. Peu lui importe de savoir où il aboutira et si ses conclusions s'accorderont ou non avec les idées traditionnelles. Il cherche la vérité sans idée préconçue, en faisant soigneusement table rase de tout ce qu'il a pu lire ou entendre, en évitant même de communiquer ses pensées à autrui tant qu'elles ne sont pas définitivement formées. Comme s'il craignait de se laisser influencer et de contrarier le travail d'analyse qui s'accomplit au dedans de lui et, pour ainsi dire, indépendamment de lui, Poincaré médite seul et presque dans le secret. Puis brusquement l'idée jaillit, avec ces caractères de brièveté et d'irrésistibilité que nous retrouvons dans l'invention mathématique; et désormais elle s'impose. Aux philosophes de trouver après coup des théories qui rendent compte de la vérité ainsi découverte ; ils n'ont pas plus le droit de la contester qu'ils ne peuvent nier la science : car la vérité au sens de .Poincaré, ce n'est autre chose, en somme, que l'expression philosophique des conditions impliquées par l'existence effective des sciences positives. Cet ensemble de faits objectifs, ces jalons que doit respecter toute théorie de la connaissance, Henri Poincaré y fut conduit tout naturellement par ses études mathématiques, et, du jour où il les aperçut, il en eut une compréhension complète et définitive. Le fond des idées d'Henri Poincaré sur la science et sur la recherche scientifique n'a jamais varié. C'est dans la forme seulement que ces idées se sont modifiées, prenant peu à peu un aspect moins technique et moins spécial à mesure que s'étendait leur champ d'application, s'épurant, d'autre part, et se cristallisant au contact des idées voisines ou opposées qui furent émises, durant les vingt dernières années, par divers penseurs éminents. De bonne heure Henri Poincaré avait eu un goût très vif pour la controverse philosophique...