Author: | Edward Gibbon, François Guizot | ISBN: | 1230001221633 |
Publisher: | E H | Publication: | March 12, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Edward Gibbon, François Guizot |
ISBN: | 1230001221633 |
Publisher: | E H |
Publication: | March 12, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
LES provinces divisées de l’empire furent réunies par la victoire de Constance ; mais, comme ce prince faible n’avait de talens personnels ni pour la paix ni pour la guerre, comme il craignait ses généraux et se méfiait de ses ministres, le succès de ses armes ne servit qu’à établir l’autorité des eunuques sur le monde romain. Ces êtres disgraciés, ancienne production du despotisme[1]et de la jalousie orientale, furent introduits en Grèce et à Rome par la contagion du luxe asiatique[2]. Leur progrès fut rapide, et les eunuques, qui du temps d’Auguste avaient été abhorrés comme le cortège monstrueux d’une reine d’Égypte[3], s’introduisirent insensiblement dans les maisons des matrones, des sénateurs, et même des empereurs[4]. Restreints par les sévères édits deDomitien et de Nerva[5], favorisés par l’orgueil de Dioclétien, réduits à un état obscur par la prudence de Constantin[6], ils se multiplièrent dans les palais de ses fils dégénérés, et acquirent peu à peu la connaissance et enfin la direction des conseils les plus secrets de Constance. Le mépris et l’aversion qu’on a toujours eus pour cette espèce dégradée, semblent les avoir rendus aussi incapables qu’on les en supposait, de toute action noble et de tout sentiment d’honneur et de générosité[7] ; mais les eunuques étaient instruits dans l’art de l’intrigue et de l’adulation ; et ils gouvernaient alternativement Constance par ses terreurs, par son indolence et par sa vanité[8]. Tandis qu’un miroir trompeur l’amusait d’une fausse apparence de prospérité publique, sa nonchalance leur permettait d’intercepter les plaintes des provinces opprimées, d’accumuler d’immenses trésors par la vente de la justice et des honneurs, d’avilir les plus importantes dignités par l’élévation des hommes obscurs qui achetaient d’eux les moyens d’oppression[9], et de satisfaire leur ressentiment contre quelques âmes fermes qui refusaient audacieusement de faire leur cour à des esclaves. Le plus distingué d’entre eux était le chambellan Eusèbe, qui dirigeait si despotiquement l’empereur et son palais, qu’on pouvait dire, d’après l’expression satirique d’un écrivain impartial, que Constance jouissait de quelque crédit auprès de cet impérieux favori[10]. Ce fut par ses intrigues artificieuses que ce prince souscrivit la sentence de l’infortuné Gallus, et ajouta ce crime à la longue liste des exécutions barbares et dénaturées qui avaient déjà déshonoré la maison deConstantin...
LES provinces divisées de l’empire furent réunies par la victoire de Constance ; mais, comme ce prince faible n’avait de talens personnels ni pour la paix ni pour la guerre, comme il craignait ses généraux et se méfiait de ses ministres, le succès de ses armes ne servit qu’à établir l’autorité des eunuques sur le monde romain. Ces êtres disgraciés, ancienne production du despotisme[1]et de la jalousie orientale, furent introduits en Grèce et à Rome par la contagion du luxe asiatique[2]. Leur progrès fut rapide, et les eunuques, qui du temps d’Auguste avaient été abhorrés comme le cortège monstrueux d’une reine d’Égypte[3], s’introduisirent insensiblement dans les maisons des matrones, des sénateurs, et même des empereurs[4]. Restreints par les sévères édits deDomitien et de Nerva[5], favorisés par l’orgueil de Dioclétien, réduits à un état obscur par la prudence de Constantin[6], ils se multiplièrent dans les palais de ses fils dégénérés, et acquirent peu à peu la connaissance et enfin la direction des conseils les plus secrets de Constance. Le mépris et l’aversion qu’on a toujours eus pour cette espèce dégradée, semblent les avoir rendus aussi incapables qu’on les en supposait, de toute action noble et de tout sentiment d’honneur et de générosité[7] ; mais les eunuques étaient instruits dans l’art de l’intrigue et de l’adulation ; et ils gouvernaient alternativement Constance par ses terreurs, par son indolence et par sa vanité[8]. Tandis qu’un miroir trompeur l’amusait d’une fausse apparence de prospérité publique, sa nonchalance leur permettait d’intercepter les plaintes des provinces opprimées, d’accumuler d’immenses trésors par la vente de la justice et des honneurs, d’avilir les plus importantes dignités par l’élévation des hommes obscurs qui achetaient d’eux les moyens d’oppression[9], et de satisfaire leur ressentiment contre quelques âmes fermes qui refusaient audacieusement de faire leur cour à des esclaves. Le plus distingué d’entre eux était le chambellan Eusèbe, qui dirigeait si despotiquement l’empereur et son palais, qu’on pouvait dire, d’après l’expression satirique d’un écrivain impartial, que Constance jouissait de quelque crédit auprès de cet impérieux favori[10]. Ce fut par ses intrigues artificieuses que ce prince souscrivit la sentence de l’infortuné Gallus, et ajouta ce crime à la longue liste des exécutions barbares et dénaturées qui avaient déjà déshonoré la maison deConstantin...