Author: | Adrien Bertrand | ISBN: | 1230000985598 |
Publisher: | CP | Publication: | March 9, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Adrien Bertrand |
ISBN: | 1230000985598 |
Publisher: | CP |
Publication: | March 9, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
Le bataillon était engagé sur un plateau. On avançait lentement. La veille, l’étape avait été longue. Les hommes sentaient encore, après trois heures de repos, une quarantaine de kilomètres dans les jambes et, dans les reins, deux journées et deux nuits de voyage. En colonne, par compagnies et par sections, l’un derrière l’autre, les chasseurs se suivaient. Ils marchaient la tête basse, sans un mot, remontant parfois le sac sur les épaules, de leur geste mécanique. Leurs bérets émergeaient des seigles hauts et de l’avoine.
C’était la guerre. On marchait droit devant soi, sans rien épargner. Première dévastation : celle des cultures. Et ces paysans, respectueux hier des moissons ingrates, saisis déjà par cette ivresse de meurtre, prenaient plaisir au saccage des champs. Ils assouvissaient leur rancune pour les durs labours des hivers passés, pour les gerbes moisies par la pluie, pour toutes les infidélités de la terre. Quelques-uns, qui étaient réservistes, songeaient, en abattant avec le canon du fusil les céréales lorraines, aux blés qu’ils venaient d’abandonner, à la veille du fauchage, dans leurs hautes vallées des Alpes et sur leurs traversiers des Cévennes.
Il faisait encore presque nuit. Le silence était impressionnant. La plaine montait en pente douce jusqu’à une crête qui bornait l’horizon. À cet endroit, le ciel se frangeait d’une teinte orange. À mesure qu’on avançait la couleur s’élargissait, des nuances mauves remplaçaient le gris. Un brouillard humide encadrait la lisière de la forêt.
— Un matin d’Ile-de-France ! cria le sous-lieutenant Lucien Fabre, qui marchait en tête de sa section, au capitaine Nicolaï.
— Un pauvre soleil, répondit l’officier.
Le bataillon était engagé sur un plateau. On avançait lentement. La veille, l’étape avait été longue. Les hommes sentaient encore, après trois heures de repos, une quarantaine de kilomètres dans les jambes et, dans les reins, deux journées et deux nuits de voyage. En colonne, par compagnies et par sections, l’un derrière l’autre, les chasseurs se suivaient. Ils marchaient la tête basse, sans un mot, remontant parfois le sac sur les épaules, de leur geste mécanique. Leurs bérets émergeaient des seigles hauts et de l’avoine.
C’était la guerre. On marchait droit devant soi, sans rien épargner. Première dévastation : celle des cultures. Et ces paysans, respectueux hier des moissons ingrates, saisis déjà par cette ivresse de meurtre, prenaient plaisir au saccage des champs. Ils assouvissaient leur rancune pour les durs labours des hivers passés, pour les gerbes moisies par la pluie, pour toutes les infidélités de la terre. Quelques-uns, qui étaient réservistes, songeaient, en abattant avec le canon du fusil les céréales lorraines, aux blés qu’ils venaient d’abandonner, à la veille du fauchage, dans leurs hautes vallées des Alpes et sur leurs traversiers des Cévennes.
Il faisait encore presque nuit. Le silence était impressionnant. La plaine montait en pente douce jusqu’à une crête qui bornait l’horizon. À cet endroit, le ciel se frangeait d’une teinte orange. À mesure qu’on avançait la couleur s’élargissait, des nuances mauves remplaçaient le gris. Un brouillard humide encadrait la lisière de la forêt.
— Un matin d’Ile-de-France ! cria le sous-lieutenant Lucien Fabre, qui marchait en tête de sa section, au capitaine Nicolaï.
— Un pauvre soleil, répondit l’officier.