Horace

Fiction & Literature, Drama, Nonfiction, Entertainment
Cover of the book Horace by Pierre Corneille, Pierre Corneille
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Author: Pierre Corneille ISBN: 1230000229282
Publisher: Pierre Corneille Publication: March 30, 2014
Imprint: Language: French
Author: Pierre Corneille
ISBN: 1230000229282
Publisher: Pierre Corneille
Publication: March 30, 2014
Imprint:
Language: French

EXTRAIT:

ACTE I , SCENE PREMIERE .

 

Sabine.

Approuvez ma foiblesse, et souffrez ma douleur ;

elle n' est que trop juste en un si grand malheur :

si près de voir sur soi fondre de tels orages,

l' ébranlement sied bien aux plus fermes courages ;

et l' esprit le plus mâle et le moins abattu

ne sauroit sans désordre exercer sa vertu.

Quoique le mien s' étonne à ces rudes alarmes,

le trouble de mon coeur ne peut rien sur mes larmes,

et parmi les soupirs qu' il pousse vers les cieux,

ma constance du moins règne encor sur mes yeux :

quand on arrête là les déplaisirs d' une âme,

si l' on fait moins qu' un homme, on fait plus qu' une femme.

Commander à ses pleurs en cette extrémité,

c' est montrer, pour le sexe, assez de fermeté.

Julie.

C' en est peut-être assez pour une âme commune,

 

qui du moindre péril se fait une infortune ;

mais de cette foiblesse un grand coeur est honteux ;

il ose espérer tout dans un succès douteux.

Les deux camps sont rangés au pied de nos murailles ;

mais Rome ignore encor comme on perd des batailles.

Loin de trembler pour elle, il lui faut applaudir :

puisqu' elle va combattre, elle va s' agrandir.

Bannissez, bannissez une frayeur si vaine,

et concevez des voeux dignes d' une Romaine.

Sabine.

Je suis romaine, hélas ! Puisqu' Horace est romain ;

j' en ai reçu le titre en recevant sa main ;

mais ce noeud me tiendroit en esclave enchaînée,

s' il m' empêchoit de voir en quels lieux je suis née.

Albe, où j' ai commencé de respirer le jour,

Albe, mon cher pays, et mon premier amour ;

lorsqu' entre nous et toi je vois la guerre ouverte,

je crains notre victoire autant que notre perte.

Rome, si tu te plains que c' est là te trahir,

fais-toi des ennemis que je puisse haïr.

Quand je vois de tes murs leur armée et la nôtre,

mes trois frères dans l' une, et mon mari dans l' autre,

puis-je former des voeux, et sans impiété

importuner le ciel pour ta félicité ?

Je sais que ton état, encore en sa naissance,

ne sauroit, sans la guerre, affermir sa puissance ;

je sais qu' il doit s' accroître, et que tes grands destins

 

ne le borneront pas chez les peuples latins ;

que les dieux t' ont promis l' empire de la terre,

et que tu n' en peux voir l' effet que par la guerre :

bien loin de m' opposer à cette noble ardeur

qui suit l' arrêt des dieux et court à ta grandeur,

je voudrois déjà voir tes troupes couronnées,

d' un pas victorieux franchir les Pyrénées.

Va jusqu' en l' orient pousser tes bataillons ;

va sur les bords du Rhin planter tes pavillons ;

fais trembler sous tes pas les colonnes d' Hercule ;

mais respecte une ville à qui tu dois Romule.

Ingrate, souviens-toi que du sang de ses rois

tu tiens ton nom, tes murs, et tes premières lois.

Albe est ton origine : arrête, et considère

que tu portes le fer dans le sein de ta mère.

Tourne ailleurs les efforts de tes bras triomphants ;

sa joie éclatera dans l' heur de ses enfants ;

et se laissant ravir à l' amour maternelle,

ses voeux seront pour toi, si tu n' es plus contre elle.

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EXTRAIT:

ACTE I , SCENE PREMIERE .

 

Sabine.

Approuvez ma foiblesse, et souffrez ma douleur ;

elle n' est que trop juste en un si grand malheur :

si près de voir sur soi fondre de tels orages,

l' ébranlement sied bien aux plus fermes courages ;

et l' esprit le plus mâle et le moins abattu

ne sauroit sans désordre exercer sa vertu.

Quoique le mien s' étonne à ces rudes alarmes,

le trouble de mon coeur ne peut rien sur mes larmes,

et parmi les soupirs qu' il pousse vers les cieux,

ma constance du moins règne encor sur mes yeux :

quand on arrête là les déplaisirs d' une âme,

si l' on fait moins qu' un homme, on fait plus qu' une femme.

Commander à ses pleurs en cette extrémité,

c' est montrer, pour le sexe, assez de fermeté.

Julie.

C' en est peut-être assez pour une âme commune,

 

qui du moindre péril se fait une infortune ;

mais de cette foiblesse un grand coeur est honteux ;

il ose espérer tout dans un succès douteux.

Les deux camps sont rangés au pied de nos murailles ;

mais Rome ignore encor comme on perd des batailles.

Loin de trembler pour elle, il lui faut applaudir :

puisqu' elle va combattre, elle va s' agrandir.

Bannissez, bannissez une frayeur si vaine,

et concevez des voeux dignes d' une Romaine.

Sabine.

Je suis romaine, hélas ! Puisqu' Horace est romain ;

j' en ai reçu le titre en recevant sa main ;

mais ce noeud me tiendroit en esclave enchaînée,

s' il m' empêchoit de voir en quels lieux je suis née.

Albe, où j' ai commencé de respirer le jour,

Albe, mon cher pays, et mon premier amour ;

lorsqu' entre nous et toi je vois la guerre ouverte,

je crains notre victoire autant que notre perte.

Rome, si tu te plains que c' est là te trahir,

fais-toi des ennemis que je puisse haïr.

Quand je vois de tes murs leur armée et la nôtre,

mes trois frères dans l' une, et mon mari dans l' autre,

puis-je former des voeux, et sans impiété

importuner le ciel pour ta félicité ?

Je sais que ton état, encore en sa naissance,

ne sauroit, sans la guerre, affermir sa puissance ;

je sais qu' il doit s' accroître, et que tes grands destins

 

ne le borneront pas chez les peuples latins ;

que les dieux t' ont promis l' empire de la terre,

et que tu n' en peux voir l' effet que par la guerre :

bien loin de m' opposer à cette noble ardeur

qui suit l' arrêt des dieux et court à ta grandeur,

je voudrois déjà voir tes troupes couronnées,

d' un pas victorieux franchir les Pyrénées.

Va jusqu' en l' orient pousser tes bataillons ;

va sur les bords du Rhin planter tes pavillons ;

fais trembler sous tes pas les colonnes d' Hercule ;

mais respecte une ville à qui tu dois Romule.

Ingrate, souviens-toi que du sang de ses rois

tu tiens ton nom, tes murs, et tes premières lois.

Albe est ton origine : arrête, et considère

que tu portes le fer dans le sein de ta mère.

Tourne ailleurs les efforts de tes bras triomphants ;

sa joie éclatera dans l' heur de ses enfants ;

et se laissant ravir à l' amour maternelle,

ses voeux seront pour toi, si tu n' es plus contre elle.

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