Author: | Jules Barbey d'Aurevilly | ISBN: | 1230000293146 |
Publisher: | JCA | Publication: | October 15, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Jules Barbey d'Aurevilly |
ISBN: | 1230000293146 |
Publisher: | JCA |
Publication: | October 15, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
DANS une petite ville de province, par une après-midi de décembre, deux jeunes filles venaient de s’habiller pour le bal. C’étaient deux amies de pension, — deux contrastes ou deux harmonies : l’une avec de grands yeux noirs comme[1] la mort et farouches comme la peur, des dents bleuâtres, un teint de bistre et des cheveux bruns blondissant en atomes d’un or pâle à la pointe, — éternel adieu du soleil de son enfance resté écrit sur ces boucles légères où la vie, déjà plus avancée, avait versé ses obscurités, — petite, flexible, gracieuse, qu’un tissu aérien et rose enveloppait : on aurait dit une guêpe dont les ailes de velours noir seraient sorties d’une feuille de rose du Bengale[2] ; l’autre, plus grande, plus forte, splendide et vermeille comme une grenade entr’ouverte, brune aussi par la chevelure, mais dont les épaules, d’une plus lumineuse substance, dans les plis de la blanche robe qu’elle portait, ressemblaient à une touffe de lys avant l’aurore couronnant un beau vase grec, svelte, pur et tout en albâtre. Ses yeux étaient moins foncés et moins farouches que ceux de sa compagne. Une sereine lumière les noyait les faisait paraître comme deux perles dans une vague de l’océan, devenant de plus en plus cristal à mesure qu’elle meurt aux contours de quelque rivage.
DANS une petite ville de province, par une après-midi de décembre, deux jeunes filles venaient de s’habiller pour le bal. C’étaient deux amies de pension, — deux contrastes ou deux harmonies : l’une avec de grands yeux noirs comme[1] la mort et farouches comme la peur, des dents bleuâtres, un teint de bistre et des cheveux bruns blondissant en atomes d’un or pâle à la pointe, — éternel adieu du soleil de son enfance resté écrit sur ces boucles légères où la vie, déjà plus avancée, avait versé ses obscurités, — petite, flexible, gracieuse, qu’un tissu aérien et rose enveloppait : on aurait dit une guêpe dont les ailes de velours noir seraient sorties d’une feuille de rose du Bengale[2] ; l’autre, plus grande, plus forte, splendide et vermeille comme une grenade entr’ouverte, brune aussi par la chevelure, mais dont les épaules, d’une plus lumineuse substance, dans les plis de la blanche robe qu’elle portait, ressemblaient à une touffe de lys avant l’aurore couronnant un beau vase grec, svelte, pur et tout en albâtre. Ses yeux étaient moins foncés et moins farouches que ceux de sa compagne. Une sereine lumière les noyait les faisait paraître comme deux perles dans une vague de l’océan, devenant de plus en plus cristal à mesure qu’elle meurt aux contours de quelque rivage.