Author: | Remy de GOURMONT | ISBN: | 1230000505093 |
Publisher: | DOMAINE PUBLIC | Publication: | June 18, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Remy de GOURMONT |
ISBN: | 1230000505093 |
Publisher: | DOMAINE PUBLIC |
Publication: | June 18, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
Et ideo confiteatur eorum stultitia, qui arte, scientiaque immnunes, de solo ingenio confidentes, ad summa summe canenda prorumpunt ; a tanto prosuntuositate desistant, et si anseres naturali desidia sunt, nolint astripetam aquilam imitari.
Dantis Alighieri, De vulgari eloquio, II. 4.
Déprécier «l'écriture», c'est une précaution que prennent de temps à autre les écrivains nuls ; ils la croient bonne ; elle est le signe de leur médiocrité et l'aveu d'une tristesse. Ce n'est pas sans dépit que l'impuissant renonce à la jolie femme aux yeux trop limpides ; il doit y avoir de l'amertume dans le dédain public d'un homme qui confesse l'ignorance première de son métier ou l'absence du don sans lequel l'exercice de ce métier est une imposture. Cependant quelques-uns de ces pauvres se glorifient de leur indigence ; ils déclarent que leurs idées sont assez belles pour se passer de vêtement, que les images les plus neuves et les plus riches ne sont que des voiles de vanité jetés sur le néant de la pensée, que ce qui importe, après tout, c'est le fond et non la forme, l'esprit et non la lettre, la chose et non le mot, et ils peuvent parler ainsi très longtemps, car ils possèdent une meute de clichés nombreuse et docile, mais pas méchante. Il faut plaindre les premiers et mépriser les seconds et ne leur rien répondre, sinon ceci : qu'il y a deux littératures et qu'ils font partie de l'autre.
Deux littératures : c'est une manière de dire provisoire et de prudence, afin que la meute nous oublie, ayant sa part du paysage et la vue du jardin où elle n'entrera pas.
Et ideo confiteatur eorum stultitia, qui arte, scientiaque immnunes, de solo ingenio confidentes, ad summa summe canenda prorumpunt ; a tanto prosuntuositate desistant, et si anseres naturali desidia sunt, nolint astripetam aquilam imitari.
Dantis Alighieri, De vulgari eloquio, II. 4.
Déprécier «l'écriture», c'est une précaution que prennent de temps à autre les écrivains nuls ; ils la croient bonne ; elle est le signe de leur médiocrité et l'aveu d'une tristesse. Ce n'est pas sans dépit que l'impuissant renonce à la jolie femme aux yeux trop limpides ; il doit y avoir de l'amertume dans le dédain public d'un homme qui confesse l'ignorance première de son métier ou l'absence du don sans lequel l'exercice de ce métier est une imposture. Cependant quelques-uns de ces pauvres se glorifient de leur indigence ; ils déclarent que leurs idées sont assez belles pour se passer de vêtement, que les images les plus neuves et les plus riches ne sont que des voiles de vanité jetés sur le néant de la pensée, que ce qui importe, après tout, c'est le fond et non la forme, l'esprit et non la lettre, la chose et non le mot, et ils peuvent parler ainsi très longtemps, car ils possèdent une meute de clichés nombreuse et docile, mais pas méchante. Il faut plaindre les premiers et mépriser les seconds et ne leur rien répondre, sinon ceci : qu'il y a deux littératures et qu'ils font partie de l'autre.
Deux littératures : c'est une manière de dire provisoire et de prudence, afin que la meute nous oublie, ayant sa part du paysage et la vue du jardin où elle n'entrera pas.