Author: | George Sand | ISBN: | 1230001652376 |
Publisher: | er | Publication: | April 23, 2017 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | George Sand |
ISBN: | 1230001652376 |
Publisher: | er |
Publication: | April 23, 2017 |
Imprint: | |
Language: | French |
Extrait :
Ce matin, j’étais un poète, un rêveur. Hier, je n’étais rien du tout, j’étais malade, abattu par la fièvre du beau et perfide mois de mai. Mon lourd sommeil s’était rempli d’un rêve monotone, obstiné. Je croyais marcher dans une foule armée, sous un ciel noir, par une nuit de rafales et de nuées. Des hommes noirs se pressaient à mes côtés, j’étais un homme noir moi-même. Nous avancions, parlant tous ensemble sans tumulte, mais avec feu, et nous nous disions tous, à chaque instant, les uns aux autres : « Avançons, serrons-nous, que personne ne s’arrête, que personne ne se retourne si ce n’est pour appeler, presser et encourager ceux que le vent et la nuit retardent. »
Et cette route sans fin était pleine, pleine à n’y pas mettre un piéton de plus. Pourtant des chariots, des canons, des chevaux, sillonnaient à chaque instant la vague humaine, et on les aidait à la traverser, et tout avançait comme par miracle, la multitude augmentant toujours et touchant, comme un fleuve sombre, aux deux bouts du sombre horizon.
J’étais fatigué, mais la pensée de me reposer ne pouvait pas me venir. Tout marchait, il fallait marcher, et dans cette foule sérieuse à l’œuvre, il y avait de la gaieté française, des rires et des mots. L’un disait : « Ce n’est pas nous qui peinons le plus, c’est la terre forcée de porter tant de monde, et pourtant elle ne dit rien. » — Un autre s’adressant à moi : « Tu vois bien que tant de jambes en mouvement ont la force de porter une armée. » Et, dans le rêve, je trouvais un sens clair et juste à ces vagues plaisanteries. Je sentais que la force active s’impose fièrement à la force inerte, et que beaucoup de jambes portant beaucoup de cœurs, une légion marchait en effet plus vite et mieux qu’un seul homme.
George Sand est le pseudonyme d'Amantine Aurore Lucile Dupin, baronne Dudevant, romancière, auteur dramatique, critique littéraire française, journaliste, née à Paris le 1er juillet 1804 et morte au château de Nohant-Vic le 8 juin 1876.
Elle compte parmi les écrivains prolifiques avec plus de soixante-dix romans à son actif, cinquante volumes d'œuvres diverses dont des nouvelles, des contes, des pièces de théâtre et des textes politiques.
À l'image de son arrière-grand-mère par alliance qu'elle admire, Madame Dupin (Louise de Fontaine 1706-1799), George Sand prend la défense des femmes, prône la passion, fustige le mariage et lutte contre les préjugés d'une société conservatrice.
Extrait :
Ce matin, j’étais un poète, un rêveur. Hier, je n’étais rien du tout, j’étais malade, abattu par la fièvre du beau et perfide mois de mai. Mon lourd sommeil s’était rempli d’un rêve monotone, obstiné. Je croyais marcher dans une foule armée, sous un ciel noir, par une nuit de rafales et de nuées. Des hommes noirs se pressaient à mes côtés, j’étais un homme noir moi-même. Nous avancions, parlant tous ensemble sans tumulte, mais avec feu, et nous nous disions tous, à chaque instant, les uns aux autres : « Avançons, serrons-nous, que personne ne s’arrête, que personne ne se retourne si ce n’est pour appeler, presser et encourager ceux que le vent et la nuit retardent. »
Et cette route sans fin était pleine, pleine à n’y pas mettre un piéton de plus. Pourtant des chariots, des canons, des chevaux, sillonnaient à chaque instant la vague humaine, et on les aidait à la traverser, et tout avançait comme par miracle, la multitude augmentant toujours et touchant, comme un fleuve sombre, aux deux bouts du sombre horizon.
J’étais fatigué, mais la pensée de me reposer ne pouvait pas me venir. Tout marchait, il fallait marcher, et dans cette foule sérieuse à l’œuvre, il y avait de la gaieté française, des rires et des mots. L’un disait : « Ce n’est pas nous qui peinons le plus, c’est la terre forcée de porter tant de monde, et pourtant elle ne dit rien. » — Un autre s’adressant à moi : « Tu vois bien que tant de jambes en mouvement ont la force de porter une armée. » Et, dans le rêve, je trouvais un sens clair et juste à ces vagues plaisanteries. Je sentais que la force active s’impose fièrement à la force inerte, et que beaucoup de jambes portant beaucoup de cœurs, une légion marchait en effet plus vite et mieux qu’un seul homme.
George Sand est le pseudonyme d'Amantine Aurore Lucile Dupin, baronne Dudevant, romancière, auteur dramatique, critique littéraire française, journaliste, née à Paris le 1er juillet 1804 et morte au château de Nohant-Vic le 8 juin 1876.
Elle compte parmi les écrivains prolifiques avec plus de soixante-dix romans à son actif, cinquante volumes d'œuvres diverses dont des nouvelles, des contes, des pièces de théâtre et des textes politiques.
À l'image de son arrière-grand-mère par alliance qu'elle admire, Madame Dupin (Louise de Fontaine 1706-1799), George Sand prend la défense des femmes, prône la passion, fustige le mariage et lutte contre les préjugés d'une société conservatrice.