Une nuit de Noël sous la Terreur

Fiction & Literature, Short Stories, Literary, Romance
Cover of the book Une nuit de Noël sous la Terreur by Paul Bourget, CP
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Author: Paul Bourget ISBN: 1230000777704
Publisher: CP Publication: November 16, 2015
Imprint: Language: French
Author: Paul Bourget
ISBN: 1230000777704
Publisher: CP
Publication: November 16, 2015
Imprint:
Language: French

Le hasard d’une villégiature à Nemours m’avait amené à visiter un château bien connu de tous ceux qui s’intéressent à l’architecture du seizième siècle en France — celui de Fleury-les-Tours. On l’a nommé ainsi pour le distinguer de l’autre Fleury, célèbre par le séjour du prétendant Charles-Édouard, et qui dresse dans le voisinage de Courances sa jolie construction de briques. Je n’ai pas l’intention de discuter le point controversé entre archéologues, si ce charmant bijou de pierre, construit par les ordres du premier duc de Fleury, le favori de Louis XII, a servi de modèle à cet autre bijou, qui le reproduit quasi exactement, et qui est Azay-le-Rideau, ou si c’est l’inverse. Je ne discuterai pas non plus cet autre problème débattu indéfiniment dans les clubs ; le propriétaire de Fleury-les-Tours, a-t-il vraiment le droit de s’appeler le duc de Fleury tout court, comme le jeune héros d’Agnadel ? La contestation dure avec l’autre branche de la famille depuis quelque cent cinquante ans. Que son titre soit ou non très authentique, l’actuel duc de Fleury le porte de manière à justifier toutes ses prétentions. Il emploie admirablement une très grande fortune, héritée de sa mère, fille elle-même d’un de ces gentilshommes verriers dont une tradition plusieurs fois séculaire se perpétue dans nos départements du nord. Le duc a eu le bon esprit de ne pas confier à des intermédiaires la gérance de ses intérêts. Quarante ans durant, il a dirigé en personne les vastes usines qu’il possède près de Saint-Quentin. Son fils aîné s’en occupe maintenant. Ce maniement direct de ses propres affaires a eu ce résultat que le châtelain de Fleury-les-Tours appuie ses prétentions sur douze cent mille francs de revenu sans mésalliance, et le château est habité aussi noblement que le méritent les sculptures de ses portes et les meneaux de ses fenêtres. Le seigneur de cette exquise et grandiose demeure en a un très légitime orgueil. Ceci soit dit pour expliquer comment il avait tenu, m’ayant rencontré chez des amis communs, à m’en faire les honneurs, malgré mon manque absolu de compétence dans la partie où il excelle. Il a réuni là une collection d’armes à rivaliser celle du Palais Royal de Madrid. Un trait définira la parfaite politesse de ce vrai gentilhomme : durant la visite à laquelle je fais allusion, il m’épargna le détail de son musée, et un autre trait encore définira l’incompétence que je viens d’avouer. De toutes les pièces incomparables éparses — dans les appartements du château — que dis-je ? — de tout le château lui-même, je ne me rappelle vraiment qu’une petite toile, suspendue dans la chambre à coucher du maître du logis, et cela moins pour elle-même, quoique ce soit une excellente peinture d’un maître anonyme du dix-septième siècle français, qu’à cause de l’anecdote qui s’y rattache. Cette prédominance de l’intérêt moral sur la beauté et le pittoresque distingue l’écrivain de l’artiste — heureux quand cet intérêt emporte avec lui, comme ce fut le cas, un enseignement.

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Le hasard d’une villégiature à Nemours m’avait amené à visiter un château bien connu de tous ceux qui s’intéressent à l’architecture du seizième siècle en France — celui de Fleury-les-Tours. On l’a nommé ainsi pour le distinguer de l’autre Fleury, célèbre par le séjour du prétendant Charles-Édouard, et qui dresse dans le voisinage de Courances sa jolie construction de briques. Je n’ai pas l’intention de discuter le point controversé entre archéologues, si ce charmant bijou de pierre, construit par les ordres du premier duc de Fleury, le favori de Louis XII, a servi de modèle à cet autre bijou, qui le reproduit quasi exactement, et qui est Azay-le-Rideau, ou si c’est l’inverse. Je ne discuterai pas non plus cet autre problème débattu indéfiniment dans les clubs ; le propriétaire de Fleury-les-Tours, a-t-il vraiment le droit de s’appeler le duc de Fleury tout court, comme le jeune héros d’Agnadel ? La contestation dure avec l’autre branche de la famille depuis quelque cent cinquante ans. Que son titre soit ou non très authentique, l’actuel duc de Fleury le porte de manière à justifier toutes ses prétentions. Il emploie admirablement une très grande fortune, héritée de sa mère, fille elle-même d’un de ces gentilshommes verriers dont une tradition plusieurs fois séculaire se perpétue dans nos départements du nord. Le duc a eu le bon esprit de ne pas confier à des intermédiaires la gérance de ses intérêts. Quarante ans durant, il a dirigé en personne les vastes usines qu’il possède près de Saint-Quentin. Son fils aîné s’en occupe maintenant. Ce maniement direct de ses propres affaires a eu ce résultat que le châtelain de Fleury-les-Tours appuie ses prétentions sur douze cent mille francs de revenu sans mésalliance, et le château est habité aussi noblement que le méritent les sculptures de ses portes et les meneaux de ses fenêtres. Le seigneur de cette exquise et grandiose demeure en a un très légitime orgueil. Ceci soit dit pour expliquer comment il avait tenu, m’ayant rencontré chez des amis communs, à m’en faire les honneurs, malgré mon manque absolu de compétence dans la partie où il excelle. Il a réuni là une collection d’armes à rivaliser celle du Palais Royal de Madrid. Un trait définira la parfaite politesse de ce vrai gentilhomme : durant la visite à laquelle je fais allusion, il m’épargna le détail de son musée, et un autre trait encore définira l’incompétence que je viens d’avouer. De toutes les pièces incomparables éparses — dans les appartements du château — que dis-je ? — de tout le château lui-même, je ne me rappelle vraiment qu’une petite toile, suspendue dans la chambre à coucher du maître du logis, et cela moins pour elle-même, quoique ce soit une excellente peinture d’un maître anonyme du dix-septième siècle français, qu’à cause de l’anecdote qui s’y rattache. Cette prédominance de l’intérêt moral sur la beauté et le pittoresque distingue l’écrivain de l’artiste — heureux quand cet intérêt emporte avec lui, comme ce fut le cas, un enseignement.

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