Author: | Léon Gozlan | ISBN: | 1230000848725 |
Publisher: | CP | Publication: | December 16, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Léon Gozlan |
ISBN: | 1230000848725 |
Publisher: | CP |
Publication: | December 16, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
Paris ce jour-là, 2 novembre 183., était froid et triste, comme il l’est ordinairement à cette époque de l’année. On eût dit que le ciel était dans le secret de la solennité qu’il éclairait à regret. La veille, il avait légèrement neigé ; l’air était devenu plus vif ; un brouillard fin et grisâtre arrondissait les angles des maisons. Par moments, il ne faisait ni jour ni nuit, mais une clarté polaire. Les cloches, étouffées dans un espace cotonneux, ne rendaient que des sons sourds. Sur un pavé résistant, mais humide, glissait autant qu’elle marchait la presque population de la ville et celle de la banlieue : bruyantes, mais sans gaîté, elles suivaient les boulevards jusqu’à la naissance des rues qui montent, en coupant le canal, jusqu’au cimetière du Père La Chaise. Beaucoup de voitures, d’équipages armoriés s’ouvraient à chaque instant un passage au milieu de la foule et prenaient la même direction. La confusion n’entraînait pourtant aucun désordre. Les enfants n’abandonnaient pas la main de leurs parents. Après le déplacement, les grandes demoiselles se retrouvaient en tête de chaque petit cortége, et l’invasion générale, toujours défaite et toujours réunie, s’approchait par larges vagues du sommet de la montagne. Les deux côtés de la rue offraient aux passants ces inépuisables collections de tombeaux à tous prix que la douleur à tous les degrés peut désirer : cippes, mausolées, colonnes brisées, cénotaphes en marbre, en granit ou en tôle. Il ne reste presque rien à faire à la douleur pour approprier ces pierres d’occasion au premier mort venu. Nous avons tous été vertueux, et ceux que nous laissons sont naturellement inconsolables. Que reste-t-il à dire à l’inscription ? Nos noms et nos travaux sur la terre.
Paris ce jour-là, 2 novembre 183., était froid et triste, comme il l’est ordinairement à cette époque de l’année. On eût dit que le ciel était dans le secret de la solennité qu’il éclairait à regret. La veille, il avait légèrement neigé ; l’air était devenu plus vif ; un brouillard fin et grisâtre arrondissait les angles des maisons. Par moments, il ne faisait ni jour ni nuit, mais une clarté polaire. Les cloches, étouffées dans un espace cotonneux, ne rendaient que des sons sourds. Sur un pavé résistant, mais humide, glissait autant qu’elle marchait la presque population de la ville et celle de la banlieue : bruyantes, mais sans gaîté, elles suivaient les boulevards jusqu’à la naissance des rues qui montent, en coupant le canal, jusqu’au cimetière du Père La Chaise. Beaucoup de voitures, d’équipages armoriés s’ouvraient à chaque instant un passage au milieu de la foule et prenaient la même direction. La confusion n’entraînait pourtant aucun désordre. Les enfants n’abandonnaient pas la main de leurs parents. Après le déplacement, les grandes demoiselles se retrouvaient en tête de chaque petit cortége, et l’invasion générale, toujours défaite et toujours réunie, s’approchait par larges vagues du sommet de la montagne. Les deux côtés de la rue offraient aux passants ces inépuisables collections de tombeaux à tous prix que la douleur à tous les degrés peut désirer : cippes, mausolées, colonnes brisées, cénotaphes en marbre, en granit ou en tôle. Il ne reste presque rien à faire à la douleur pour approprier ces pierres d’occasion au premier mort venu. Nous avons tous été vertueux, et ceux que nous laissons sont naturellement inconsolables. Que reste-t-il à dire à l’inscription ? Nos noms et nos travaux sur la terre.