Author: | JULES VERNE, GILBERT TEROL | ISBN: | 1230000543934 |
Publisher: | GILBERT TEROL | Publication: | July 10, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | JULES VERNE, GILBERT TEROL |
ISBN: | 1230000543934 |
Publisher: | GILBERT TEROL |
Publication: | July 10, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
Ce soir-là — 17 mars 1859, — le capitaine Craventy donnait une fête au fort Reliance.
Que ce mot de fête n’éveille pas dans l’esprit l’idée d’un gala grandiose, d’un bal de cour, d’un « raout » carillonné ou d’un festival à grand orchestre. La réception du capitaine Craventy était plus simple, et, pourtant, le capitaine n’avait rien épargné pour lui donner tout l’éclat possible.
En effet, sous la direction du caporal Joliffe, le grand salon du rez-de-chaussée s’était transformé. On voyait bien encore les murailles de bois, faites de troncs à peine équarris, disposés horizontalement ; mais quatre pavillons britanniques, placés aux quatre angles, et des panoplies, empruntées à l’arsenal du fort, en dissimulaient la nudité. Si les longues poutres du plafond, rugueuses, noirâtres, s’allongeaient sur les contre-forts grossièrement ajustés, en revanche, deux lampes, munies de leur réflecteur en fer-blanc, se balançaient comme deux lustres au bout de leur chaîne et projetaient une suffisante lumière à travers l’atmosphère embrumée de la salle. Les fenêtres étaient étroites ; quelques-unes ressemblaient à des meurtrières ; leurs carreaux, blindés par un épais givre, défiaient toutes les curiosités du regard ; mais deux ou trois pans de cotonnades rouges, disposées avec goût, sollicitaient l’admiration des invités. Quant au plancher, il se composait de lourds madriers juxtaposés, que le caporal Joliffe avait soigneusement balayés pour la circonstance. Ni fauteuils, ni divans, ni chaises, ni autres accessoires des ameublements modernes ne gênaient la circulation. Des bancs de bois, à demi engagés dans l’épaisse paroi, des cubes massifs, débités à coups de hache, deux tables à gros pieds, formaient tout le mobilier du salon ; mais la muraille d’entrefend, à travers laquelle une étroite porte à un seul battant donnait accès dans la chambre voisine, était ornée d’une façon pittoresque et riche à la fois. Aux poutres, et dans un ordre admirable, pendaient d’opulentes fourrures, dont pareil assortiment ne se fût pas rencontré aux plus enviables étalages de Regent-Street ou de la Perspective-Niewski. On eût dit que toute la faune des contrées arctiques s’était fait représenter dans cette décoration par un échantillon de ses plus belles peaux. Le regard hésitait entre les fourrures de loups, d’ours gris, d’ours polaires, de loutres, de wolvérènes, de wisons, de castors, de rats musqués, d’hermines, de renards argentés. Au-dessus de cette exposition se déroulait une devise dont les lettres avaient été artistement découpées dans un morceau de carton peint, — la devise de la célèbre Compagnie de la baie d’Hudson :
Ce soir-là — 17 mars 1859, — le capitaine Craventy donnait une fête au fort Reliance.
Que ce mot de fête n’éveille pas dans l’esprit l’idée d’un gala grandiose, d’un bal de cour, d’un « raout » carillonné ou d’un festival à grand orchestre. La réception du capitaine Craventy était plus simple, et, pourtant, le capitaine n’avait rien épargné pour lui donner tout l’éclat possible.
En effet, sous la direction du caporal Joliffe, le grand salon du rez-de-chaussée s’était transformé. On voyait bien encore les murailles de bois, faites de troncs à peine équarris, disposés horizontalement ; mais quatre pavillons britanniques, placés aux quatre angles, et des panoplies, empruntées à l’arsenal du fort, en dissimulaient la nudité. Si les longues poutres du plafond, rugueuses, noirâtres, s’allongeaient sur les contre-forts grossièrement ajustés, en revanche, deux lampes, munies de leur réflecteur en fer-blanc, se balançaient comme deux lustres au bout de leur chaîne et projetaient une suffisante lumière à travers l’atmosphère embrumée de la salle. Les fenêtres étaient étroites ; quelques-unes ressemblaient à des meurtrières ; leurs carreaux, blindés par un épais givre, défiaient toutes les curiosités du regard ; mais deux ou trois pans de cotonnades rouges, disposées avec goût, sollicitaient l’admiration des invités. Quant au plancher, il se composait de lourds madriers juxtaposés, que le caporal Joliffe avait soigneusement balayés pour la circonstance. Ni fauteuils, ni divans, ni chaises, ni autres accessoires des ameublements modernes ne gênaient la circulation. Des bancs de bois, à demi engagés dans l’épaisse paroi, des cubes massifs, débités à coups de hache, deux tables à gros pieds, formaient tout le mobilier du salon ; mais la muraille d’entrefend, à travers laquelle une étroite porte à un seul battant donnait accès dans la chambre voisine, était ornée d’une façon pittoresque et riche à la fois. Aux poutres, et dans un ordre admirable, pendaient d’opulentes fourrures, dont pareil assortiment ne se fût pas rencontré aux plus enviables étalages de Regent-Street ou de la Perspective-Niewski. On eût dit que toute la faune des contrées arctiques s’était fait représenter dans cette décoration par un échantillon de ses plus belles peaux. Le regard hésitait entre les fourrures de loups, d’ours gris, d’ours polaires, de loutres, de wolvérènes, de wisons, de castors, de rats musqués, d’hermines, de renards argentés. Au-dessus de cette exposition se déroulait une devise dont les lettres avaient été artistement découpées dans un morceau de carton peint, — la devise de la célèbre Compagnie de la baie d’Hudson :