Author: | Anatole France | ISBN: | 1230000284889 |
Publisher: | JCA | Publication: | December 10, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Anatole France |
ISBN: | 1230000284889 |
Publisher: | JCA |
Publication: | December 10, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
En 1897, une affaire, qui touchait l’armée dans ses bureaux et ses conseils de guerre, émut le pays. Pour l’ardeur des passions qu’elle souleva, elle ne peut être comparée qu’à celle de la bulle Unigenitus, survenue cent soixante-quatorze ans auparavant et qui fut aussi, j’ai plaisir à le dire, une querelle des Français sur le juste et l’injuste. L’affaire de 1897, sortie d’un jugement secret, avait cela de dangereux, que le mystère dont elle était environnée favorisait le mensonge. À son origine, on trouve les antisémites qui travaillaient depuis quelques temps la France paisible. Et, qu’il se soit rencontré, par des temps calmes, chez un peuple aimable et tolérant, des hommes pour réveiller les vieilles haines de races et fomenter des guerres de religion, ce serait un sujet d’étonnement, si l’on ne savait d’où venaient ces hommes et si l’on ne reconnaissait en eux des missionnaires de l’Église Romaine. Aux antisémites se joignit bientôt un parti nombreux, le parti noir, qui, dans les salons, dans les faubourgs, dans les campagnes, semait des bruits sinistres, soufflait des nouvelles alarmantes, parlait de complot et de trahison, inquiétait le peuple dans son patriotisme, le troublait dans la sécurité, l’imbibait longuement de colère et de peur. Il ne se montrait pas encore au grand jour et formait dans l’ombre une masse immense et confuse, où l’on devinait comme une ressemblance avec les frocs cuirassés des moines de la Ligue.
En 1897, une affaire, qui touchait l’armée dans ses bureaux et ses conseils de guerre, émut le pays. Pour l’ardeur des passions qu’elle souleva, elle ne peut être comparée qu’à celle de la bulle Unigenitus, survenue cent soixante-quatorze ans auparavant et qui fut aussi, j’ai plaisir à le dire, une querelle des Français sur le juste et l’injuste. L’affaire de 1897, sortie d’un jugement secret, avait cela de dangereux, que le mystère dont elle était environnée favorisait le mensonge. À son origine, on trouve les antisémites qui travaillaient depuis quelques temps la France paisible. Et, qu’il se soit rencontré, par des temps calmes, chez un peuple aimable et tolérant, des hommes pour réveiller les vieilles haines de races et fomenter des guerres de religion, ce serait un sujet d’étonnement, si l’on ne savait d’où venaient ces hommes et si l’on ne reconnaissait en eux des missionnaires de l’Église Romaine. Aux antisémites se joignit bientôt un parti nombreux, le parti noir, qui, dans les salons, dans les faubourgs, dans les campagnes, semait des bruits sinistres, soufflait des nouvelles alarmantes, parlait de complot et de trahison, inquiétait le peuple dans son patriotisme, le troublait dans la sécurité, l’imbibait longuement de colère et de peur. Il ne se montrait pas encore au grand jour et formait dans l’ombre une masse immense et confuse, où l’on devinait comme une ressemblance avec les frocs cuirassés des moines de la Ligue.