LE SECOND RANG DU COLLIER

Science Fiction & Fantasy, Fantasy
Cover of the book LE SECOND RANG DU COLLIER by JUDITH GAUTIER, GILBERT TEROL
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Author: JUDITH GAUTIER ISBN: 1230000211846
Publisher: GILBERT TEROL Publication: January 22, 2014
Imprint: Language: French
Author: JUDITH GAUTIER
ISBN: 1230000211846
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: January 22, 2014
Imprint:
Language: French

— Je suis sûr, Théo, que mam’zelle Huai, enseigne à vos filles le plus pur accent marseillais et qu’elles prononcent  : des oiegnons.

C’est Paul de Saint-Victor qui taquine ainsi mon père, à propos de notre institutrice, Mlle Honorine Huet (qu’il prononce  : Huai, méchamment sans faire sonner le T, pour imiter le parler du midi) car il a une antipathie marquée pour la grave personne qui nous dirige. Quand il vient à la maison, il ne manque jamais de lui décocher, du haut de son raide faux col, quelque piquante malice, qu’Honorine accueille par un rire gras, qui sonne faux, et des minauderies pincées. Toujours, aussi, le grand critique s’arrêtait, comme s’il le voyait pour la première fois, devant  : Le règlement, que Mlle Huet avait placardé sur une porte, et qui disciplinait chaque heure de notre journée. Il affectait une grande surprise, relisait chaque article, avec une attention narquoise et des commentaires ironiques. Une fois — il nous avait rencontrées quelques jours auparavant, à une matinée du Théâtre-Français seules dans une loge avec Mlle Huet et écoutant mélancoliquement Britannicus — Saint-Victor ajouta de sa main au code d’Honorine un paragraphe ainsi conçu  :

«  Quand on aura été particulièrement méchantes, qu’on aura poussé la perversité jusqu’à ne pas se conformer au règlement, on ira, pour faire pénitence, voir une tragédie.  »

Ce fut à Enghien, où nous avions passé le dernier été, que Mlle Huet commença de régner sur ma sœur et sur moi. Succédant à la surveillance, toute affectueuse de notre gentille bonne alsacienne qui nous laissait une liberté presque complète, cette tutelle trop attentive ne pouvait pas être acceptée, par nous, sans rébellion et sans luttes. Cependant, le séjour à la campagne, la saison, les promenades, nous permettaient encore d’échapper assez souvent à la tyrannie  ; les devoirs étaient peu nombreux et pas trop sévères  ; mais nous voyions approcher avec inquiétude la fin des vacances.

Le retour d’Enghien à Paris fut marqué par un incident comique, résultat d’une méchante espièglerie de ma sœur et de moi, dirigée contre l’institutrice.

La passion de Mlle Huet pour les escargots n’était pas égoïste  : pieusement, en rentrant à Paris, elle en rapportait à sa mère plein un panier de tout vivants. Dès l’aube, elle était allée les cueillir sur les vignes roussies par l’automne, tenant secrète son expédition, car elle savait notre répugnance à tous pour son mets favori. Aussi ne soufflait-elle mot sur le colis supplémentaire qu’elle emportait, posé à terre, dans le wagon, et à demi dissimulé par sa jupe.

Tout de suite ce mystérieux paquet nous avait intriguées et nous n’avions pas été longues à découvrir, par le cliquetis des coquilles grouillantes, ce qu’il contenait.

La malice fut vite résolue  : le panier adroitement entr’ouvert  ; et, le coup fait, la contemplation innocente du paysage nous absorba complètement.

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— Je suis sûr, Théo, que mam’zelle Huai, enseigne à vos filles le plus pur accent marseillais et qu’elles prononcent  : des oiegnons.

C’est Paul de Saint-Victor qui taquine ainsi mon père, à propos de notre institutrice, Mlle Honorine Huet (qu’il prononce  : Huai, méchamment sans faire sonner le T, pour imiter le parler du midi) car il a une antipathie marquée pour la grave personne qui nous dirige. Quand il vient à la maison, il ne manque jamais de lui décocher, du haut de son raide faux col, quelque piquante malice, qu’Honorine accueille par un rire gras, qui sonne faux, et des minauderies pincées. Toujours, aussi, le grand critique s’arrêtait, comme s’il le voyait pour la première fois, devant  : Le règlement, que Mlle Huet avait placardé sur une porte, et qui disciplinait chaque heure de notre journée. Il affectait une grande surprise, relisait chaque article, avec une attention narquoise et des commentaires ironiques. Une fois — il nous avait rencontrées quelques jours auparavant, à une matinée du Théâtre-Français seules dans une loge avec Mlle Huet et écoutant mélancoliquement Britannicus — Saint-Victor ajouta de sa main au code d’Honorine un paragraphe ainsi conçu  :

«  Quand on aura été particulièrement méchantes, qu’on aura poussé la perversité jusqu’à ne pas se conformer au règlement, on ira, pour faire pénitence, voir une tragédie.  »

Ce fut à Enghien, où nous avions passé le dernier été, que Mlle Huet commença de régner sur ma sœur et sur moi. Succédant à la surveillance, toute affectueuse de notre gentille bonne alsacienne qui nous laissait une liberté presque complète, cette tutelle trop attentive ne pouvait pas être acceptée, par nous, sans rébellion et sans luttes. Cependant, le séjour à la campagne, la saison, les promenades, nous permettaient encore d’échapper assez souvent à la tyrannie  ; les devoirs étaient peu nombreux et pas trop sévères  ; mais nous voyions approcher avec inquiétude la fin des vacances.

Le retour d’Enghien à Paris fut marqué par un incident comique, résultat d’une méchante espièglerie de ma sœur et de moi, dirigée contre l’institutrice.

La passion de Mlle Huet pour les escargots n’était pas égoïste  : pieusement, en rentrant à Paris, elle en rapportait à sa mère plein un panier de tout vivants. Dès l’aube, elle était allée les cueillir sur les vignes roussies par l’automne, tenant secrète son expédition, car elle savait notre répugnance à tous pour son mets favori. Aussi ne soufflait-elle mot sur le colis supplémentaire qu’elle emportait, posé à terre, dans le wagon, et à demi dissimulé par sa jupe.

Tout de suite ce mystérieux paquet nous avait intriguées et nous n’avions pas été longues à découvrir, par le cliquetis des coquilles grouillantes, ce qu’il contenait.

La malice fut vite résolue  : le panier adroitement entr’ouvert  ; et, le coup fait, la contemplation innocente du paysage nous absorba complètement.

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